Cardinal, Philippe, Makram-Ebeid, Hoda (dir.), Le Corps découvert, cat. exp., Institut du monde arabe, Paris (27 mars – 26 août 2012), Paris, Hazan, 2012
→Cotter Suzanne, Contemporary Art in the Middle East, Londres, Black Dog Publishing, 2009
→Mikdadi Nashashibi, Salwa, Forces of Change. Artists of the Arab World, cat. exp. The National Museum of Women in the Arts, Washington, D.C. (7 février 1993 – 15 mai 1994), Lafayette/Washington, D.C, International Council for Women in the Arts et National Museum of Women in the Arts, 1994
Présences arabes. Art moderne et décolonisation. Paris 1908-1988, Musée d’Art moderne de Paris, Paris, 5 avril – 25 août 2024
→Artists Making Books – Poetry to Politics, The British Museum, Londres, 27 novembre 2022 – 18 février 2024
→In the Age of New Media, Atassi Foundation, Dubaï, 6 novembre – 17 décembre 2018
Artiste multidisciplinaire syrienne.
Laila Muraywid développe une pratique hybride mêlant sculpture, photographie, dessin et peinture, au cœur de laquelle le corps féminin se décline de manière omniprésente, obsédante, violente et attirante.
Enfant, L. Muraywid aime collectionner les pommes pour en contempler la décomposition, observer le point de bascule où le bon cède à la pourriture, le beau à l’horreur. À travers son œuvre, L. Muraywid fige ce passage d’un seuil à l’autre pour s’éloigner d’une conception manichéenne de la vie. L’horreur se fait au quotidien comme le beau persiste dans la tragédie.
Au cours d’un séjour à Londres en 1976, pour fuir la guerre civile au Liban où elle vit jusqu’à ses 18 ans, L. Muraywid visite les musées et se rend à l’évidence : rares sont les femmes artistes. Sa vocation s’en trouve renforcée. De retour en 1977 dans son pays natal en Syrie, elle s’inscrit à l’École des beaux-arts de Damas. L’enseignement lui convient peu, car trop académique, et elle cherche à se former ailleurs en confrontant son regard à la réalité. Elle prend l’habitude de s’installer dans le quartier des bouchers à Damas pour y croquer la chaire animale, le sang, et les viscères. En 1979, elle présente, au cours de sa première exposition au centre culturel de Damas, une série de dessins représentant des scènes du quotidien (comme un repas) et religieuses (telles des martyres) qui par un ou plusieurs détails basculent dans l’horreur : une femme crucifiée ou pendue, un corps donné au regard de tous, violenté. Il est cette chaire que les hommes semblent manier telles des pièces de boucher. L. Muraywid élabore une réflexion sur le climat de terreur instauré dès 1971 par l’arrivée au pouvoir du dirigeant syrien Hafez el-Assad. Que reste-t-il de la civilisation en temps de guerre, d’autoritarisme ? La terreur ne se cantonne pas à l’espace public, elle s’invite au cœur des maisons. Le corps, notamment de la femme, est ainsi pris au piège de la religion, de la politique et de l’intime. En 1981, elle obtient une bourse pour poursuivre ses études d’art à Paris. Ne parlant pas un mot de français, elle développe un langage du charnel. Elle s’inscrit à l’École nationale supérieure des arts décoratifs où elle découvre la photo, tout en continuant la gravure et le dessin, sur des papiers qu’elle fabrique elle-même. En 1987, se tient sa première exposition personnelle Icônes contemporaines à l’Espace Al Mutanabbi (Mission de la Ligue arabe – Unesco), Paris, préfacée par le poète Adonis.
Entre 1996 et 2016, L. Muraywid élabore ses bijoux-sculptures, exposés en 2004 au musée Galliera. Enveloppes et prolongements du corps, ces pièces en résine, pierre et métal sont aussi, pour l’artiste, des théâtres de la vie que la lumière vient animer. Elles constituent le point de départ d’un travail à la croisée entre performances (dès 1996) et photographie, dans lequel le corps se met en scène, s’exhibe et échappe tout à la fois – All Masks Have Faces (2009) étant une des premières œuvres allant dans cette direction. En 2011, L. Muraywid mène un nouveau travail sculptural –auquel appartient The Wedding– composé de fragments de corps réalisés en moulage, assemblés grâce à un conglomérat en résine contenant des pierres, bijoux, chaînes. La sculpture, les bras écartelés avec au centre un magma de pierres précieuses attirantes et de viscères repoussants, questionne l’expérience de la limite entre beauté et violence. Quand on demande à L. Muraywid si elle est féministe, elle aime répondre « Pourquoi le serais-je ? Ce sont les hommes qui doivent l’être. »
Une notice réalisée en collaboration avec le Musée d’Art Moderne de Paris et Zamân Books & Curating dans le dans le cadre du programme Role Models
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