Claire Griffiths, “Imaging the Present: An Iconography of Slavery in Contemporary African Art” dans Nicola Frith & Kate Hodgson, At the Limits of Memory: Legacies of Slavery in the Francophone World, Liverpool, Liverpool University Press, 2015
→Simon Njami (dir.), The Divine Comedy: Heaven, Hell, Purgatory Revisited by Contemporary African Artists, Museum für Moderne Kunst, Francfort-sur-le-Main ; National Museum of African Art – Smithsonian Institution, Washington (2014-2015), MMK Kerber, 2014
“HERstory” – Des archives féministes (Feminist Archives), Maison des arts de Malakoff, Malakoff, 2017
→Divine Comedy: Heaven, Hell, Purgatory Revisited by Contemporary African Artists, Museum für Moderne Kunst, Francfort-sur-le-Main ; National Museum of African Art – Smithsonian Institution, Washington, 2014-2015
Artiste béninoise.
Pélagie Gbaguidi (vit et travaille à Bruxelles, Belgique) pose la question de l’écriture au centre d’une pratique artistique protéiforme engageant la peinture, le dessin, la performance et l’installation. À la surface des pages d’innombrables carnets, son écriture se construit sous la forme de prises de notes, au fil de ses lectures, de ses rencontres, de l’actualité, des émotions. P. Gbaguidi développe ainsi un langage plastique qui, lors de l’exposition, contamine différents supports : des carnets vers les murs, en passant par des tables-vitrines, des draps, des toiles ou encore des rouleaux de papier suspendus. Elle investit les espaces d’une écriture puissante et sensible, d’une pensée plastique animée par une grande liberté de style et de ton.
L’œuvre résulte de la motivation à la fois poétique et politique qui porte l’artiste à diffuser des histoires, des expériences, des mythes, de la poésie et des prises de position. En ce sens, elle s’inscrit dans l’héritage des griots. Dans de nombreux pays africains, le griot est dépositaire d’un patrimoine oral, il porte une responsabilité : assurer la pérennité des histoires, des événements, des traditions, des légendes, d’une génération à une autre. Le griot est une figure itinérante de transmission de récits, d’images, de métaphores, de chants, de musiques et de poésie. P. Gbaguidi est une artiste griotte qui n’hésite pas à fouiller le passé pour le confondre avec le présent et le futur. En 2004, elle entreprend un travail de peinture et de dessin fondé sur la lecture du Code noir publié en 1685. Elle en extrait toute la violence, les traumatismes visibles et invisibles. Ce travail de mémoire remarquable et indispensable a donné lieu à une acquisition de 100 dessins par le Mémorial ACTe en Guadeloupe. En 2017, à l’occasion de la documenta 14 qui s’est tenue à Athènes et à Cassel, l’artiste a déployé une installation imposante constituée de rouleaux de papier blanc suspendus dans l’espace, de mobilier scolaire, de jouets anciens et de documents d’archives. Le papier est partiellement recouvert de dessins réalisés au moyen de crayons de couleur, de terre et de rouge à lèvres. L’artiste y met en perspective l’esclavage, le nazisme et l’apartheid, pour poser une série de questions : qui écrit le récit de l’histoire dite « officielle » ? De quel point de vue ? Pour qui ? Comment celle-ci est-elle enseignée ?
Au cœur de son écriture, le corps, son corps apparaît comme le récepteur des histoires dont les œuvres sont la digestion. Par la peinture et le dessin, l’artiste envisage les corps débarrassés des normes de genre, de race, de classe et autres catégories qui forment des frontières entre les individus. P. Gbaguidi génère une représentation libre, antiautoritaire, antiacadémique et poétique d’une humanité sondée de l’intérieur vers l’extérieur. En traitant de problématiques telles que l’éducation, l’histoire (coloniale et postcoloniale), les migrations, les identités, les rapports de pouvoir et toute forme de violence, l’artiste réfléchit à l’inscription de l’humain dans une histoire partagée, dans un présent dont elle démultiplie les réalités, dans le vivant pris dans sa pluralité, sans oppression ni domination. Son œuvre peut être envisagée comme un flux d’énergies qui traverse les corps, le temps et l’espace pour réunir, soigner et réparer les blessures, les divisions, les insensibilités et les imperméabilités.
© 2018, Archives of Women Artists, Research and Exhibitions