Cecilia Alemani, Biennale Arte 2022 : The Milk of Dreams, Venise, La Biennale di Venezia, 2022.
→Flavia Frigeri, Louise Bonnet, Berlin, galerie Max Hetzler, 2020.
Entanglements : Louise Bonnet & Adam Silverman at Hollyhock House, Los Angeles, Inventory Press, 2024.
→Louise Bonnet : Recent Paintings, New York, Gagosian, 2023.
Peintre suisse.
Depuis 2000, Louise Bonnet, active à Los Angeles, travaille à des séries thématiques, parmi lesquelles Bathers, Ghostset Sphinxes. À travers celles-ci, elle se rattache à des genres de l’histoire de l’art tout en méditant sur l’expérience contemporaine du corps. Les seins sont un motif récurrent et prééminent de son œuvre ; ils apparaissent démesurés, projetant de la lumière, comme des spots de cinéma, ou du lait, comme des fontaines. Dans d’autres cas, ils sont bridés ou attachés, privant le corps féminin de liberté. Les cheveux sont un autre motif régulier, utiles pour cacher la chair, le visage et les émotions. L’artiste s’abstient en effet de représenter des expressions faciales, qui conféreraient aux figures une individualité, et se concentre sur la posture et les situations dans lesquelles se trouvent les corps. Elle se sert de l’échelle comme d’un outil dans la composition pour évoquer l’absurde ou le grotesque, comme lorsque ses femmes apparaissent avec des pieds ou des mains énormes mais une tête minuscule. Tous ces éléments réunis donnent l’image d’un corps aux prises avec le monde extérieur, avec les regards qu’il attire, qu’il doit supporter ou qu’il essaye de défier.
Pour L. Bonnet, pouvoir arrêter de penser est l’une des conditions préalables à son travail de peintre dans l’atelier. C’est lorsque se taisent les voix critiques dans sa tête que l’artiste travaille le mieux. Elle trouve alors l’espace pour laisser les figures arrondies et débridées qui peuplent ses peintures se développer librement et prendre la forme qui convient à leur situation. Dans l’univers de L. Bonnet, il y a de la place pour tous les types de corps ou d’attitude physique, quitte à défier vigoureusement les idées reçues sur ce qui est convenable, joli, ou sur ce à quoi les choses devraient ressembler.
Le regard public donne forme au corps, pourrait-on dire, et il est ici un point de référence, comme un motif principal en négatif. Des sentiments comme la honte, la culpabilité et la gêne ont, involontairement ou inconsciemment, un effet sur la manière dont les gens bougent, sur leur apparence et sur leur manière de vieillir. À rebours de cet état de fait, la peinture de L. Bonnet semble avoir pour objectif de se diriger vers la liberté et le désordre, par exemple lorsqu’elle figure une rage contenue ou met en scène une situation au bord de l’explosion. L’artiste a grandi dans un climat conservateur et sexiste dans la banlieue de Genève, où elle a fréquenté la Haute École d’art et de design. En 1994, elle a emménagé à Los Angeles, où elle a trouvé une atmosphère plus respectueuse et tolérante.
Depuis que L. Bonnet a commencé à utiliser la peinture à l’huile, en 2014, un changement décisif s’est produit dans son œuvre : ce médium lui a permis de trouver la profondeur et la plasticité qu’elle recherchait. Depuis, ses figures apparaissent monumentales et intemporelles. Son approche est nourrie par l’histoire de la peinture ; l’artiste trouve un compagnonnage auprès des peintres de natures mortes du Siècle d’or des Pays-Bas et d’icônes modernes telles que Philip Guston (1913-1980), tandis qu’elle accorde une grande importance à des artistes contemporains comme Paul McCarthy (1945-) et John Currin (1962-).
On trouve les œuvres de L. Bonnet dans de nombreuses collections publiques, comme le Hammer Museum et le Museum of Contemporary Art à Los Angeles, le Denver Art Museum et le Moderna Museet à Stockholm. À la Biennale de Venise de 2022, Milk of Life, la peintre a présenté Pisser Triptych, une réflexion sur le cycle humain de consommation et d’excrétion – un sujet audacieux pour la Lagune, mais représenté d’une telle manière que l’on semble faire face à un noble ensemble. La peinture, comme le prouve L. Bonnet, est un acte de transformation. Ce qui est fluide peut devenir solide, ce qui est embarrassant peut être présentable, et ce qui est difficile et lourd peut perdre de son poids pour devenir quelque chose à considérer d’un œil attentif et amusé.