Brehm Margrit, Füsun Onur. For Careful Eyes, Istanbul, Yapi Kredi Publications, 2007
→Baykal Emre, Baliç Ilkay (dir.), Füsun Onur: Through The Looking Glass, cat. expo., Arter, Istanbul (2014), Istanbul, Arter, 2014
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Through the Looking Glass, Arter, Istanbul, 2014
Plasticienne et sculptrice turque.
Figure pionnière en Turquie, elle introduit une approche conceptuelle dans sa pratique de la sculpture pour présenter ses œuvres sous forme d’installations dans les années 1970 et 1980. Après des études traditionnelles à l’Académie des beaux-arts d’Istanbul, Füsun Onur obtient une bourse Fulbright en 1962 pour partir aux États-Unis où elle est diplômée en 1967 d’un master en sculpture au Maryland Institute College of Art.
Dès ses premières sculptures géométriques abstraites, F. Onur aborde, en explorant lignes et plans, la dualité de l’absence et de la présence ou encore du visible et de l’invisible. Réalisés avec des matériaux simples comme le papier, le carton et le bois, ces travaux précoces sont porteurs de problématiques majeures traversant l’ensemble de son œuvre : le rapport entre forme et processus, un intérêt pour les thèmes et les variations, ainsi qu’une réflexion sur l’espace et le mouvement. L’artiste n’assigne pas de signification à ses créations mais incite le public à en faire sa propre interprétation, celui-ci occupant dès lors une place centrale.
Nu (1974), une poupée décorative en plastique, fragmentée par des morceaux de miroir cassé, et Life Is beyond Walls [La vie est au-delà des murs] (1975), une installation en Plexiglas, avec des figures découpées et objets trouvés, sont les premiers exemples d’œuvres où F. Onur utilise des éléments familiers, qu’elle extrait de leur contexte d’origine et se réapproprie afin de souligner leur rapport à l’espace et à la temporalité. Son usage des matériaux périssables et transparents (tulles, textile, lacets, Plexiglas) et des objets du quotidien (meubles, perles, figurines, fleurs), récupérés dans sa maison, son quartier ou sa ville natale, demeure une constante dans sa carrière et marque un enracinement à la fois conceptuel et physique dans la sphère domestique. Sa pratique sculpturale s’ouvre progressivement vers un déploiement spatial et temporel. Third Dimension in Painting, Come Inside [Troisième dimension dans la peinture, viens à l’intérieur] (1981) et Floral Counterpoint, Blue [Contrepoint floral, bleu] (1982) sont conçus comme des environnements immersifs qui entourent le spectateur et la spectatrice et se répandent de toutes parts, dans la durée. Arrangées comme des variations musicales, ces « extensions rythmiques de formes », d’après ses propres mots, permettent à l’absence et à l’espace négatif de s’infiltrer dans les installations tout entières.
La musicalité devient une caractéristique de plus en plus importante des créations de l’artiste dans les années 1990 et 2000, alors qu’elle gagne une reconnaissance internationale à travers des participations successives à la Biennale d’Istanbul (1987, 1995, 1999 et 2011) et une série d’expositions en Europe. Déjà perceptible dans les titres et arrangements d’œuvres comme Note (1998) et Caprice (1998), sa recherche musicale trouve son aboutissement dans ses pièces les plus majestueuses. Opus II – Fantasia (2001), constitué de fils à coudre, de perles, de socles et de petites figurines et conçu comme le monologue d’un seul instrument, de même qu’Impromptu (2003), dont le titre renvoie aux morceaux instrumentaux du même nom, fonctionnent comme des notations silencieuses composées avec des objets trouvés et matériaux périssables et légers qui résonnent avec l’espace environnant et sont activés par le mouvement des spectateurs et spectatrices se déplaçant pour découvrir les œuvres.
F. Onur a souvent accompagné ses installations de déclarations artistiques détaillées et a publié plusieurs textes sur la critique d’art de son temps. Ces écrits démontrent sa précision et son contrôle dans les choix de matériaux et de composition, tout en s’abstenant d’imposer une signification au spectateur et à la spectatrice, et en l’invitant, au contraire, à s’emparer des œuvres. Par sa défense d’une approche inclusive de l’art et de la vie, elle a remis en cause les notions prédominantes d’authenticité et d’autorité.
L’année 2012 a vu la participation de F. Onur à la documenta 13, à Cassel, ainsi que la sortie d’une monographie : Füsun Onur, suivies en 2014 par Through the Looking Glass, une grande rétrospective organisée à Arter, à Istanbul. Nombre de ses œuvres sont présentes dans les collections publiques et privées, telles que celles de la Tate Modern à Londres, du MAK – Österreichisches Museum für angewandte Kunst/Gegenwartskunst à Vienne, du Van Abbemuseum à Eindhoven et de la Vehbi Koç Foundation à Istanbul.