Takako Saito, Spielkopf, 1986-1987, vue de l’exposition Takako Saito, CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux (8 mars – 22 septembre 2019), © ADAGP, Paris, © Photo : Arthur Péquin
Le CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux consacre une rétrospective majeure – la première qui soit organisée en France – à l’artiste japonaise Takako Saito (née en 1929), active depuis le début des années 1960.
Takako Saito, A flower A, B, C, 1993, et Ohne Titel, 1992, vue de l’exposition Takako Saito, CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux (8 mars – 22 septembre 2019), © ADAGP, Paris, © Photo : Arthur Péquin
Vue de l’exposition Takako Saito, CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux (8 mars – 22 septembre 2019), © ADAGP, Paris, © Photo : Arthur Péquin
Artiste autodidacte, T. Saito est repérée par George Maciunas (1931-1978) lors de son arrivée à New York en 1963. Sa pratique de la performance ainsi qu’un goût marqué pour le jeu lui permettent de s’immerger rapidement dans le mouvement Fluxus, même si elle ne revendiquera jamais une quelconque appartenance au groupe.
En 1968, elle s’établit en France, où elle travaille avec George Brecht (1926-2008) et Robert Filliou (1926-1987). Après un passage en Angleterre en 1973, puis en Italie de 1975 à 1979, elle pose ses valises en Allemagne et s’installe définitivement à Düsseldorf à la fin de l’année 1979.
Pluridisciplinaire et foisonnante, l’œuvre de T. Saito navigue entre la performance, l’installation et la pratique artisanale avec une facilité déconcertante.
À travers une sélection de plus de 400 pièces, Alice Motard, Eva Schmidt et Johannes Stahl – commissaires de l’exposition – ont laissé l’artiste imaginer elle-même la scénographie : la présentation n’est pas chronologique mais procède par ensembles, répartis dans les deux galeries du musée.
Vue de l’exposition Takako Saito, CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux (8 mars – 22 septembre 2019), © ADAGP, Paris, © Photo : Arthur Péquin
Dès les premières salles, le public plonge dans l’univers récréatif de T. Saito et comprend rapidement que ses œuvres sont conçues comme des objets qui « performent », convoquant tour à tour la poésie, l’humour et plus particulièrement le jeu, hérité de son appartenance au groupe Creative Art Education11
Mouvement artistique japonais créé en 1952 par Sadajirō Kubo (1909-1996), qui prône la libre expression du jeu sous toutes ses formes. .
Cependant, si la forme est extrêmement variée – vêtement, livre, sculpture, peinture –, l’ensemble de son travail n’est pas dénué de cohérence, bien au contraire.
Takako Saito, Smell Music Box for Charlotte Moorman, 1993, Collection Heinrich W. Risken Stiftung, Bad Rothenfeld, Allemagne, vue de l’exposition Takako Saito, CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux (8 mars – 22 septembre 2019), © ADAGP, Paris, © Photo : Arthur Péquin
Au fil du parcours, de nombreux éléments apparaissent comme des leitmotive chez l’artiste nippone : le jeu d’échecs (série des Flux Chess : Liquor Chess, 1975 ; Spice Chess, 1977 ; A Chess Set, 1996), l’échelle, l’enveloppe corporelle ou encore le livre.
Ainsi, la partie la plus remarquable est celle qui est consacrée au livre, médium qu’elle développe lors de ses années passées en Angleterre. À l’image de son œuvre, il prend de multiples apparences : du simple tas de feuilles reliées (réalisé avec des filtres à thé ou des napperons) au leporello11
Mouvement artistique japonais créé en 1952 par Sadajirō Kubo (1909-1996), qui prône la libre expression du jeu sous toutes ses formes. ou encore au format boîte, en passant par le tronc d’arbre rempli de bouchons de liège derrière lesquels se cache le texte.
Cet ensemble est le témoin du savoir-faire artisanal de T. Saito, à la fois inventif, minutieux et fabuleusement poétique.
Au premier plan : Takako Saito, You and Me Shop No. 1, 1994, vue de l’exposition Takako Saito, CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux (8 mars – 22 septembre 2019), © ADAGP, Paris, © Photo : Arthur Péquin
Cela étant dit, le plus réjouissant de cette présentation est sans aucun doute son caractère performatif et ludique, que l’on retrouve tout au long du parcours et qui atteint son point d’orgue dans la seconde partie grâce aux Shops (You and Me Shop No. 1, 1994 ; Newspaper Stand, 2000), pièces joyeusement régressives et emblématiques de la pratique de l’artiste.
Arrivé·e·s devant ces échoppes aux auvents rouge et blanc, nous sommes invité·e·s à produire une œuvre seul·e·s ou en collaboration avec T. Saito, à activer le processus d’échange et à mettre en exergue le fait que, sans « joueurs » et « joueuses », ces œuvres ne relèveraient pas du champ artistique.
Grâce à cette exposition, T. Saito, qui a fêté cette année ses 90 ans, nous rappelle pour notre plus grand plaisir que l’art contemporain peut être ludique, joyeux et, surtout, accessible à tous et à toutes.
Takako Saito, du 8 mars au 22 septembre 2019, au CAPC musée d’Art contemporain (Bordeaux, France).