Iduma Emmanuelle, You are So Loved and Lovely – Wura-Natasha Ogunji, Ruby Onyinyechi Amanze, cat. d’exp., Friedman Gallery, New York, 2019
→Van Dyke Kristina & Silva Silva, The Progress of Love, cat. d’exp., Yale University Press, New Haven, 2013
A Slice through the World: Contemporary Artists’ Drawings, MAO (Museum of Modern Art Oxford), 2018, Oxford, 2018
Plasticienne et performeuse états-unienne et nigériane.
Née aux États-Unis, d’ascendance nigériane par son père, Wura-Natasha Ogunji partage son temps, pendant de longues années, entre les villes d’Austin et de Lagos. Elle réside ensuite à Lagos où elle ouvre en 2018 un espace d’exposition indépendant dans le quartier d’Ikoyi : The Treehouse. W.-N. Ogunji affirme que sa pratique est profondément influencée par cette expérience de vie, d’abord entre deux pays, puis dans le pays de naissance de son père. Ainsi explique-t-elle, à propos de sa pièce Oyibo vs Herself [That’s not the Atlantic; There’s a Disco Ball between Us] (2013), qu’elle souhaitait « considérer la distance à la fois géographique et psychique entre l’Afrique et les Amériques afin de parler des possibilités que cette immense séparation atlantique permet peut-être ». Diplômée en anthropologie en 1992 et en photographie en 1998, à ses débuts elle déploie son art dans le dessin, puis dans la vidéo et dans la performance, trois médiums dans lesquels elle met régulièrement en scène son propre corps. Elle développe également des techniques originales de broderie sur papier, auxquelles viennent s’ajouter encres colorées irisées et strates de papier calque, le motif apparaissant en transparence. Elle travaille également le textile et réalise des installations.
Très rapidement, son œuvre est nourrie par les interactions expérimentées lors de ses séjours à Lagos, ville à propos de laquelle elle a écrit : « Je me demande souvent si ce qui fait de ce lieu une mégaville est, non pas le déploiement exponentiel de ses habitant·e·s, mais plutôt l’infini étirement du temps qui s’y produit. Nous sommes toujours en retard, mais nous arrivons à temps. Nous tenons à produire de nouvelles choses suivant des techniques anciennes. Le village survit dans la ville. » Dans sa pratique, W.-N. Ogunji s’attache aussi, avec constance, à examiner la présence des femmes à travers leurs gestes dans l’espace public, aux États-Unis comme au Nigeria, en considérant notamment la dualité entre les activités, y compris domestiques, et les loisirs. Son travail, toujours attentif au corps, pensé au plus près des mouvements, démontre l’intérêt de l’artiste pour la physicalité, l’endurance et la gestuelle, et pour la place accordée ou assignée aux corps dans l’espace géographique ou architectural. La plupart de ses performances, dont Queens (2013) et Beauty (2016), mettent ainsi en valeur les relations qu’entretiennent des corps avec l’incarnation physique, dans la ville ou dans le paysage, d’entités abstraites telles que le pouvoir ou la société. Curieuse d’une société nigériane qui « révère ses aîné·e·s et de très nombreux aspects de sa tradition tout en faisant partie d’une nation qui montre peu d’intérêt pour la préservation de son histoire, qu’il s’agisse de documents familiaux privés, d’artefacts nationaux ou de sites historiques », l’artiste rejoue plastiquement ces apparentes contradictions. La tête d’Ife – une sculpture datant probablement du XIe siècle qui faisait partie des objets déterrés en 1938 à Ife (Nigeria), centre religieux et ancien site royal des Yorubas – que l’on voit dans nombre de ses travaux l’atteste : elle est, selon elle, « une image qui réaffirme l’idée que l’histoire est toujours présente et que nous pouvons aussi être nos propres monuments ». Une performance telle que Sweep, créée en 2011, est aussi significative des divers aspects de ses recherches : l’artiste l’a réalisée originellement lors de sa première visite au Nigeria : elle souhaitait, ainsi qu’elle l’explique, que « le territoire se souvienne de [s]a présence ». Elle a depuis performé Sweep dans des contextes variés et dans plusieurs pays, comme une manière d’approfondir sa réflexion à la fois sur la place des femmes dans différentes sociétés et sur les notions de patrie et d’identité diasporique.
Le travail de W.-N. Ogunji est souvent collaboratif, marqué par son engagement auprès de ses paires artistes, que ce soit dans le cadre de l’activité de The Treehouse ou dans celui de la construction de ses performances, ou encore qu’il s’agisse d’endosser à la fois le rôle d’artiste et de curatrice lors de la XXXIIIe Biennale de São Paulo en 2018.
Publication réalisée dans le cadre de la Saison Africa2020.
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