Bobin Virginie et Bouteloup Mélanie, Ndidi Dike : Sous couvert du contrôle des ressources – in the guise of resource control, Paris, Villa Vassilieff – FNAGP Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques, 2018
→Anikulapo Jahman (dir.), Ndidi Dike: tapestry of life: new beginnings, exhibition paintings and sculpture, National Museum, Lagos, 2008
Ndidi Dike: from fragmentation to totality, CCA Centre for Contemporary Art, Lagos, 2010
→8 African women artists: Zuleika Bladsczyck-Radziwill, Ndidi Dike, Helen Lieros, Neo Matome, Metzger, Jocelyn Santos, Helen Sebidi, Caroline Sebunya, Savannah Gallery of Modern African Art, Londres, 1993
Plasticienne nigériane.
Après une enfance passée à Londres, Ndidi Dike s’installe au Nigeria. Elle y obtient un diplôme d’arts plastiques en 1984 à l’université du Nigeria à Nsukka, où elle suit l’enseignement de certain·e·s des plus éminent·e·s artistes modernes du pays, parmi lesquel·le·s Uche Okeke (1933-2016) et Obiora Udechukwu (né en 1946). Bien qu’elle ait étudié la peinture, c’est son œuvre transgressive dans le domaine de la sculpture – traditionnellement réservée aux hommes et qu’elle décide néanmoins d’apprendre en autodidacte – qui lui vaut ses premiers éloges. La majorité de ses premiers travaux consiste en de complexes assemblages de bois en relief caractérisés par des lignes et des symboles curvilignes gravés à l’aide d’outils électriques industriels et embellis grâce à des techniques de pyrogravure. Une sculpture comme Ikenga (1993), présentée lors de l’exposition majeure Seven Stories about Modern Art in Africa à la Whitechapel Gallery à Londres en 1995, puise son inspiration dans diverses influences, notamment celles des pratiques spirituelles igbo et de leurs motifs traditionnels tels que l’uli. À travers son usage imaginatif de matériaux qui, s’ils portent les traces du passé, appartiennent au quotidien – fibres de bananier, fers à marquer, figurines en laiton, pièces de monnaie et coquillages cauris –, dans ses œuvres de jeunesse N. Dike met en évidence son intérêt pour l’esthétique pluridisciplinaire et l’histoire des échanges culturels, deux thèmes qui nourriront sa pratique pendant plus de trente ans.
Au cours des années 1990 et 2000, N. Dike présente régulièrement ses œuvres au Nigeria et dans le reste du monde, et gagne ainsi des soutiens fidèles parmi les historien·ne·s de l’art, les commissaires d’exposition et les collectionneur·euse·s. Mais l’un des tournants majeurs de sa carrière a lieu en 2008, au tout nouveau centre d’art contemporain de Lagos, grâce à Waka-into-Bondage: The Last ¾ Mile. Pour cette exposition individuelle organisée par la directrice visionnaire du centre, Bisi Silva, N. Dike utilise toute une gamme de stratégies figuratives qui lui permettent de montrer les histoires complexes et les effets persistants du commerce triangulaire. L’exposition comprend une série de sculptures accrochées aux murs, faites de bois flotté agrémenté de chaînes d’esclaves et d’autres artefacts qui évoquent les aspects matériels de la capture et de la traite des esclaves. Bien que ce corpus d’œuvres conserve encore les traces de ses anciennes sculptures en relief, l’installation de deux grands bateaux suspendus au plafond de la galerie – l’un rempli de sucre de canne, l’autre de liquide rouge sang – augure une nouvelle trajectoire dans la pratique de l’artiste, caractérisée notamment par la dispersion et l’agglomération d’objets, les installations monumentales et un conceptualisme prononcé.
Au cours des années 2010, N. Dike explore les effets néfastes de la mondialisation en franchissant les limites du support et en adoptant une conception beaucoup plus large de l’espace dans toute son œuvre. Dans son installation Trace – Transactional Aesthetics (2015), elle place un monceau de produits de consommation face à une grande photographie composite d’un marché à Lagos, s’interrogeant ainsi sur les dimensions picturales et haptiques des modèles de consommation dans les pays en développement. L’intérêt de N. Dike pour la surproduction et la surconsommation est un élément central de Constellations – Floating Space, Motion and Remembrance (2017), sa première exposition individuelle en Europe, qui se tient à l’Iwalewahaus à Bayreuth (Allemagne). Organisée par Lena Naumann, cette exposition est centrée sur le concept d’hétérotopie théorisé par Michel Foucault et se compose d’une multitude d’installations immersives et d’une vidéo traitant des réalités de la migration forcée et des inégalités économiques entre le Nord et le Sud. Après avoir participé à la Biennale de Dakar en 2018, N. Dike présente une œuvre magistrale à la Biennale d’art contemporain de Lagos en 2019. A History of a City in a Box (2019), l’une de ses plus impressionnantes installations à ce jour, apparaît sous la forme d’une maquette de ville faite de caissons de rangement datant de l’ère coloniale, de divers types de terre et de documents d’archives se rapportant à l’histoire de l’Independence House, un repère architectural majeur, bien qu’abandonné, qui a servi de bâtiment principal pour la Biennale de Lagos. D’après N. Dike, « cette installation, avec toutes ses allusions délibérées au site et sa réflexion sur la valeur de l’information, révèle de nouveaux termes dans le vocabulaire en constante évolution au sein de [s]a pratique ».