Loulou Cherinet: Who Learns My Lesson Complete?, Moderna Museet, Stockholm, 11 mars – 18 juin 2017
Plasticienne suédo-éthiopienne.
Née d’un père éthiopien et d’une mère suédoise, Loulou Cherinet quitte sa ville natale, après avoir travaillé un temps au Göteborgs konstmuseum, pour se rendre en Indonésie au début des années 1990. Alors qu’elle s’est établie à la lisière d’une forêt balinaise, elle réalise ses premières expérimentations, qui prennent la forme de peintures et d’installations, puis participe à une première exposition en 1993, à Jakarta. Après ce séjour initiatique, elle part à la rencontre de ses racines paternelles et emménage à Addis-Abeba où elle suit l’enseignement de l’École supérieure d’art et de design avant de rentrer en Suède pour compléter sa formation à l’Institut royal d’art de Stockholm dont elle sort diplômée en 2005.
Développée au début des années 2000, la démarche artistique de L. Cherinet se nourrit d’une observation profonde, attentive et continue du monde qui l’entoure, dont elle témoigne avec des images, fixes ou animées. À travers ses œuvres – essentiellement des vidéos et parfois des photographies –, l’artiste cherche à décrypter et à interroger les mécanismes de fonctionnement de la société comme les rapports entre les humains, notamment entre les hommes et les femmes ou entre des personnes d’origines différentes, à questionner les notions de temps et d’espace, mais aussi d’identité et de genre, ou encore les valeurs morales et culturelles. Son approche empirique et sensible, parfois critique, repose sur un basculement permanent où s’associent les contraires pour mieux confronter et renouveler les points de vue : présent / passé, ici / ailleurs, intérieur / extérieur, personnel / universel, public / privé, étranger / confident… C’est dans son environnement immédiat, entre la Suède et l’Éthiopie, que l’artiste puise ses sujets d’étude et recrute les interprètes qu’elle dirige dans ses scénarios. Alors que le cadre est préalablement défini, les situations imaginées par L. Cherinet se caractérisent par une grande économie de moyens – un script élémentaire, des mises en scène simples et des indications minimales pour favoriser l’improvisation et préserver la spontanéité des dialogues et des réactions afin que chacun et chacune des protagonistes soit le plus à même de jouer son propre rôle. Réalité et fiction se mêlent jusqu’à se confondre dans des vidéos, projections monumentales ou diffusions sur écran, qui empruntent leurs références aussi bien au cinéma qu’au film documentaire.
Alors que, dans White Women (2002), des hommes africains portant tous une marinière sont réunis autour d’un dîner pour partager leurs expériences avec des femmes européennes, Magical Transformations of the World (2009), dont l’imagerie s’inspire de La Passion de Jeanne d’Arc (1927) de Carl Theodor Dreyer, montre en gros plan des réactions émotionnelles ordinaires (chagrin, humour, détresse, indifférence et rage) exprimées par les visages de cinq femmes. Dans Big Data (2014), L. Cherinet s’intéresse à la manière dont l’espace urbain est marqué par l’histoire politique, économique et sociale en choisissant l’exemple de la capitale éthiopienne. Prenant également la forme d’une archive ouverte, Axis (2016) sonde notre perception du temps à l’aune des nouvelles technologies et d’un monde continuellement connecté.
Poétiques et humoristiques, parfois ironiques, les réflexions de L. Cherinet résonnent intensément avec le présent, comme une invitation à mieux penser le futur.