Pasini Francesca, The Road of Silk, Business Art/Art business, cat. expo., Gröninger Museum, Gröningen (1993), Gröningen, 1993
Femmes Publiques, palais de la Femme, Paris, 1994
→Lampi di memoria, Des histoires sans fin, MAMCO, Genève, 2017
→Le parti pris des nuages, galerie Anne-Sarah Bénichou, Paris, 20 mai – 13 juillet 2017
Plasticienne roumaine.
En 1948, Marion Baruch, entreprend des études à l’Académie des beaux-arts de Bucarest, à cette époque fortement asservie par le régime stalinien. L’année suivante elle a l’exceptionnelle possibilité d’émigrer en Israël. Elle continue donc ses études près la Bezalel Academy of Arts and Design de Jérusalem, fréquentant ainsi le cours de Mordecai Ardon, artiste de l’école du Bauhaus et élève de Paul Klee. Quatre ans après, elle expose dans la Gallerie Micra-Studio de Tel Aviv, les critiques très positives, lui ont permis d’obtenir une bourse d’études, grâce à laquelle elle déménage en Italie, en 1954, où elle étudie la peinture à l’Académie des beaux-arts à Rome.
Ce parcours, dense et articulé par de continuelles nouvelles rencontres, mais aussi par des bouleversements soudains, se reflète dans sa peinture souvent définie comme « fortement expressive » et qui continue à évoluer en provoquant de l’étonnement parmi les critiques de l’époque. Ces derniers peinent à classer son talent, de A. Mann, critique du journal Maariv de Tel Aviv à Lionello Venturi qui écrit sur elle à la suite de l’exposition personnelle à « la Cupola » de Rome. Son professeur, Roberto Melli, pressent l’explosive nature du langage en devenir de Marion Baruch, qui écrit : « Je ne sais pas quel sera le futur de cette artiste (exprès, je ne dis pas peintre), si les forces pourront lui faire atteindre les objectifs auxquels aspirent la fougue passionnelle de sa nature, son intuition des faits picturaux et des directives particulières de la peinture moderne. »
En 1958 naît son premier enfant, Gabriel, et Paolo, le second, en 1961. Pendant les années 1960, le langage pictural de Marion Baruch change radicalement jusqu’à annoncer un dépassement définitif de la figuration et se termine dans un intérêt toujours plus marqué par une approche gestuelle vers l’abstraction, les arts graphiques et d’une certaine manière vers un langage plastique qui se révèle en effet vers la fin des années 1960 et le début des années 1970 par une série de sculptures de grandes dimensions qui sont exposées à Paris, à la biennale de sculpture et à la Fondation Pagani di Castellanza. Cette nouvelle phase s’ouvre probablement à la suite de la construction de la villa moderniste où l’artiste habitera avec sa famille et dont elle suivra les travaux avec une assiduité maniaque. C’est en effet à cette occasion que Marion Baruch rencontre le forgeron avec lequel elle met au point les sculptures en métal. Ces sculptures, stylisant les traits de l’architecture moderne, se développent, en même temps, autour du corps humain, restant toutefois ouvertes vers l’extérieur. C’est dans cette phase que l’artiste rencontre A. G. Fronzoni, avec l’aide duquel elle réalise deux œuvres radicales de design expérimental : Contenitore-Ambiente (1970) et Vestito-Contenitore (1970). Magistralement pris en photo par Berengo Gardin. Les images font le tour du monde et sont publiées par Abitare et par Domus. Elles sont donc découvertes par le producteur visionnaire de design Dino Gavina, qui décide d’inviter l’artiste à participer au projet Ultramobile, un groupe d’objets non-objets conçus par des artistes de classe mondiale comme Man Ray, Meret Oppenheim, Sébastien Matta, Allen Jones et autres.
Cette brève incursion dans le monde du design marque d’une manière indélébile la façon de penser l’œuvre de Marion Baruch, qui commence ainsi, non seulement à assimiler une pratique de type conceptuel, mais aussi à développer un intérêt remarquable pour la production industrielle en tant que dimension indispensable de la création contemporaine. Une nouvelle période d’assimilation est nécessaire pour incorporer la relation de l’artiste à l’histoire de l’art occidental. Dans cette phase de transition, la peinture revient, l’artefact, le conceptualisme à travers une série de travaux pratiquement jamais exposés et qui ne sont compris qu’aujourd’hui dans leur nature la plus intime ; ainsi naît la série des Rembrandt (1978-1982) et plus tard celle des Monitor [Moniteurs], des Bandiere [Drapeaux] et des Pedane [Estrades] (1985-1989).
