Shafer Ryan & Smith Emily (dir.), Haegue Yang: Wild Against Gravity, cat. expo., Modern Art Oxford ; Aspen Art Museum (2011), Aspen Art Press, 2012
→Pijaudier Joëlle (dir.), Family of Equivocations: Haegue Yang, cat. expo., Aubette 1928 et musée d’Art moderne et contemporain, Strasbourg (8 juin – 15 septembre 2013), Strasbourg, Musées de la Ville de Strasbourg, 2013
→Dziewior Yilmaz (dir.), Haegue Yang, ETA 1994–2018, catalogue raisonné, Museum Ludwig Cologne, Cologne, Walther König, 2018
Arrivals, Kunsthaus Bregenz, 2011
→Lingering Nous, Centre Georges-Pompidou, Paris, 2016
→ETA 1994–2018. 2018 Wolfgang Hahn Prize, Museum Ludwig, Cologne, 2018
Plasticienne sud-coréenne.
Haegue Yang naît en Corée du Sud d’un père journaliste et d’une mère écrivaine très engagés dans les mouvements démocratiques dissidents pendant les grandes campagnes d’industrialisation du pays. Après avoir obtenu une licence d’arts plastiques à l’université nationale de Séoul, elle déménage en Allemagne en 1994 et poursuit ses études à la Städelschule à Francfort, où elle devient elle-même enseignante en 2017. Depuis les années 1990, H. Yang partage son temps entre la Corée du Sud et l’Allemagne et expose internationalement, ce qui l’amène à vivre une vie nomade. Ce déracinement conscient et volontaire constitue la base de sa pratique artistique.
Ses œuvres formatrices de la fin des années 1990 se composent d’objets empreints d’ironie et d’éléments autobiographiques qui associent les techniques de sculpture classique qu’elle a apprises en Corée à des références à Georg Herold, son professeur à la Städelschule, ainsi qu’aux pratiques consacrées de certains mouvements européens et américains tels que Fluxus, la Critique institutionnelle et l’art contextuel. Elle développe en parallèle sa série toujours en cours de Lacquer Paintings [Peintures laquées] et de Hardware Store Collages [Collages de quincaillerie]. Dans les années 2000, elle étend sa pratique à la production d’essais vidéo, d’écrits, de photographies, de pièces sonores et de performances. On retrouve dans toute son œuvre la présence récurrente d’objets du quotidien ou industriels et de matériaux « pauvres », qu’elle associe parfois de manière éclectique. Cet éclectisme est accentué par le fait que H. Yang procède à une constante réévaluation de sa pratique, donnant ainsi l’impression d’un mouvement anachronique. Cette tendance se manifeste également dans l’une de ses créations majeures, Storage Piece [Œuvre-stockage] (2004), dans laquelle elle entasse toutes ses œuvres, dont celles qu’on lui a rendues à l’issue d’expositions, sur des palettes en bois. Bon nombre des œuvres de H. Yang évoquent le sentiment d’isolation et le désir de lien social à la limite des sphères privées et publiques, ainsi que le tiraillement entre le fait d’arriver et le refus du statu quo.
Une série d’expositions audacieuses entre 2006 et 2008 fait connaître ses Series of Vulnerable Arrangements [Séries d’arrangements vulnérables], des environnements multisensoriels composés de divers dispositifs techniques et sculptures lumineuses, ainsi que ses compositions virtuoses en stores vénitiens. En transformant ses lectures de figures historiques mais ambigües – comme Marguerite Duras et sa conception de l’écriture – et mues par leurs idéaux politiques, leurs croyances religieuses ou leurs sentiments amoureux (dans la mesure où ceci les éloigne du collectif), en environnements abstraits, H. Yang développe un mode de figuration qui échappe à toute catégorisation ou didactisme. Sa participation au pavillon coréen de la Biennale de Venise en 2009 donne lieu à des expositions d’envergure au Walker Art Center de Minneapolis la même année, à Kunsthaus Bregenz en 2011, ainsi qu’à son intervention (monumentale) à la documenta 13 en 2012.
Ses travaux récents mettent en avant sa volonté de subvertir la soi-disant opposition des esthétiques sérielles, minimalistes et modernes aux pratiques artistiques indigènes traditionnelles que l’on minimise en les qualifiant souvent de « pré-modernes » ou « primitives ». Ses Intermediates [Intermédiaires], une série en cours de sculptures en paille, ainsi que plusieurs projets d’exposition intitulés « Quasi-Pagan » [Quasi-païen] sont deux exemples, parmi d’autres, de son analyse multi-référentielle du lien entre esthétique et histoire. Elle critique ainsi les hégémonies culturelles occidentales à travers une approche ironique et auto-exotisante et, ce faisant, révèle les incohérences qu’impliquent une pensée monolithique et une conception linéaire de l’histoire de l’art. Forte de cet état de fluctuation permanente, H. Yang continue de mettre en avant les histoires de tout ce qui lui semble être actuellement en jeu.
Son œuvre extraordinairement foisonnante, riche de plus de 1 500 pièces, a récemment fait l’objet d’un catalogue raisonné publié à l’occasion de ETA 1994-2018, sa première grande rétrospective de mi-carrière au Museum Ludwig de Cologne.