Amiot-Saulnier Emmanuelle, Samta Benyahia. Le Bleu des rêves, entre les rives de l’enfance et celles de l’histoire, non publié, 2011
→Bailey, David A. & Tawardos, Gilane (dir.), Veil: Veiling. Representation and Contemporary Art, Londres, Modern Art Oxford, 2003
Cultes intimes, Rencontres internationales de la photographie d’Arles, 1998
→Samta Benyahia. La Vie en paillettes, musée d’Art Roger-Quillot, Clermont-Ferrand, 2003
→Architecture of the Veil, Fowler Museum, UCLA, Los Angeles, 2007
Plasticienne algéro-française.
Le moucharabieh est devenu le leitmotiv principal de Samta Benyahia. Le losange, l’étoile et la rosace bleu méditerranée – connue sous le nom de Fatima dans le répertoire arabo-andalou – sont les piliers de son vocabulaire. Ayant grandi à Constantine, en Algérie, elle choisit d’étudier à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris (1974-1980). Entraînée par une réflexion sur tous les procédés liés à la gravure, elle s’intéresse aux signes, à ces motifs géométriques répétés à l’infini dans l’art musulman. Première femme à se spécialiser dans la gravure en Algérie, S. Benyahia est à l’origine de la création de l’atelier de gravure de l’École nationale supérieure des beaux-arts d’Alger où elle enseigne de 1980 à 1988, date à laquelle, elle revient s’installer définitivement en France où elle poursuit d’abord ses études (université Paris VIII – Vincennes-Saint-Denis). Sa vie et son œuvre allient sa double culture algérienne et française, et elle se passionne pour l’entremêlement des cultures africaines, arabes, berbères et occidentales.
Surface murale ou élément architectural ajouré caractéristique des constructions du Bassin méditerranéen, le moucharabieh est une zone de transition entre l’espace public et l’espace privé, qui divise et permet une protection vis-à-vis de la lumière, de la chaleur. Transparent sans l’être entièrement, il donne le pouvoir d’observer sans être vu et soulève ainsi des questions relevant de la perception, de l’interprétation et du relationnel qui fascinent S. Benyahia. Elle fait référence à ces lieux de la sphère intime des femmes des générations qui l’ont précédée, invisibles mais présentes. Elle décline ces écrans de manière sérielle dans une esthétique proche du minimalisme. Le processus mêle délibérément révélation et dissimulation par des découpages formant des pleins et des vides. Travaillant le plus souvent dans l’in situ, elle adapte le moucharabieh selon les échelles dans des matériaux divers allant de volumes tridimensionnels à des sérigraphies sur vitrage, toile, plastique ou céramique.
S. Benyahia utilise le langage de l’abstraction pour rendre compte de zones de délimitation et de communication possibles entre les êtres humains et entre les genres. Les jeux d’ombre y sont exacerbés. Ses environnements sont comme des mises en abyme de la notion de passage, incitant le public à définir son comportement physique par rapport à ces motifs et à ces structures de l’entre-deux.
Souvent, ses installations comprennent aussi des images d’archives – par exemple, des portraits photographiques noir et blanc des membres de sa famille, des cartes postales agrandies du fameux pont de Constantine – et des bandes sonores donnant à entendre des poésies sur la condition des femmes (comme celles qui sont déclamées lors des séances de boqala) ou des textes de l’auteur Kateb Yacine. S. Benyahia cherche à mettre en valeur les savoir-faire artisanaux : elle a collaboré avec des brodeuses pour la réalisation de rosettes en perles et paillettes, et a effectué des reportages photographiques sur les trousseaux des mariées. En tant que témoin engagée, elle parle volontiers de l’importance de « se souvenir du futur » et du « kaléidoscope de la mémoire ».
À partir de 1986, lorsque son travail a été présenté à la Biennale de La Havane à Cuba, S. Benyahia a participé à de nombreuses expositions collectives internationales, telles que les Rencontres de la photographie à Arles (1998), les Biennales de Venise et de Bamako (2003), Dak’Art (2004), Über Schönheit [Sur la beauté] à Berlin (2005), ou encore La Force de l’art à Paris et les Biennales de Shenzhen et de Gwangju (2006). Plusieurs de ses œuvres sont conservées dans des collections publiques, notamment au musée national des Beaux-Arts d’Alger, à la Bibliothèque nationale d’Algérie, à la Bibliothèque nationale de France, au Fonds régional d’art contemporain d’Alsace, à l’Institut français de Casablanca et par l’Art in Embassies Program (ART).