Huda Lufti, Huda Lutfi, Dubai, The Third Line Gallery, 2012
→Margot Badran, « Dis/playing power and the politics of patriarchy in revolutionary Egypt: the creative activism of Huda Lutfi », Postcolonial Studies, 2014, p. 47-62
→Sarah Sharp, « Art as Power, Convenience, Aggressor and Mediator. The Artistic Force in the Work of Huda Lutfi and Amal Kenawy », Third Text, 2017, p. 581-599
When Dreams Call for Silence, Tahrir Cultural Centre, Université américaine du Caire, Le Caire, Égypte, février 2019
→Magnetic Bodies: Imaging the Urban, The Third Line Gallery, Dubaï, Émirats arabes unis, avril – juin 2016
→Cut and Paste, Townhouse Gallery, Le Caire, Égypte, décembre 2013 – janvier 2014
Plasticienne et historienne égyptienne.
Née en Égypte, Huda Lutfi obtient un doctorat en histoire à l’université McGill à Montréal en 1983, puis de retour dans son pays, elle enseigne jusqu’en 2010 à l’Université américaine du Caire (AUC). Elle y introduit plusieurs cours, notamment sur le soufisme et sur les rapports de genre. En 1991 et 1992, elle enseigne également à Harvard University, à Cambridge. Immobilisée à la suite d’une opération, elle s’initie au collage à partir de catalogues et d’images qu’elle collectionne. Elle présente sa première exposition personnelle, Women and Memory, à l’AUC en 1996.
L’histoire et le genre s’entremêlent aussi bien dans ses recherches universitaires que dans son travail artistique, par le recours à des médiums variés tels que le collage, la peinture d’assemblages, la photographie, la sculpture, l’installation et la vidéo. Sa pratique autodidacte est récompensée en 1997, quand elle remporte le deuxième prix de la Biennale des femmes artistes de la Méditerranée (Marseille et Arles). La même année, H. Lutfi déménage dans le centre du Caire et installe son studio à la galerie Townhouse. Elle participe dès lors à de nombreuses expositions collectives et individuelles, à l’échelle nationale et internationale. Héritière de l’artiste Effat Nagy (1905-1994), H. Lutfi dialogue avec les iconographies pharaonique, copte, arabe, africaine, européenne et indienne. Endossant le rôle d’archéologue urbaine, elle fouille la ville comme s’il s’agissait d’un palimpseste où se superposent des couches de temporalité à excaver.
Inspirée par les répétitions réflexives (dhikr) de la tradition soufie, l’œuvre de H. Lutfi joue d’échos similaires et suscite souvent un effet proche du magique, qui émane d’une part du geste méditatif de l’artiste, d’autre part du pouvoir incantatoire de ses créations, enfin de la joie de celui ou de celle qui les contemple. Dans les années 2000, son approche répétitive devient un outil de contestation grâce auquel elle exprime sa critique du patriarcat et de la mondialisation capitaliste. Ses combinaisons de poupées, issues de la production de masse, dénoncent le déclin de l’artisanat local, éclipsé par l’accélération de la globalisation. Dans la série Magnetic Bodies (2016), ses installations de mannequins – silhouettes emblématiques des devantures du Caire – questionnent les normes genrées des espaces urbanisés.
En 2011, la proximité entre son domicile et les manifestations de la place Tahrir contribue à sa participation aux événements. Guidée par sa perspective d’historienne, elle commence alors à photographier ces rassemblements et à réunir des documents d’archives. Ce travail sert ensuite de base à sa série Cut and Paste (2013). En 2014, deux vidéos extraites de ce projet remportent le grand prix de la Biennale d’Alexandrie des pays méditerranéens. Dans sa série Still (2018), les techniques de recyclage et de collage offrent des résultats visuels et conceptuels qui diffèrent de l’extériorité du cycle précédent, en amorçant une chronique de l’intériorité. H. Lutfi explore encore cette quête intérieure avec sa série When Dreams Call for Silence (2019). Se tournant vers le subliminal, elle puise dans ses rêves ou dans les écrits et mémoires d’artistes surréalistes. Le titre de cette série lui est ainsi inspiré par les songes de la poétesse surréaliste franco-égyptienne Joyce Mansour.
Les œuvres de H. Lutfi connaissent un rayonnement international et sont entrées dans les collections du British Museum à Londres, du Los Angeles County Museum of Art (LACMA), de la Barjeel Art Foundation à Sharjah et du Museum of Art d’Indianapolis.
Publication réalisée dans le cadre de la Saison Africa2020.
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