The wicked Pavilion, Galerie Isabella Bortolozzi et Eden Eden, Berlin, 4 décembre 2021 – 19 février 2022
→The White to be Angry, The Art Institute of Chicago, Chicago, 1 février – 26 avril 2020
→Vaginal Davis, an Invitation to Dance, Adams and Ollman, Portland, 13 septembre – 20 octobre 2018
Performeuse, vidéaste, chanteuse, autrice, actrice, dominatrix, animatrice et peintre états-unienne.
Vaginal « Creme » Davis se fait connaître dans les clubs de Los Angeles dès la fin des années 1970. Alors qu’elle est la première de sa famille à accéder à l’enseignement supérieur, elle adopte un pseudonyme qui rend compte de son activisme africain-américain, hommage à la Black Panther Angela Davis. Vaginal Davis inscrit son identité choisie dans une forme critique des figures machistes du mouvement politique noir, faisant débuter l’histoire de son personnage intersexe par une aventure d’un soir entre son père, juif états-unien d’origine mexicaine de 21 ans, et sa mère, africaine-américaine de 45 ans, lors d’un concert de Ray Charles au Hollywood Palladium.
Poétesse et autrice du fanzine Fertile La Toyah Jackson, elle est à l’initiative de plusieurs groupes musicaux. Ses performances s’inscrivent dans le punk rock, tout en parodiant et déstabilisant ses bases hétérosexuelles et blanches dans une démarche initiatrice du mouvement queercore. La première performance du Sexualese Liberation Front, We’re Taking Over, au tout début des années 1980, met en scène le groupe Afro Sisters, trois performeuses qui menacent l’élite blanche du capitalisme de kidnapping et de sodomie avec de « gros godemichés noirs ».
Dans les années 1990, le groupe de speed metal Pedro, Muriel and Esther (PME) lui offre une visibilité accrue, avec le personnage de Clarence, chanteur blanc suprémaciste amateur d’armes, et l’album The White to Be Angry (1998). Composé de séquences de found footage empruntées à la télévision états-unienne autour d’une trame narrative qui décrit les désirs queer d’un jeune skinhead angelin, le film éponyme de 1999 complète une satire des valeurs mainstream américaines qui a fait l’essence du parcours de Vaginal Davis.
Qualifiant son travail de « drag terroriste », à l’inverse du travestissement mainstream complaisant avec les cultures dominantes blanches et binaires, Vaginal Davis est une des initiatrices des pratiques artistiques de « désidentification » théorisées par José Esteban Muñoz : une forme de dissidence de l’identité par laquelle des artistes queer et racisé·e·s mettent à distance les assignations de genre, de race ou de classe en provoquant un désir gênant qui « subvertit le tissu social ».
Radicalement intersectionnel dans ses intentions, le travail de Vaginal Davis s’est étendu progressivement à un grand nombre de médiums, hybridations entre sous-cultures et cultures dominantes. En sont témoins ses peintures récentes aux vernis à ongles, maquillage et produits d’entretien pour cheveux sur papier récupéré (cartons d’invitation, boîtes de céréales, etc.).
À l’occasion de son exposition « An Invitation to the Dance » (2018), Vaginal Davis revient sur l’histoire féminine de la danse moderne à travers une série de peintures. Ce projet ravive la figure d’Ada Smith, reine africaine-américaine du music-hall parisien, autre avatar de Vaginal Davis qu’elle a incarné lors des soirées « Bricktop » à Los Angeles avant son déménagement à Berlin en 2006. Ainsi l’artiste ne cesse de créer des incarnations vivantes, polysémiques et contradictoires de personnages de la pop culture qui font d’elle une véritable « intellectuelle organique » en lien avec différents groupes sociaux.