Prix AWARE

Rose Lowder
Lauréate du Prix d’honneur 2023
Rose Lowder - AWARE Artistes femmes / women artists

Images fixes de Voiliers et coquelicots de Rose Lowder (2001) © Tous droits réservés par l’artiste / Autorisation de Light Cone

Reconnue dans le champ du cinéma expérimental, la pratique de Rose Lowder est également plastique. Pionnière d’une approche écologique globale et d’un usage singulier de la technique, R. Lowder a réalisé une cinquantaine de films. Elle vit à Avignon, où elle a cofondé les Archives du film expérimental, pour lesquelles elle est aussi programmatrice. Professeure associée à l’UFR d’arts plastiques à l’université Paris 1 depuis 1996, elle y enseigne jusqu’en 2005 l’histoire, la théorie et l’esthétique du cinéma expérimental.

Rose Lowder - AWARE Artistes femmes / women artists

Images fixes de Jardin du sel de Rose Lowder (2011) © Tous droits réservés par l’artiste / Autorisation de Light Cone

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Images fixes de Les tournesols de Rose Lowder (1982-1983) © Tous droits réservés par l’artiste / Autorisation de Light Cone

R. Lowder est née à Lima au sein d’une famille qui l’encourage à suivre une formation artistique. C’est ainsi qu’elle part pour Londres en 1960, où elle rejoint d’abord la Regent Street Polytechnic (1960-1962) puis la Chelsea School of Art (1962-1964), où elle suit des cours de sculpture, de peinture, de design et de dessin. À la fin de ses études, elle travaille comme monteuse à la télévision britannique. C’est au cours d’une projection qu’elle découvre l’image animée de Robert Breer (1926-2011). Elle comprend alors « qu’on pouvait faire des films en tant qu’artiste » (interview avec Scott MacDonald, Millenium Film Journal, no30-31, automne 1997). En 1972, elle rejoint son compagnon à Avignon. En parallèle de ses jobs alimentaires, elle commence à faire des films.

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Images fixes de La Source de la Loire de Rose Lowder (2019-2021) © Tous droits réservés par l’artiste / Autorisation de Light Cone

R. Lowder conçoit ses films image par image. Dans Les Tournesols (1982), l’artiste filme un champ de tournesols sans arrière-plan. Le film pourrait se donner comme un plan fixe, mais les fleurs en mouvement envahissent le champ en all-over. Sur sa caméra Bolex 16 mm mécanique, R. Lowder effectue des allers-retours et, sur les pellicules, elle n’enregistre pas de manière chronologique. Cela donne une image particulière : ce ne sont pas les images qui vibrent mais bien les tournesols, travaillés comme un motif. La cinéaste, attachée dans son processus à la répétition et à l’étude, poursuit cette même recherche dans ses Scènes de la vie française (1986) ou encore dans Impromptu (1989).

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Rose Lowder, Quiproquo, 1992, couleur, sonore, simple écran, 13′ 00 min., © Tous droits réservés par l’artiste, Autorisation de Light Cone

Sa série la plus connue, Bouquets, catalyse son étude de la compression, la composition, la couleur et le mouvement. Ces films d’une minute commencés en 1994 d’abord pour ne pas perdre ses fins de bobines constituent aujourd’hui quatre ensembles présentés en séries de dix : de 1 à 10 (1994-1995), de 11 à 20 (2001-2005), de 21 à 30 (2005-2009) et de 31 à 40 (2014-2022). R. Lowder y affine ce qu’elle appelle le filmage, processus qui consiste à tisser des images dans la caméra. Dans le passage d’une image à l’autre, elle fait varier les paramètres, donnant lieu à cette nature morte qui semble remuer de l’intérieur. Une ligne anime les Bouquets : chez R. Lowder, pas d’image écologique sans une approche écosystémique de la pratique artistique. Elle va de son respect des paysages qu’elle filme et de son choix des lieux et fermes écologiques où elle produit ses œuvres jusqu’à la prise en compte de la diffusion, qui respecte et préserve les savoir-faire artisanaux du cinéma. C’est aussi le cas dans Source de la Loire (2019-2021), contemplation lumineuse et fluide.

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Rose Lowder, Bouquet 31-40, 2014-2022, film 16mm, couleur, silencieux, simple écran, 10′ 34 min., © Tous droits réservés par l’artiste, Autorisation de Light Cone

Une deuxième ligne axe sa pratique, qui concerne le rapport de soin particulier que l’artiste accorde aux objets techniques. R. Lowder envisage des modalités d’articulation concrètes entre technique et paysage, comme s’il ne pouvait y avoir d’image écologique sans pensée écologique de la technique. Sa fidélité à la Bolex 16 mm en témoigne. Mais c’est le cas dès son premier film, Loops (1976), expérimentation menée sans caméra, avec seulement un projecteur, une amorce et un feutre bleu. Elle y initie une exploration qui repose sur le médium en lui-même, dans sa technicité propre, en se laissant guider par ses mécanismes : les possibilités d’agencement d’images dans l’expérimentation avec la bande sont ainsi inhérentes à l’outil de projection, comme si tout y était déjà inscrit.

Enfin, la jouxtant et l’épaississant, l’image écologique de R. Lowder s’accompagne d’une rigoureuse notation. En même temps qu’elle filme, elle dessine ses images, aiguisant son encadrement mathématique de sa prise du paysage. Ses notes ont avant tout un usage technique, mais elles ont leurs propres qualités plastiques : devenues partitions, elles se lisent comme un code poétique.

Salma Mochtari

(Attention, certaines scènes de la vidéo peuvent provoquer des crises d’épilepsie.)

Salma Mochtari est une chercheuse et curatrice basée à Marseille, et membre du collectif curatorial et éditorial Qalqalah قلقلة. Outre la programmation discursive, sa pratique curatoriale s’appuie sur les formes de la production collective par les workshops, la traduction ou l’écriture fictionnelle. Ses recherches prennent souvent appui sur les circulations conceptuelles entre les champs de l’art et de la philosophie contemporaine. Chercheuse à l’école supérieure d’art de Clermont-Métropole, elle étudie ce que les Black studies font faire aux artistes, curateur·rice·s, et travailleur·euse·s de l’art qui les travaillent. En 2022, elle mène avec Qalqalah قلقلة deux programmes curatoriaux : Losing Ground et Enough History.
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