Sam Bardaouil, Till Fellrath, Beirut and the Golden Sixties, Milan, Silvana Editoriale, 2022
→Laure Ghorayeb, Black on White, Beyrouth, Kaph Books, Saradar Collection series, 2019
→Laure Ghorayeb, Témoignage, Aleph, 1985
Correspondance(s), with Mazen Kerbaj, Sursock Museum, Beyrouth, 2019
→Laure Ghorayeb : L’ivresse des yeux, galerie Janine Rubeiz, Beyrouth, 2017
→Home Beirut: Sounding the Neighbors, MAXXI Museum, Rome, 2017
Peintre, poétesse et critique libanaise.
Laure Ghorayeb a connu une carrière artistique longue de quatre-vingt-trois ans. Elle commence en effet à dessiner en 1940, à l’école des sœurs Saint-Joseph de l’Apparition, à Deir el-Qamar, une ville située près du mont Liban, à environ quarante kilomètres de Beyrouth. Habituée à l’absence de couleurs dans les illustrations de ses manuels et dépourvue des moyens d’acheter des crayons de couleur, elle a toujours créé des dessins en noir et blanc. Cette fidélité à la monochromie, qu’elle manifeste dès ses débuts, pose les bases de sa pratique jusqu’à devenir une caractéristique de son œuvre. Elle réalise ses premiers travaux d’importance – des dessins au fusain et des peintures à l’huile – en 1955, lors d’un séjour de recherche au ministère de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts. Elle est encouragée à poursuivre dans la voie de l’art par Saïd Akl (1926-2001), son collègue au ministère et l’un des premiers défenseurs du mouvement Hurufiyya – le lettrisme arabe –, dont l’influence sur son travail se fait sentir par l’utilisation de textes en arabe. Artiste autodidacte, L. Ghorayeb en vient à la peinture et au dessin par sa pratique de la poésie. Elle écrit ses premiers poèmes en français en 1945, après avoir emménagé avec sa famille à Beyrouth. Plus tard, en 1960, elle obtient une bourse de voyage de l’ambassade française au Liban pour passer six mois à Paris, en signe de reconnaissance après la publication de son premier recueil de poésie. Elle exerce comme activité professionnelle la traduction en français de poésie arabe et est également une critique engagée.
Tandis qu’à ses débuts le dessin et la poésie se développent comme deux lignes parallèles de sa pratique, ils finissent par s’entrecroiser dans ses publications et ses expositions. C’est plus particulièrement évident dans les dessins miniatures qui illustrent son livre de poésie Noir…les bleus (1960) et son recueil de nouvelles autoédité Une couronne d’épines autour de ses pieds (1965). Dans les années 1970, L. Ghorayeb commence à ajouter du texte en arabe dans ses dessins sur la guerre civile, dont quatre-vingt-six sont publiés en recueil dans son livre Témoignage (1985). Certains de ces dessins sont ensuite retravaillés pour 33 jours, une série produite durant le conflit israélo-libanais de 2006. L. Ghorayeb reste engagée toute sa vie dans la critique en langue arabe, mais elle cesse progressivement de pratiquer la poésie de
manière indépendante à partir du moment où elle commence à incorporer du texte à ses dessins. Dans son style libre et linéaire, elle produit aussi souvent les affiches de ses propres expositions (notamment celle de sa première exposition, Noir et blanc, présentée en 1966 à la galerie One, à Beyrouth), qui se doublent de calligrammes – des œuvres à part entière.
Dans les riches et tumultueuses années 1960, L. Ghorayeb est un personnage central de la scène artistique vibrante de Beyrouth, active à la fois dans les arts visuels, la littérature et le théâtre, par ses critiques. Pendant toute cette décennie, elle participe aux majlis – des rassemblements hebdomadaires de poètes et d’écrivain·e·s organisés par Yusuf al-Khal, l’un des fondateurs de la petite revue Shiʿr. C’est par son intermédiaire qu’elle a sa première exposition, lorsqu’il cofonde la galerie One avec son épouse, l’artiste et autrice Helen al-Khal (1923-2009). L’intérêt de L. Ghorayeb pour l’art et le langage conduit à brouiller les frontières entre sa vie privée et sa vie publique. En 1966, elle épouse Antoine Kerbage, un acteur de théâtre et de télévision connu pour défendre l’arabe vernaculaire (al-Amiyya) dans les arts vivants. Ensemble, ils ont trois enfants, dont l’un, Mazen Kerbaj (1975-), devient artiste.
Dès les premières années de sa carrière, L. Ghorayeb jouit d’une renommée artistique locale. En 1967, elle est récompensée par le prix de la Biennale de Paris pour son dessin Le Couple (disparu pendant la guerre du Liban). Elle participe aussi aux biennales de Bagdad et d’Alexandrie, dont elle remporte le premier prix en 1997. Des expositions individuelles sont organisées dans des galeries prééminentes de Beyrouth, dont la galerie One (1966, 1971), la Contact Art Gallery (1974), le Gab Center (1985), la 50 × 70 Gallery (1994), la Station des arts (1995, 1996) et la galerie Janine Rubeiz (2001, 2015). Dans les années 2000 et 2010, les œuvres résultant de sa longue collaboration avec M. Kerbaj sont présentées dans plusieurs expositions, dont From One Window, the Other (2007), You, Me and the Wallpaper (2010) et L’Abécédaire (2015) à la galerie Janine Rubeiz, ainsi que Correspondance(s) (2019) au musée Sursock. Ses œuvres sont conservées dans les collections de la Barjeel Art Foundation, du British Museum, de la Dalloul Art Foundation, de la Saradar Collection et du musée Sursock. Une monographie est publiée par Kaph Books en 2019.