Drechsler Wolfgang (dir.), Maria Lassnig, cat. exp., Museum moderner Kunst Stiftung Ludwig, Vienne ; musée des Beaux-Arts de Nantes, Frac Pays de la Loire, Nantes (1999), Vienne / Nantes, Museum moderner Kunst Stiftung Ludwig / Musée des Beaux-Arts de Nantes / Frac Pays de la Loire, 1999
→Obrist Hans Ulrich, The Pen is the Sister of the Brush: Diaries 1943–1997, Göttingen / Zurich, Steidl / Hauser & Wirth, 2009
Dessings et Aquarelles = Zeichnungen und Aquarelle, 1946-1995, Kunstmuseum, Berne ; Centre Georges-Pompidou, Paris, 1995
→Maria Lassnig, The Ninth Decade, Mumok, Vienne, 13 février – 17 mai 2009
→Maria Lassnig, Museum of Modern Art PS1, New York, 9 mars – 7 septembre 2014
Peintre autrichienne.
Maria Lassnig passe son enfance à Klagenfurt, puis obtient son diplôme en 1945, à l’Académie des beaux-arts de Vienne. En 1948, elle rencontre Arnulf Rainer et Ernst Fuchs, qui font partie du groupe de Viennois influencés, à l’époque, par l’expressionnisme abstrait et l’action painting. Au cours de son premier voyage en 1951 à Paris, elle rencontre André Breton, Paul Celan et Benjamin Péret, et découvre l’art informel ; elle y retourne en 1961, puis, de 1968 à 1980, vit à New York, où elle fait du cinéma d’animation, car ses peintures sont mal comprises, jugées par trop étranges et morbides. Elle réside à Berlin grâce à une bourse en 1978. Peintre à la carrière internationale et dessinatrice hors pair, elle est la première femme à obtenir une chaire de professeure à l’École des arts appliqués de Vienne. En 1980, elle représente l’Autriche, avec VALIE EXPORT, à la Biennale de Venise. Artiste féministe et engagée, pratiquant une peinture violente et inclassable axée principalement sur l’autoportrait et ce qu’elle appelle « les sensations du corps », elle acquiert une reconnaissance tardive hors de son pays. Il faudra attendre l’exposition de ses dessins et aquarelles au Centre Georges-Pompidou en 1995-1996, puis une exposition de tableaux à Nantes, au musée des Beaux-Arts en 1999, pour que les institutions européennes la repositionnent à sa juste place. Personnalité hors du commun d’une grande discrétion et totalement affranchie, elle fait l’objet de grandes rétrospectives à la Serpentine Gallery à Londres (2008) et à la galerie Mumok de Vienne (2009).
Ses tableaux, que l’on pourrait rapprocher de la figuration d’un Francis Bacon ou de Picasso, montrent le corps humain, disloqué, fragmenté, la tête tronquée, souvent associé à un animal ou à un meuble ; ses formes organiques tordues, semblables à de la chair animale, sont compressées dans un dessin énergique et vigoureux. Les couleurs soutenues, à tendance rose, violet, sur des fonds unis très vifs, ajoutent à la violence de la représentation. Cependant, son œuvre n’est pas dénué d’humour et de charge provocante. Ses derniers thèmes politiques font allusion aux enfants-soldats, à l’hôpital ou à la déchéance du corps vieillissant, mais sa lucidité ne perd jamais sa fougue : on la voit dans un tableau, nue, frontale, armée de deux pistolets (You or Me, 2005). Elle associe féminin et masculin dans des images où la sexualité est ambiguë. Ses premiers dessins mélangent des détails réalistes – œil, bouche – avec des traits nerveux comme des fils de fer ou des lianes nouées, qui enserrent et captivent les poussées fécondes, érotiques des formes. « Il se passe quelque chose dans le corps et on le sent [… ] On sent des lignes qui s’étirent en longueur ou en largeur. Ou bien on ne sent que des points et des cercles. » Ses aquarelles, beaucoup plus libres, laissent couler les couleurs roses et arc-en-ciel dans des strates ou des volutes très charnelles et souvent monstrueuses. Ses recherches graphiques tentent de rendre compte de son expérience sensible intime.
Sa dernière exposition, à l’occasion de ses 90 ans, est centrée sur ses autoportraits, qui, dans leur virulence, expriment la grande liberté de cette artiste d’exception : seule ou en couple, dédoublée, en face à face avec elle-même, ou en mère-fille ; en fusion avec la nature, la montagne, l’arbre ou l’animal, en machine, en fauteuil, ramassée, ouverte, tordue, forme molle ou aiguë, elle s’identifie à tout ce qui l’entoure, franchissant les limites de son propre corps pour en explorer toutes les possibilités, de la même façon qu’elle explore les limites du trait dans l’espace de la feuille blanche. Introspection à la fois physique et analytique. En 2013, elle a reçu le Lion d’or de la 55e Biennale de Venise.