Molesworth Helen (dir.), Catherine Opie: Empty and Full, Berlin, Hatje Hantz, 2011
→Myles Eileen, Catherine Opie : Inauguration, New York, Gregory R. Miller and Co., 2011
→Bresciani Ana Maria, Hansen Tone (dir.), Catherine Opie : Keeping an Eye on the World, cat. expo., Henie Onstad Kunstsenter, Høvikodden (2017), Cologne, Walther König, 2017
Catherine Opie : American Photographer, Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 26 septembre – 7 janvier 2009
→Catherine Opie: Figure and Landscape, Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles, 25 juillet – 17 octobre 2010
→Catherine Opie : 700 Nimes Road, MOCA Pacific Design Center, Los Angeles, 23 janvier – 8 mai 2016
Photographe états-unienne.
L’œuvre de Catherine Opie est indissociable de l’émergence du mouvement gay et lesbien aux États-Unis dans les années 1970 et des théories queer (« étrange », « peu commun »), formulées par les philosophes féministes au cours de la décennie suivante. Fille d’un homme d’affaires conservateur, elle réalise, dès l’adolescence, qu’elle est lesbienne ; elle quitte alors sa famille pour étudier à Los Angeles, où elle fréquente la communauté gay, lesbienne et transgenre, ainsi que les adeptes du fétichisme, du sadomasochisme et du bondage. C’est un reportage de Lewis Hine sur la condition des enfants ouvriers au début du XXe siècle qui la convainc de la puissance de l’image. Après un Master of Fine Arts au California Institute of the Arts (1988), elle réalise en 1991 une série de 13 portraits serrés, intitulée Being and Having (Être et avoir). Photographié sur une toile de fond jaune vif, chaque individu, que l’on pense à première vue issu de la subculture américaine, a le regard fixé sur l’objectif, porte une barbe ou une moustache, ainsi que des piercings et des boucles d’oreilles. Une plaque en métal, clouée sur le cadre en bois de la photo, décline, en écriture cursive, l’identité de la personne représentée : Chicken ; Chief ; Ingin ; Papa Bear. Mais certains gros plans permettent de voir que barbes et moustaches sont en réalité des postiches, arborés par des amies de sa communauté butch (lesbienne). C. Opie apparaît elle-même sous le nom de Bo, son alter ego masculin, jouant ainsi avec les attributs de la masculinité pour mieux souligner la complexité et l’hétérogénéité de la sexualité lesbienne.
Comme elle le souligne, les femmes qu’elle photographie « ne veulent pas être des hommes ni passer pour des hommes tout le temps ; elles veulent juste emprunter les fantasmes masculins et jouer avec ». Entre 1993 et 1997, elle photographie abondamment les milieux sadomasochiste, trans, drag king et drag queen pour la série Portraits : réprouvant la façon dont est représentée la communauté « cuir » dans la culture dominante, elle décide, au lieu de se focaliser sur les tatouages et les piercings, de mettre en valeur le caractère majestueux des personnages. S’inspirant, comme pour Being and Having, des portraits d’Hans Holbein, elle isole ses sujets sur un fond de couleurs vives, élargissant sa palette au bleu, brun, vert, pourpre et rouge. La forme académique de ces portraits confère ainsi une distinction et une dignité à ces personnes, dont l’image est tout sauf conventionnelle. Cette utilisation des canons classiques de l’art permet au spectateur d’appréhender plus facilement son travail et de contempler une image qu’il ne regarderait pas autrement. À l’occasion d’un projet artistique autour du sida, elle réalise en 2000 sa série Large Format Polaroid, hommage aux performances sadomasochistes de son ami, l’acteur Ron Athey, séropositif depuis dix ans. Ces photographies en grandeur nature – tour de force technique – ont été réalisées avec un appareil Polaroid capable de produire des grands formats : dans une mise en scène baroque dramatisée par l’éclairage, l’artiste nous montre, entre autres, R. Athey, version moderne de saint Sébastien, le corps entièrement tatoué, allongé sur un lit mortuaire, le bras transpercé de seringues ; l’image est à la fois belle et effrayante. En 2001, C. Opie quitte l’univers queer pour se consacrer à des photographies d’architecture ou de paysages déshumanisés, avec notamment les séries Icehouses (2001) : posées sur un fond blanc presque monochrome entre la glace et le ciel, les icehouses, maisons de pêcheurs du Minnesota aux couleurs vives, alignées sur la glace, sont parfois à peine visibles dans la vastitude du paysage embrumé, et donnent une dimension presque abstraite à ces clichés ; chaque négatif est retravaillé à l’aide du numérique afin d’assurer la cohérence des tons blancs et l’uniformité de la ligne d’horizon. Dans le même esprit, la série Surfers (2001) nous emmène sur les côtes de Malibu, où, au loin, dans l’immensité de l’océan Pacifique, des surfeurs attendent en vain des vagues, et où la ligne d’horizon, presque imperceptible, se confond avec le ciel. L’artiste revient par la suite à une photographie plus humaniste, avec une série sur la vie dans et autour de la maison (2004), et une autre, composée de portraits d’enfants (2005). En 2004, lauréate du prix Larry-Aldrich, elle expose ses œuvres à l’Aldrich Contemporary Art Museum à Ridgefield (Connecticut). En 2009, le Solomon R. Guggenheim Museum de New York lui consacre une rétrospective présentant la synthèse la plus aboutie de son travail jusqu’à ce jour.