Prix AWARE

Laura Huertas Millán
Lauréate du Prix 2024

© Renato Cruz Santos

Susan Sontag écrit : « Tout ce qui est montré se passe dans le présent, quel que soit le moment où cela se produit. »

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

La Historia, 2005
3’48  min| Vidéo PAL

Courtesy Laura Huertas Millán

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

La Historia, 2005
3’48  min| Vidéo PAL

Courtesy Laura Huertas Millán

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

La Historia, 2005
3’48  min| Vidéo PAL

Courtesy Laura Huertas Millán

La pratique de l’artiste et cinéaste Laura Huertas Millán englobe différents médias : l’image en mouvement, l’écriture, la pédagogie et les enquêtes menées sur le long terme. Ses premiers films (par exemple La Historia, 2005) étaient déjà hantés par son enfance à Bogota, en Colombie, embourbée dans la guerre civile1, et par ses expériences d’immigrante économique de première génération en France, où elle travaille et vit depuis plus de vingt ans. Profondément marquées par un environnement d’origine caractérisé par une violence quotidienne et omniprésente, où la narration est transformée en riposte par les forces armées de divers fronts politiques, les œuvres de Huertas Millán remettent en question les récits oppressifs par le biais de la création de fictions expérimentales. Sa pratique témoigne d’une volonté profonde de comprendre le vivre-ensemble d’un point de vue conscient et éloquent, peut-être dans la continuité de l’héritage du foyer d’artistes à faibles revenus où elle a grandi, où la culture et la politique s’entremêlaient et où la pratique artistique et la culture étaient un espace alternatif relatant la joie, la communauté et la survie.

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Aequador, 2012
19 mins  | HD | Stereo | DCP

© Laura Huertas Millán – Le Fresnoy studio national des arts contemporains, 2012

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Aequador, 2012
19 mins  | HD | Stereo | DCP

© Laura Huertas Millán – Le Fresnoy studio national des arts contemporains, 2012

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Aequador, 2012
19 mins  | HD | Stereo | DCP

© Laura Huertas Millán – Le Fresnoy studio national des arts contemporains, 2012

La méthodologie slow research de Huertas Millán, la recherche au ralenti, imprègne la caméra pour valoriser les personnes qu’elle rencontre tout au long de ses films, dans une tentative de déconstruire le cinéma et ses structures traditionnelles, de décentrer et de décoloniser le domaine. Au cœur de cette approche se trouve la série développée de 2009 à 2012 sur le thème de l’« exotisme », qui comprend Aequador (2011) et Journey to a Land Otherwise Known (2012). Ces films démontent les récits coloniaux d’aliénation et d’oppression raciale, qui subissent une déconstruction à travers les prismes de la science-fiction, de la fiction spéculative et de la fantasy lo-fi, avec une critique acerbe de l’anthropologie.

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Sol Negro (Black Sun), 2016
43 mins  I 2K | Stereo | DCP

Courtesy Laura Huertas Millán

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

La Libertad, 2017
29 mins | HD | Stereo | DCP

Courtesy Laura Huertas Millán

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

jeny303, 2018
6 mins | 16 mm | Stereo | DCP

Courtesy Laura Huertas Millán

Au cours des années suivantes, en partie de manière indépendante et en partie au sein du Sensory Ethnography Lab, l’artiste a développé Ethnographic Fictions, une série d’œuvres qui comprend Sol Negro (2016), La Libertad (2017) et jeny303 (2018). Le concept d’« ethnographic fictions » offre une dualité de définitions essentielles à la compréhension de la complexité de son travail : la reconnaissance de l’ethnographie, initialement perçue comme une collection de récits enracinés dans le colonialisme, comme une forme de création de fiction, et, simultanément, les efforts contemporains en matière de pratiques ethnographiques décoloniales adoptant des outils issus du domaine de la fiction. Prenant de la distance avec les « ethnofictions » patriarcales et eurocentriques de l’anthropologie visuelle classique, elle a tracé une voie diasporique et un langage cinématographique artistique unique.

