Comentale Christophe & Leroy-Crèvecœur Marie, Seund Ja Rhee : catalogue raisonné de l’œuvre gravé, 1957-1992, Villenave-d’Ornon, Fus-Art, 1993
Seund Ja Rhee : 30 ans à Paris : tableaux intemporels, gravures sur bois, céramiques, Centre culturel coréen, Paris, octobre 1981
→Apesanteur enchantée, œuvres de Seund Ja Rhee, musée des Arts asiatiques de Nice, 30 mai – 12 septembre 2016
→Rhee Seundja. Road to the Antipodes, National Museum of Modern and Contemporary Art, Séoul, 22 mars – 29 juillet 2018
Peintre, graveuse et céramiste sud-coréenne.
Seund Ja Rhee étudie à la Jinju Girls’ High School, à Jinju, et à l’université Jissen pour femmes (Jissen Women’s College), dans la préfecture de Tokyo, avant d’être séparée de ses trois enfants par la guerre de Corée et de quitter l’Asie pour s’installer à Paris au début des années 1950. Elle poursuit son apprentissage artistique à l’académie de la Grande Chaumière auprès d’Henri Goetz et d’Yves Brayer. Ses débuts dans la peinture se partagent entre la représentation de son quotidien en Europe et une esthétique proche de l’art abstrait. La toile intitulée La Neige sur la rue Vaugirard (1956) retient particulièrement l’attention de la critique parisienne par la dichotomie de ses couleurs sombres et claires et par sa tendance à l’abstraction. Durant les années suivantes – période souvent appelée aujourd’hui « Woman and Earth » –, l’artiste introduit également des figures géométriques simples, telles que la ligne, le triangle, le carré et le rond, qui se déclinent à la fois comme sujets et comme arrière-fonds des toiles.
Si les compositions abstraites sont rares dans les années 1950, elles deviennent évidentes à partir du début de la décennie suivante. Cette dernière marque un tournant dans la pratique de S. Rhee et s’y amorce l’abstraction caractéristique de ses célèbres tableaux. Certains motifs de points peuvent être rapprochés du style aborigène, d’autant plus par l’utilisation que fait l’artiste du bois comme support – elle réalise plusieurs dizaines de xylographies –, mais c’est plutôt du côté de l’Asie qu’il faut chercher la raison de l’omniprésence des deux formes de l’œuvre iconique Yin et Yang, mai, no 1, 75 (1975). Elle développe, à partir de 1970, toute une iconographie autour du yin et du yang, emblème de son pays natal. Ces deux éléments sont à la fois l’expression de la dualité de son parcours entre l’Orient et l’Occident et la preuve d’un véritable cheminement vers le spirituel. Ils seront d’ailleurs repris comme plan de l’atelier et lieu de vie qu’elle imagine et construit à Tourrettes-sur-Loup, dans les Alpes-Maritimes.
Chez S. Rhee, le spirituel puise aussi son existence dans la poésie et l’écriture. Très proche de Michel Butor qu’elle rencontre en 1977, elle crée avec lui plusieurs œuvres croisées, livres d’artiste où les mots de l’un accompagne les dessins ou gravures de l’autre et inversement (Replis des sources, 1977).
Par la suite, ce sont la terre, les montagnes, le cosmos qui, mêlés au signe fétiche de l’artiste, deviennent de véritables paysages célestes. La série de grands formats Chemin des antipodes (1980-1994) constitue l’apogée de son étude visuelle autour de quelques formes simples de la géométrie. Les différentes versions, déclinées dans les deux couleurs principales du drapeau coréen, le rouge et le bleu, offrent un moment de contemplation hors de tout repère spatio-temporel. Dès lors opère la sensation d’apesanteur voulue et recherchée sur tous les supports par S. Rhee.
Prolifique, S. Rhee décède en 2009 en laissant derrière elle plus de 1 300 peintures, 12 000 gravures et 500 céramiques, essentiellement réparties dans des collections publiques et privées sud-coréennes et françaises, notamment celles du National Museum of Modern and Contemporary Art (Corée du Sud) et du Centre national des arts plastiques (France).