Tatiana Shvets, L’Élue du Destin Marie Bashkirtseff, Moscou, Osobaja kniga, 2018
→Dominique Rochay, Jean Forneris, Jean-Paul Potron (dir.), Marie Bashkirtseff : peintre et sculpteur, écrivain et témoin de son temps, Nice, Régie autonome des musées de la Ville de Nice, 1995
→Cosnier Colette,, Paris, Pierre Horay, 1985
Marie Bashkirtseff : peintre et sculpteur, écrivain et témoin de son temps, musée des Beaux-Arts, Nice, 1er juillet – 29 octobre 1995
→Marie Bashkirtseff, musée Russe, Saint-Pétersbourg, 1929
→Rétrospective en hommage à Marie Bashkirteseff, Exposition de l’Union des femmes peintres et sculpteurs, Paris, 1885
Peintre, sculptrice, dessinatrice et pastelliste russe.
Issue d’une famille de l’aristocratie russe, Marie Bashkirtseff bénéficie dès son plus jeune âge d’une éducation raffinée, rythmée par des cours de danse, de musique et de dessin. Sa carrière artistique se déroule essentiellement en France, en dehors de son pays natal qu’elle quitte à l’âge de douze ans. Elle mène alors une vie cosmopolite à travers l’Europe avant de s’installer définitivement à Nice en 1870. Elle y reçoit des leçons de dessin de François Bensa (1811-1895) et de Charles Nègre (1820-1880) puis se découvre une véritable passion pour la peinture en prenant des cours à Rome auprès de Wilhelm Kotarbiński (1848-1921). À défaut de pouvoir se rêver cantatrice, la tuberculose altérant sa voix de mezzo-soprano, M. Bashkirtseff décide de devenir peintre et entre en 1877 à l’académie Julian, à Paris, en tant qu’élève de Tony Robert-Fleury (1837-1911). Sa toile L’Académie Julian (1881) demeure un des rares témoignages du fonctionnement de cet atelier féminin où le nu masculin, sans pagne, n’a pas encore droit de cité.
Les années 1880 constituent un jalon essentiel dans la trajectoire artistique de M. Bashkirtseff. Prenant conscience de son exclusion du cursus honorum en raison de son genre, elle contribue en 1881, sous le pseudonyme de Pauline Orrel, au journal féministe La Citoyenne pour réclamer l’ouverture de l’École des beaux-arts aux femmes. Cette période décisive s’accompagne d’une rupture avec les conventions académiques, consommée lors d’un séjour en Espagne : elle copie La Forge de Vulcain de Diego Velásquez (1599-1660) au musée du Prado et développe un style « hispanisant » en peignant un forçat dans une prison et les rues pittoresques de Grenade. À son retour en France, marquée par les idées d’Émile Zola et sa rencontre avec Jules Bastien-Lepage (1848-1884) en 1882, elle s’engage dans le courant naturaliste, une esthétique qui répond à sa quête humaniste et sociale. Les figures populaires issues des faubourgs parisiens constituent ainsi son répertoire iconographique de prédilection. Érigés en objet d’étude, les gamins de Paris deviennent des modèles récurrents dans son œuvre, comme dans Un meeting (1884), grâce auquel elle accède à la notoriété au Salon de 1884.
Cherchant sa propre nature artistique, M. Bashkirtseff se montre également sensible aux innovations des avant-gardes : elle affirme la parenté de son style avec l’art d’Édouard Manet (1832-1883) et intègre les apports des impressionnistes en explorant les possibilités du travail en plein air. Ses intentions diffèrent toutefois de l’orthodoxie impressionniste : dans Le Printemps (1884), elle tente d’opérer une symbiose entre une jeune paysanne et la nature en reprenant la gamme colorée (brun et vert) et l’approche quasi photographique des scènes de plein air de Jules Bastien-Lepage. Concomitamment, se sentant condamnée par la maladie, elle explore des sujets qui lui sont chers, comme la douleur et la solitude, sous l’influence du symbolisme. Son intérêt se porte alors sur des figures féminines littéraires et bibliques. En témoignent sa sculpture Douleur de Nausicaa (1884), inspirée de l’Odyssée d’Homère, et sa dernière toile, Les Saintes Femmes (1884), porteuse d’une ambition peu commune. Mais, emportée par la tuberculose peu avant ses vingt-six ans, elle laisse cette peinture d’histoire inachevée.
En 1887, la publication posthume d’une version expurgée de son journal intime contribue à sa renommée internationale en qualité d’écrivaine, mais édulcore pendant longtemps son image d’artiste engagée et révoltée contre la société de son temps, au profit d’un portrait conventionnel correspondant à l’image normalisée des femmes au XIXe siècle.
Publication réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay.
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