Prix AWARE

Kristina Solomoukha
Nommée au Prix 2025

Portrait de Kristina Solomoukha © Béryl Libault

Le parcours artistique de Kristina Solomoukha a commencé en Ukraine soviétique à l’époque de la perestroïka. Après avoir étudié le design d’espace et le design graphique ainsi que l’architecture à l’École d’art industriel de Kiev, elle s’est installée à Paris en 1989 pour poursuivre sa formation à l’École nationale supérieure des beaux-arts.

Kristina Solomoukha - AWARE Artistes femmes / women artists

Kristina Solomoukha, Lighthouse, 2003, aluminium, matériel électrique, plexiglass, 250 x 180 x 180 cm, collection du FRAC Normandie, Caen (au premier plan). Kristina Solomoukha en discussion avec Paolo Codeluppi, On possibility of life in capitalist ruins / Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, 2023, aquarelle sur papier, 74,5 × 99 cm. Kristina Solomoukha en discussion avec Paolo Codeluppi, Left hand of darkness / La main gauche de la nuit, 2023, aquarelle sur papier, 69,5 x 99,5 cm. Kristina Solomoukha en discussion avec Paolo Codeluppi, Annihilation, 2024, aquarelle sur papier,74x109cm (au deuxième plain) © Courtesy Kristina Solomoukha. Vue de l’exposition Humain Autonome : Déroutes, MAC VAL, 2024, photo Salim Santa Lucia, © Kristina Solomoukha, © MAC VAL.

D’abord axée sur les notions d’espace, de territoire et de paysage urbain, sa pratique a évolué pour inclure des collaborations avec des artistes, des historien·nes, des sociologues et des anthropologues s’articulant autour de l’idée de « vivre ensemble » et donnant lieu à un corpus diversifié d’œuvres : installations, sculptures, aquarelles, interventions publiques, films, performances, écrits et projets participatifs.

Kristina Solomoukha - AWARE Artistes femmes / women artists

Kristina Solomoukha, Mind the Gap Fountain, 2008, une fontaine publique réalisée avec les éléments emblématiques de l’espace privé : piscine gonflable, camionnette, arrosoir de gazon, intervention à Cleopas T. Johnson Park, Atlanta, GA, USA,  Courtesy Kristina Solomoukha, © Kristina Solomoukha

Le travail de Kristina Solomoukha découle d’expéditions de recherche dans des contextes spécifiques, durant lesquelles l’artiste engage un dialogue avec des personnes de différentes cultures. Elle y recueille des données et des images liées à l’organisation spatiale et sociale – l’architecture, les paysages, les objets publics et les histoires. Après avoir examiné les modèles et les disruptions au sein de ces éléments, elle les reformule par l’hybridation, la fragmentation et l’humour, créant ainsi une forme artistique pénétrante qui explore de manière critique les dimensions politiques et sociales des images.

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Kristina Solomoukha, Shedding Identity, 2006, (fragment), caissons lumineux, plexiglas miroir, néons, impressions numériques sur adhésif, dimensions variables, collection du FRAC des Pays de la Loire, Carquefou, © Kristina Solomoukha, © FRAC des Pays de la Loire, photo Marc Domage

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Kristina Solomoukha, 3305, 74 Euro TTC, 2009, parpaings, dimensions variables, © Courtesy Kristina Solomoukha, © Kristina Solomoukha, © Le Dojo

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Kristina Solomoukha, Échangeur autoroutier et ferroviaire à Kyiv, Ukraine, avant l’invasion russe, 2024, aquarelle sur papier, 74,5 x 102 cm, © Courtesy Kristina Solomoukha, © Kristina Solomoukha

C’est ce qu’illustrent ses premières installations, notamment Shedding Identity (2006), créée après son retour de São Paulo. Des caissons lumineux, disposés comme un modèle de ville, illuminent des fragments de paysage urbain, révélant des connexions intriquées entre l’architecture, la publicité et l’identité de la ville. De même, dans son exposition personnelle 3 305, 74 Euro TTC1, inspirée par un village d’Italie marqué par un projet urbain gelé en raison de la corruption, elle a entièrement repensé l’espace d’exposition en érigeant des murs de brique inachevés. Sa fascination pour les paysages urbains en suspens se manifeste aussi dans ses aquarelles de jonctions autoroutières complexes, comme The Geography of Nowhere (2006) et Échangeur autoroutier et ferroviaire à Kiev, Ukraine, avant l’invasion russe (2024). Critiques des idéaux capitalistes et allusions à la condition post-humaine, ces œuvres présentent ces formes urbaines issues de la haute ingénierie comme des vestiges abandonnés de la civilisation.

