Frida Grahn (dir.), Denise Scott Brown In Other Eyes, Bauwelt Fudamente, Birkhäuser, 2022
→Valéry Didelon, La controverse Learning from Las Vegas, Mardaga, 2011
→Stanislaus von Moos, Venturi, Scott Brown & associates : Buildings and Projects, 1986-1998, The Monacelli Press, 1999
Hilar Stadler & Martino Stierli, Las Vegas Studio : Images from the Archive of Robert Venturi and Denise Scott Brown, Museum im Bellpark, Kriens, 2008
→David B. Brownlee, David De Long David & Kathryn B. Hiesinger, Out of the Ordinary : Robert Venturi, Denise Scott Brown and Associates, Philadelphia Museum of Art, 2001
Architecte et urbaniste états-unienne.
Née dans l’ancienne Rhodésie, Denise Scott Brown a grandi à Johannesburg, en Afrique du Sud, dans un environnement familial progressiste et libéral. Elle garde néanmoins de sa jeunesse le souvenir de la domination d’une élite blanche méprisant la culture locale et vernaculaire. D. Scott Brown commence des études d’architecture à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg, avant de rejoindre la prestigieuse Architectural Association, à Londres, d’où elle sort diplômée, en 1954, avec un projet de logements pour ouvriers mineurs.
Son intérêt pour la question sociale la conduit à fréquenter les architectes britanniques Alison (1928-1993) et Peter Smithson (1923-2003), dont elle partage la fascination pour la société de consommation naissante, la publicité, la « culture du pauvre » sur laquelle enquête alors le sociologue Richard Hoggart. Elle part ensuite pour les États-Unis, où elle entame, à la fin des années 1950 à l’université de Pennsylvanie, une formation en urbanisme orientée vers les sciences sociales. Elle y côtoie tardivement le célèbre architecte Louis Kahn (1901-1974), et fait surtout la connaissance de son assistant, Robert Venturi (1925-2018), qui devient rapidement son partenaire à la ville et dans la vie.
D. Scott Brown poursuit son itinéraire professionnel en Californie, où elle s’installe en 1965 pour enseigner l’urbanisme, d’abord à Berkeley puis à Los Angeles. C’est dans ce contexte qu’elle découvre Las Vegas, qui représente tout ce que les architectes détestent alors : le désordre urbain, l’esprit mercantile, la vulgarité tapageuse des grandes enseignes lumineuses. Avec R. Venturi, elle entreprend l’écriture de Learning from Las Vegas, qui paraît en 1972. C’est un manifeste extrêmement controversé qui fait l’apologie de la culture suburbaine américaine et vilipende l’architecture et l’urbanisme moderniste d’origine européenne. D. Scott Brown s’y révèle une polémiste hors pair autant qu’une photographe inspirée, qui fustige l’élitisme des architectes et sublime la laideur du paysage commercial des bords de route.
À partir de la fin des années 1960 et pendant près d’un demi-siècle, D. Scott Brown travaille à Philadelphie comme architecte et urbaniste aux côtés de R. Venturi. Sa notoriété allant croissante, elle n’hésite pas à dénoncer le machisme du milieu professionnel dans un essai retentissant écrit dès 1975, « Sexism and the starsystem in architecture », et paiera peut-être sa liberté de ton en n’étant pas associée au prix Pritzker décerné à Robert Venturi en 1991. Inséparables, les deux architectes multiplient les projets aux États-Unis (nombreux bâtiments universitaires), en Europe (extension de la National Gallery, à Londres) et au Japon, et sont considérés, à leur corps défendant, comme des figures du postmodernisme en architecture – ils se voient eux-mêmes davantage en maniéristes. D. Scott Brown est ainsi sans conteste une artiste et une intellectuelle qui a marqué la seconde moitié du XXe siècle en œuvrant au pluralisme et à l’inclusivisme dans l’architecture contemporaine.