Importante artiste textile, Aurèlia Muñoz participe au mouvement de la Nouvelle Tapisserie (ou Fiber Art) de la seconde moitié du XX^e siècle. Victime d’une incompréhensible négligence, sa figure est ignorée par les institutions muséales espagnoles ; en 2020, le MoMA, à New York, intègre cependant trois de ses œuvres au nouvel accrochage de sa collection permanente, suscitant un intérêt renouvelé pour l’artiste.
A. Muñoz a souvent rappelé le rôle décisif joué par l’Institut Montserrat, la première école Montessori de Barcelone, dans sa formation : c’est là, en effet, qu’elle apprend à travailler de ses mains. Très jeune, elle s’inscrit à l’école Massana – Centre d’art et de dessin, l’un des plus importants lieux d’enseignement artistique de la ville, où elle apprend diverses techniques. Ainsi s’explique l’importance du travail manuel dans sa production. L’artiste a en effet toujours assumé l’ensemble du processus de création, sans assistant·e·s, réalisant d’abord une étude préliminaire qu’elle transfère ensuite sur le carton dont elle extrait un dessin, teinte les matériaux, les tisse et les assemble.

Après la broderie, qu’elle emploie dans des œuvres comme Personajes místicos y cruz [Personnages mystiques avec croix, 1964], elle découvre au milieu des années 1960 la technique du macramé, qui jouera un rôle de premier plan dans son travail. En 1969, ses recherches autour du « nœud » en volume du macramé la conduisent à sauter le pas vers des œuvres en trois dimensions, qui témoignent de son intérêt pour la création d’espaces comme abris et comme refuges. C’est à cette époque qu’est lié son Homenaje a Gaudí [Hommage à Gaudí, 1969], sphère suspendue évoquant les quartiers d’une orange. Par la suite, ses œuvres deviennent plus monumentales, avec des pièces comme Ente social [Organisme social, 1976].
Dans les années 1980, A. Muñoz approfondit cette réflexion et prête une attention soutenue aux matériaux et aux volumes des œuvres. Ses tapisseries délaissent les murs et adoptent un caractère architectural, en dialogue avec l’espace. De cette manière, l’artiste fait de ses œuvres textiles des exercices artistiques complets, gommant les frontières entre arts majeurs et arts mineurs ainsi que la hiérarchie entre techniques et matériaux. Son œuvre entend ainsi occuper un espace liminaire entre la tapisserie, la sculpture et l’architecture, et renonce à la « fonctionnalité » généralement assignée aux arts décoratifs pour devenir un médium d’expression autonome. Au moyen de fibres naturelles comme le chanvre, la laine ou le sisal, et grâce à une connaissance approfondie des techniques et des savoirs populaires sur le textile, A. Muñoz donne du sens à ses œuvres et les rattache à un univers ancestral et organique, en dialogue avec le monde naturel.

De son vivant, l’artiste catalane jouit d’une vaste célébrité au niveau national et international et accumule de nombreuses récompenses dès le début de sa carrière. Elle participe à des biennales importantes comme celles de Lausanne et de São Paulo ; la principale bibliographie internationale sur l’art textile la présente comme une figure de référence. Son œuvre figure dans les collections d’institutions comme le MoMA (New York), le Stedelijk Museum (Amsterdam), le musée national d’Écosse (Édimbourg), le musée des Arts décoratifs de Prague ou le musée national centre d’art Reina Sofía (Madrid). En 2019, l’exposition Anudar el espacio. Donación Aurèlia Muñoz au musée national d’Art de Catalogne, à Barcelone, marque une nouvelle étape de sa reconnaissance dans sa région natale.