Itsuko Hasegawa, Kozo Kadowaki et al., Dialogue: Kiki no Jidai no Hasegawa Itsuko [Dialogue avec Itsuko Hasegawa en période de crise], Tokyo, Millegraph / Centre canadien d’architecture (CCA), 2025
→Itsuko Hasegawa, Hasegawa Itsuko no Shikō [Réflexions d’Itsuko Hasegawa], Tokyo, Sayusha, 2019
→Itsuko Hasegawa, ITSUKO HASEGAWA, Tokyo, Kashima Shuppan-kai, 2015
Itsuko Hasegawa – Landscape Architecture, Künstlerhaus, Salzbourg, août 2009
→Itsuko Hasegawa : Réalisations et projets récents / Recent Buildings and Projects, Institut français d’architecture (IFA), Paris, mars-mai 1997 ; Aedes Galerie East, Berlin, juillet-août 1997 ; Norsk Form, Oslo, septembre-octobre 1997 ; Nederland Architectuur Instituut (NAi), Rotterdam, 1998
→L’architecture comme une seconde nature : Jardins suspendus, Gallery MA, Tokyo, mars-avril 1989
Architecte japonaise.
Itsuko Hasegawa ne s’est pas contentée de concevoir des architectures innovantes. Elle a su élargir le rôle traditionnel de l’architecte en se mettant à l’écoute des résident(e)s et des utilisateurs·trices : c’est une pionnière dans l’exploration d’une architecture qui contribue à la réalisation d’une société vivante plus généreuse.
Née en 1941 dans la ville portuaire de Yaizu, I. Hasegawa est scolarisée dans des établissements pour jeunes filles, où, curieuse de nature, elle développe de multiples talents, s’adonnant à la cueillette des plantes en montagne, à la voile, ou encore à l’écriture de pièces pour le théâtre. Elle s’oriente ensuite vers l’architecture, un rêve qu’elle manque d’abandonner face aux pressions injustifiées subies dans une société qui considère que ce n’est pas un métier de femme. C’est finalement une maquette réalisée alors qu’elle est étudiante dans une université locale, où elle s’inscrit faute de mieux, qui change le cours de sa vie. Son travail est en effet repéré par Kiyonori Kikutake (1928-2011), architecte jouissant alors d’une grande notoriété, et qui reconnaît ainsi son talent. Ce qui surprend dans le parcours de I. Hasegawa, c’est qu’elle se forme à partir du milieu des années 1960 pendant près de dix ans auprès de deux grands noms de l’architecture, ayant pourtant des conceptions assez opposées : K. Kikutake d’une part, et Kazuo Shinohara (1925-2006) d’autre part. Peut-être cette expérience-là explique-t-elle que I. Hasegawa se soit sentie investie d’une mission qu’elle seule pouvait exécuter, à savoir libérer l’architecture et ses usagers·ères de l’emprise de ceux et celles qui font autorité. Les premiers pavillons pour particuliers qu’elle dessine alors qu’elle travaille pour le bureau d’études de K. Shinohara, comme Maison à Yaizu 1 (1972) ou Maison à Midorigaoka (1975), se distinguent par leur esthétique minimaliste, témoignant de l’influence de K. Shinohara. Pourtant, ils reflètent déjà une démarche originale, avec cette volonté de créer des espaces ouverts et libres, facilitant les interactions entre les habitant·es et avec la nature environnante, ce qui lui vaut de plus en plus de commandes de maisons individuelles.
I. Hasegawa s’installe à son compte en 1979, et souffle un vent nouveau dans le monde de l’architecture avec sa Maison à Kuwabara (1980). Elle met au point des plaques de métal perforées de petits trous qui vont entièrement recouvrir l’habitation. Ce matériau léger qui laissait entrevoir le monde extérieur symbolise parfaitement l’esprit de l’époque. En 1984, I. Hasegawa s’attaque à un autre registre avec le centre de formation Bizan Hall. Chaque espace est épuré et ouvert, imaginé pour une grande polyvalence d’usage, dans un bâtiment qui s’intègre parfaitement dans le quartier résidentiel dense qui l’entoure. À l’heure où une architecture est conçue comme une structure autonome, cette approche visant à intégrer le bâtiment dans son espace urbain immédiat est novatrice, et lui vaut le Prix de l’Institut d’architecture du Japon (AIJ), la plus prestigieuse récompense du pays dans ce domaine.
Le Centre Culturel Shōnandai (1990) finit d’asseoir la réputation de I. Hasegawa : elle devient dès lors une figure incontournable. Ce projet, le premier remporté par une femme dans un concours d’architecture pour une commande publique, propose d’enterrer la quasi-totalité des fonctions de l’établissement, tandis qu’en surface, le relief accidenté est mis en valeur, aménagé de structures sphériques, de maisons traditionnelles, mais aussi d’espaces boisés avec ses ruisseaux et ses sentiers de randonnée. En organisant les différents éléments du centre culturel en îlots à la manière d’un archipel, elle crée un lieu où les gens peuvent se rassembler, se détendre, se divertir en pleine nature, ouvrant de nouvelles perspectives pour ce type d’établissement.
I. Hasegawa œuvre aussi activement pour favoriser les échanges entre architectes et population locale, soulignant l’importance d’un système de participation citoyenne pour la construction de bâtiments publics. Son influence en la matière est loin d’être négligeable. Elle dessine d’ailleurs par la suite de nombreux établissements culturels ou éducatifs publics, comme le Centre de formation continue de Sumida (1994), le Musée du fruit de Yamanashi (1995), la Maison des arts et de la culture de Niigata (1998) pour ne citer qu’eux, repoussant sans cesse les possibilités de l’architecture à travers un dialogue continu avec les utilisateurs·trices. Elle n’hésite pas à organiser elle-même des entretiens ou des ateliers portant sur le programme ou la gestion desdites institutions culturelles, voire à leur faire des propositions concrètes. Si ce genre d’initiative, qui dépasse largement le cadre classique du travail de l’architecte, suscite naturellement diverses tensions, il a le mérite de mettre le doigt très tôt sur une problématique qui apparaît dans le monde entier, à savoir le manque d’intégration entre l’architecture et le programme d’activités qui y est proposé.
Pour I. Hasegawa, un bâtiment public se doit d’être un « champ ouvert ». Les institutions culturelles ne doivent pas être des constructions monumentales et imposantes, mais des lieux libres et généreux, tel un « champ ouvert à tous » qui favorise la diversité des activités et les échanges entre des personnes venues d’horizons pluriels. Elle aspire à créer une architecture qui se veut « une deuxième nature », à l’image du concept de satoyama, ces paysages ruraux où coexistent harmonieusement l’activité l’humaine et la nature.
À partir des années 2000, I. Hasegawa réalise aussi bien de grands projets, comme l’Établissement d’enseignement secondaire Taisei de Shizuoka (2004) ou l’Auditorium polyvalent de Suzu (2006), que de nombreux immeubles d’habitation ou des maisons individuelles. En 2016, elle fonde la galerie IHA en plein cœur de Tokyo, et l’année suivante l’association Dōjō de l’architecture et de l’art, qui se veut un lieu d’échanges et d’exposition pour les étudiant·es en architecture et les jeunes architectes, s’investissant ainsi dans la promotion d’activités culturelles et pédagogiques. En 2018, I. Hasegawa reçoit le Prix d’architecture de la Royal Academy of Arts du Royaume-Uni.