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

El Laberinto (The Labyrinth), 2018
21 mins | 16mm, found footage, HD | 5.1 | DCP

Courtesy Laura Huertas Millán

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

JÍIBIE, 2019
24 mins | HD | 5.1 | DCP

Courtesy Laura Huertas Millán

Cette série a amené l’artiste à se pencher sur des traumatismes générationnels, les troubles mentaux, les déplacements, l’écologie et la violence genrée. Sa pratique s’est naturellement orientée vers une réflexion sur le cinéma en tant qu’état alternatif, espace de résilience et de guérison. Depuis 2018, Huertas Millán s’est engagée de manière critique dans la notion de « pharmakon », une entité à la fois poison et remède, en produisant The Labyrinth (2018) et Jíibie (2019), qui questionnent les implications du discours dominant autour de la coca, une plante diabolisée dans les Amériques depuis le colonialisme. Traditionnellement cultivée dans les basses altitudes des pentes orientales des Andes, la plante a été criminalisée lors de l’invasion européenne afin d’effacer les économies indigènes et les pratiques spirituelles liées. Aujourd’hui, l’éradication forcée des cultures illicites de coca est réalisée de manière agressive par pulvérisation aérienne d’herbicides (fumigation), ce qui entraîne une pollution chimique, la destruction des moyens de subsistance, la déforestation et des déplacements de population. Son trafic illégal contribue à la poursuite de la guerre contre la drogue, qui perpétue l’interminable conflit armé colombien et le néocolonialisme. Au cours des dix dernières années, Huertas Millán a travaillé sur le terrain dans la forêt amazonienne, où elle apprend, travaille et se connecte avec le sage (abuelo) Cristobal Gomez Abel, un habitant Bora et Murui de la forêt, qui est devenu son professeur de longue date concernant le pouvoir de la plante de coca et con collaborateur cinématographique. Ses dernières œuvres produites en Amazonie se situent entre document historique, mythe et histoire fictive, et sont construites comme des lieux pour revendiquer la dépénalisation de nos relations avec les plantes et pour honorer les résistances indigènes à Abya Yala, qui ont permis la transmission de la parenté, des connaissances, des collaborations et de la vie avec et au sein de la nature.

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Journey to a land otherwise known, 23 mins, 2011, 2K | Stereo | DCP

© Laura Huertas Millán – Le Fresnoy studio national des arts contemporains, 2011

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Journey to a land otherwise known, 23 mins, 2011, 2K | Stereo | DCP

© Laura Huertas Millán – Le Fresnoy studio national des arts contemporains, 2011

Laura Huertas Millán - AWARE Artistes femmes / women artists

Journey to a land otherwise known, 23 mins, 2011, 2K | Stereo | DCP

© Laura Huertas Millán – Le Fresnoy studio national des arts contemporains, 2011

Tous ces films ne tracent pas seulement une constellation qui nous aide à comprendre l’ensemble des recherches de Huertas Millán ; ils se présentent également comme des œuvres contemporaines immersives dans lesquelles l’artiste construit des mondes visuels et sonores apportant une dimension nuancée aux aspects expérientiels des scènes captées. Associés à des recherches de long terme sur le colonialisme, la violence à l’encontre des peuples humains et plus qu’humains, les films de Huertas Millán abordent des aspects clés, encore non résolus, de la dynamique du pouvoir entre l’Europe et le Sud global, offrant de nouvelles perspectives sur l’analyse des pluralités. L’artiste fait émaner le sacré à travers l’écran, décisif pour créer l’imaginaire d’un vivre-ensemble qui n’a pas encore vu le jour.

Noelia Portela

 

Laura Huertas Millán est une artiste, cinéaste et écrivaine colombienne basée en France. Elle est titulaire d’un doctorat de l’université PSL (programme SACRe) suivi au sein du Sensory Ethnography Lab (Harvard University).  Plus de vingt rétrospectives de son œuvre ont été organisées à l’international. Ses films ont été présentés dans les principaux festivals de cinéma du monde et ont remporté des prix au Festival du film de Locarno, au FID-Marseille, à Doclisboa et à Videobrasil. Elle a présenté des expositions individuelles, entre autres, au MASP de São Paulo, à la Maison des Arts de Malakoff et au musée d’art moderne de Medellin. Ses films ont également été exposés et projetés au Centre Pompidou, au Jeu de Paume, au Guggenheim Museum de New York, à Times Art Berlin, et présentés dans des biennales telles que Liverpool, FRONT Triennial, Videobrasil, Videonale et Sharjah Biennial.

1
Le conflicto armado, cette guerre civile tentaculaire et interminable, où la violence normalisée et les violations des droits de l’homme ont formé une toile de fond brutale pour la vie quotidienne des civil.es.

Noelia Portela est commissaire d’exposition indépendante et coordinatrice de projets culturels basée à Paris. Noelia Portela est diplômée de l’école d’Architecture et de Design de l’université Victoria de Wellington en Nouvelle-Zélande. En 2017, elle fonde Persona Curada, un projet curatorial itinérant et expérimental à but non lucratif qui vise à promouvoir l’art contemporain latino-américain, mis en perspective avec la scène artistique française. Avec Persona Curada, elle organise des expositions, des projections, des performances et des débats en collaboration avec des institutions et des espaces d'art contemporain. Ses textes ont été publiés dans des revues comme Artishock Magazine (Chile), Relieve Contemporaneo (Argentina) et Obra Latinoamericana (Suisse).
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