Hamza, Alya, « La pratique plastique de Fela Kefi : Le fil renoue », La Presse, 6 juin 2025
→Othmani, Beya, « Fela Kefi Leroux, Embracing Blackness at the First World Festival of Black Arts », Hyperallergic, 6 mars 2023
→Gerschultz, Jessica, Decorative Arts of the Tunisian École, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2019
Présences arabes. Art moderne et décolonisation, Paris 1908-1988, musée d’Art moderne de Paris, avril-août 2024
→Partisans of the Nude: An Arab Art Genre in an Era of Contest, Wallach Art Gallery, Columbia University Lenfest Center of the Arts, New York, octobre 2023-janvier 2024
→Tendances et confrontations, Festival mondial des arts nègres, Dakar, avril 1966
Céramiste, peintre et décoratrice d’intérieur tuniso-française.
Fela Kefi Leroux appartient à la première génération d’artistes tunisien·nes formé·es dans le sillage de l’École de Tunis, courant moderniste majeur de la scène artistique nationale. Admise en 1961 à l’École des beaux-arts de Tunis, elle se spécialise dans la céramique et intègre l’atelier d’Abdelaziz Gorgi (1928-2008), figure centrale de l’École de Tunis. Celui-ci l’encourage à s’affranchir des motifs ornementaux traditionnels afin de mobiliser le médium dans le sens d’une création artistique originale. Sur des panneaux de carreaux plats, F. Kefi Leroux développe une iconographie stylisée, inspirée du matri·patrimoine tunisien et de la culture populaire, avec une prédilection pour les fonds sombres et uniformes et des contours simples. Elle pratique la technique de la faïence et réalise ses dessins au moyen d’une baguette de bois, d’un pinceau et d’un aérographe.
Alors qu’elle est encore étudiante, F. Kefi Leroux reçoit de nombreuses distinctions, dont le premier prix du Salon tunisien de 1964, qui avait lieu annuellement à la Galerie municipale des arts de Tunis (aujourd’hui Galerie Yahia), pour sa gouache Richesse de la Tunisie (1964). La même année, elle remporte un concours national avec sa maquette en céramique L’Agriculture (1964), commandée par le ministère de l’Agriculture. Une version monumentale de cette pièce est ensuite installée à l’Office des terres domaniales, à Tunis. F. Kefi Leroux est ainsi la première étudiante tunisienne invitée à réaliser une œuvre murale pour une institution publique. Sa contribution aux arts décoratifs est récompensée en 1964 du prix présidentiel d’excellence.
De 1965 à 1969, portée par cette reconnaissance précoce, F. Kefi Leroux poursuit ses études à l’École des arts décoratifs de Paris, où elle se forme en décoration d’intérieur. Elle est alors invitée à participer au Festival mondial des arts nègres (FESMAN), organisé à Dakar en 1966, où elle représente la diaspora africaine en France dans l’exposition d’art contemporain Tendances et Confrontations. F. Kefi Leroux y dévoile trois panneaux de carreaux en céramique, dont L’Été (1964), de la série Les Quatre Saisons (1963-64) et L’Olivier (vers 1964).
À la suite de sa participation remarquée au FESMAN, l’artiste obtient une résidence à la Cité internationale des arts à Paris, qu’elle occupe d’août 1966 à novembre 1968. Durant cette période, elle se consacre principalement au dessin et à la peinture, et réalise notamment Le Couple (1968). Après l’obtention de son diplôme de l’École des arts décoratifs en 1969, F. Kefi Leroux délaisse temporairement sa pratique artistique afin de se concentrer sur la décoration d’intérieur. Au début des années 1980, elle commence à assister aux cours de dessin de nu de l’académie de la Grande-Chaumière – où, en 2025, elle poursuit encore cette pratique. Son intérêt pour ce genre remonte toutefois à ses années d’études : trois de ses dessins de jeunesse – La Voyante (1964), Le Solitaire implorant (1965) et Le Petit Saïd (1965) – sont présentés en 2023-2024 lors de l’exposition Partisans of the Nude: An Arab Art Genre in an Era of Contest, à la galerie Wallach, à New York.
F. Kefi Leroux enseigne brièvement le dessin à l’École des beaux-arts de Tunis entre 1993 et 1995. En 1998, elle obtient un diplôme d’études approfondies (DEA) en arts plastiques à l’université de la Sorbonne à Paris. Sa carrière prend un tournant inattendu en 2019, lorsque son œuvre passé suscite un regain d’intérêt de la part d’historien·nes de l’art et de collectionneur·ses, l’incitant alors à renouer avec sa pratique artistique. Sa production récente comprend des dessins, des céramiques, par exemple La Dame en bleu (2024), et des peintures, comme Bijoux à ces dames (hier et aujourd’hui) (1963-2024). Ces nouvelles œuvres mettent en scène ses personnages des années 1960, prolongeant et réinterprétant ses narrations et orientations esthétiques d’origine.
Les œuvres de F. Kefi Leroux figurent dans les collections de la fondation Barjeel, à Sharjah, et du musée Guggenheim d’Abu Dhabi (Émirats arabes unis), dans celle de l’Office des terres domaniales de Tunis, ainsi que dans plusieurs collections privées.
Une notice réalisée dans le cadre du projet Tracer une décennie : artistes femmes des années 1960 en Afrique, en collaboration avec la Njabala Foundation
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025