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Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi, Parade du OUI et du NON, 2017, les drapeaux et les banderoles portés par les participants ont été réalisés par des artistes invités : René García Atuq, Babi Badalov, Elisabetta Benassi, Alevtina Kakhidze, Julien Loustau, Sophie Nys © Courtesy Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi, © Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi , © Centre d’art contemporain Les Capucins, Embrun, photo Dominique Blanc

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Kristina Solomoukha, Costume de maïs zapatiste, 2019, mousse peint, tissus, taille 38, © Courtesy Kristina Solomoukha, © Kristina Solomoukha, photo Paolo Codeluppi

La collaboration de Kristina Solomoukha avec l’artiste Paolo Codeluppi depuis 2012 ainsi que la révolution de la Dignité en Ukraine en 2014 l’ont incitée à explorer des modèles politiques alternatifs fondés sur des pratiques collectives horizontales. Cela se reflète dans le film Le Corps de l’ambassadeur (2017), où l’historien Yves Cohen discute des mouvements de protestation « sans leader », et dans Parade du OUI et du NON (2017), une marche à Embrun, en France, impliquant des habitant·es et des institutions locales : la maison de retraite, les écoles et les fermes. Ce projet aborde la question du débat démocratique tout en explorant le potentiel d’une coexistence productive au milieu des divisions. L’intérêt ultérieur de l’artiste pour les mouvements de protestation en tant que réseaux, où tous les membres sont égaux, l’a attirée vers l’esthétique du mouvement zapatiste2 et son utilisation des cagoules « balaclavas »3. Reconnaissant le potentiel libérateur de la dissimulation de l’identité pour favoriser l’égalité, elle crée un provocant Costume de maïs zapatiste (2019) de taille humaine.

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La maison de l’ours, Tant qu’elle est dans le feu, elle vit, 2023, veillée contée avec les textes et les lectures de Louise Hallou, Maya de Vulpillières, Blandine Rotival, Luna Duchaufour-Lawrance, Hang Hang, Marie Truffier et d’Ilaria Andreotti, sur l’invitation de Marine Ducroux-Gazio et d’Emma Vallejo, © La maison de l’ours, photo Paolo Codeluppi

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Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi, Costume d’ourse, 2014, fausse fourrure, tissus, taille 38, (modèle : Marie Johannot) © Courtesy Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi, © Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi, © Nouvelle Collection Paris, vue du défilé Nouvelle Collection Paris, 2017, Palais des Beaux-Arts, ÉNSBA, Paris, photo Romain Moncet.

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Kristina Solomoukha, A little closer to death that we would like it to be (titre de travail), 2022 – 2025 actuellement en montage, vidéo couleur HD, son, image Julien Loustau, © Courtesy Kristina Solomoukha, © Kristina Solomoukha

En 2020, Kristina Solomoukha a cofondé La Maison de l’ours, un espace d’expositions et d’événements à Montmartre. Elle réalise actuellement un film documentaire sur la communauté queer ukrainienne, dont le tournage s’est déroulé en Ukraine en 2022-2023. Elle enseigne également à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, à Paris

1
Kristina Solomoukha, exposition personnelle intitulée 3 305,74 Euro TTC (13 novembre 2009 – 15 janvier 2010), Le Dojo, Nice : https://www.paris-art.com/3-30574-euros-ttc/

2
L’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), ou Zapatistes, est un groupe de guérilla d’extrême gauche au Mexique, fondé à la fin du XXe siècle et nommé d’après le révolutionnaire paysan du début du XXe siècle Emiliano Zapata. En 1994, les zapatistes se sont rebellés à partir de leur base au Chiapas pour protester contre les politiques économiques qui, selon eux, avaient un impact négatif sur la population indigène du Mexique. L’insurrection s’est ensuite transformée en un mouvement politique puissant à la défense des Indiens du Mexique privés de leurs droits. L’EZLN s’aligne sur le mouvement social altermondialiste et anti-néolibéral, cherchant à contrôler les ressources locales, en particulier la terre, tout en promouvant l’égalité des sexes par le biais de la loi révolutionnaire des femmes et en cherchant à créer « un monde dans lequel plusieurs mondes s’intègrent ».

3
La « balaclava » est une cagoule qui couvre l’ensemble de la tête sauf les yeux. Elle tire son nom du village de Balaklava, près de Sébastopol, en Crimée. Pendant la guerre de Crimée, les troupes britanniques ont souffert du froid en raison de vêtements inadaptés. Après la bataille de Balaklava en 1854, les habitants ont commencé à tricoter des vêtements chauds pour les soldats, notamment des bonnets de laine portés sous les casques, qui sont devenus des cagoules. Depuis leur soulèvement en 1994, les zapatistes portent également des cagoules, qu’ils utilisent non seulement pour dissimuler leur identité à un gouvernement répressif, mais aussi comme symbole d’un collectivisme non hiérarchique et comme contestation de l’invisibilité des peuples indigènes dans un contexte colonial.

Oksana Karpovets est historienne de l’art et commissaire d’exposition vivant actuellement à Paris. Elle a curaté diverses expositions, notamment Quand l’inconcevable prend forme (2023), Cité Internationale des Arts, Paris ; et Human (2023) (avec Edyta Wolska), Baltic Gallery of Contemporary Art, Slupsk. Elle a effectué des formations professionnelles au MoMA de New York et au MOMA de San Francisco et elle a occupé des fonctions de curatrice au Zimmerli Art Museum aux États-Unis ainsi qu’au Jam Factory Art Centre en Ukraine. Elle est titulaire d’une maîtrise en études muséales de l’université de New York et travaille actuellement sur sa thèse intitulée L’art vidéo ukrainien (années 1980-2020) : un instrument intermédia pour l’émancipation, la repolitisation et le changement social à Sorbonne Université.

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