En 1989, elle rencontre le charismatique galeriste Luciano Inga Pin. Elle travaillera avec lui pendant plusieurs années en participant régulièrement à des expositions comme celles de Art Bassel et de Art Cologne de 1990 à 1993. La confrontation avec la réalité marchande a un effet immédiat sur les évolutions futures de l’œuvre de l’artiste, qui bien avant la théorisation de l’Esthétique relationnelle lui affirme l’altérité de l’artiste en se constituant en forme d’entreprise. Elle fonde ainsi la marque Name Diffusion, régulièrement enregistrée à la Chambre de Commerce. Son travail rend visible la chaîne de production, établissant un dialogue avec un pied dans l’industrie textile avec laquelle elle collabore. L’œuvre se traduit donc dans une action de médiation entre ces mondes si lointains l’un de l’autre. En 1992, elle participe à une importante exposition collective au Groninger Museum qui rassemble pour la première fois dans l’histoire des collectifs artistiques sous forme d’entreprise, Busines Art / Art Business. À cette occasion Marion Baruch met en scène une plateforme articulée de médiation qui représente les nombreuses dynamiques de la production en s’appuyant sur une célèbre manufacture textile de Gallarate et elle montre des éléments qui documentent et qui incluent tous les éléments et tous les acteurs de la production industrielle : les produits, les travailleurs, les lieux de travail, les stands pour la diffusion et la vente. Elle arrive même à inclure dans cette opération la cafétéria du musée spécialement customisée, ainsi que la signalétique ou les chemises pour le personnel.
De 1993 à 2000, Marion Baruch vit à Paris. En 1994, elle participe à l’exposition Femmes publiques au palais de la Femme où elle installe un bureau de vote, obtenant tout l’équipement officiel nécessaire pour le vote municipal. Avec un geste simple, elle abat les frontières entre la réalité et la fiction en réalisant un jeu subtil de rôles qui fait de cet événement un lieu de rencontre, d’expression du désir et de débat qui se cristallisent juste avant de devenir un acte politique.
L’activité de Name Diffusion est constamment soumise à de nouvelles modalités sensibles à des thématiques socio-politiques. Une série de projets naît et se développe à l’aide de sites internet et qui touchent des thèmes de l’actualité comme la génétique, l’immigration et le phénomène des sans-papiers. De 2002 à 2011 Name Diffusion intègre Arben Iljazi et Myriam Rambach et propose une série d’évènements laboratoires centrés sur la traduction comme phénomène de rencontre. Ces évènements participatifs ont lieu dans des différentes institutions de la ville sous le nom de « Tapis volant jeu de cartes » et impliquent un public composé surtout de migrants et de « sans papiers ».
Les dernières phases de son parcours sont marquées par une perte progressive de la vue. En 2012 naît un nouveau groupe de travaux plastiques construits à travers la redécouverte d’un formalisme abandonné depuis longtemps par l’artiste. Les morceaux de tissus que Marion Baruch se procure ne sont que les déchets du Prêt-à-porter. La manière dont chaque morceau est mis en place donne lieu à une complexité linguistique stratifiée. De la mémoire visuelle de l’artiste affleure des images dynamiques, des visages et des techniques d’une pratique artistique qui réunit différentes dimensions expressives qu’elle traduit dans un simple geste et en tenant compte de l’autorité fondamentale de la gravité.
Marion Baruch a collaboré et exposé dans différentes institutions européennes comme le Kunstmuseum Luzern, le Mamco de Genève, le Magasin de Grenoble, le palais de Tokyo de Paris, la galerie nationale d’Art moderne de Rome, le Mambo de Bologne, le Groninger Museum, le Turner Contemporary de Margate, le Fri-Art Kunsthalle de Fribourg, le Kunst Werke Berlin Maga Gallarate.
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