Pinaree Sanpitak est actuellement l’une des artistes thaïlandaises les plus reconnues. Le gouvernement japonais lui accorde une bourse d’études, grâce à laquelle elle obtient une licence d’arts plastiques à l’université de Tsukuba en 1986. Elle fait partie de la première vague d’artistes thaïlandais qui, depuis les années 1980-1990, développe un langage artistique mêlant techniques mixtes et approches conceptuelles. Sa première exposition collective se tient à Tokyo en 1986. Trois ans plus tard, sa carrière internationale est lancée lorsqu’elle intègre le circuit de l’art contemporain de l’Asie-Pacifique et expose son travail lors de la seconde édition de l’Artists’ Regional Exchange (ARX2) à Perth, en Australie.
Dès le début de sa carrière, P. Sanpitak fait preuve d’une pratique plastique polyvalente. À travers son usage harmonieux de supports aussi variés que la photographie, le collage, la peinture, le dessin, la sculpture et les installations in-situ, elle déploie un vaste éventail de matériaux et de techniques à la fois classiques et originaux, qu’elle adapte aux exigences esthétiques de chacune de ses œuvres – papier, textile, verre, bougies, céramique, topiaire, acoustique, et nourriture, entre autres. Cette exploration d’une multitude de supports, doublée d’un intérêt pour les structures et concepts organiques, étaye un champ lexical restreint axé sur la forme humaine.

Dans un premier temps, ses images sont principalement des représentations du corps féminin. À partir des années 1990, elle se focalise davantage sur des formes de seins et de récipients et, quelques années plus tard, joue sur l’ambiguïté morphologique du sein pour créer la forme hybride sein-récipient-stupa caractéristique de son œuvre. En amalgamant ces formes empreintes de puissantes connotations symboliques – réconfort, nourriture et spiritualité – P. Sanpitak accentue le dynamisme de sa représentation emblématique du sein afin d’initier un dialogue métaphorique avec le public. En 2003, son œuvre Noon-Nom marque un tournant dans sa pratique. En effet, la sensualité de l’installation et l’attractivité qui s’en dégage incite les public à y prendre part en se plongeant dans ses éléments rembourrés en forme de seins. Cette action, qui s’amorce telle une sorte d’abandon, se mue en force émancipatrice, conférant ainsi à Noon-Nom une valeur sociale. Breast Stupa Cookery (2005, en cours) met également en avant des valeurs participatives et performatives à travers la préparation soigneuse de nourriture dans des moules en forme de seins et, ce faisant, met en avant certaines dichotomies essentielles : entre l’individuel et le collectif, entre la liberté et le confinement.

Plus récemment, l’artiste a étendu son répertoire à des formes de hamac, censées symboliser le mouvement de balancier. À travers ses nombreux modes de présentation, de l’échelle intime à l’échelle monumentale, et son utilisation astucieuse des supports, l’iconographie restreinte de l’œuvre de P. Sanpitak engendre des atmosphères et réactions uniques et réussit à maintenir une fraîcheur visuelle et conceptuelle malgré sa répétitivité formelle. Fréquemment formulée en regard du discours féministe, la pratique de P. Sanpitak transcende tout communautarisme pour aborder des problématiques sociales et humaines bien plus vastes. Cette pratique, forte de l’image de la femme-icône, s’ancre dans un contexte culturel où, en Asie du Sud-Est, les femmes détenaient traditionnellement le pouvoir. Parce qu’elle est aujourd’hui l’une des rares femmes artistes thaïlandaises mondialement reconnues, elle est devenue un modèle pour toutes les artistes de son pays qui souhaitent se démarquer dans le domaine de l’art contemporain.