Sherrie Levine. New photography, cat. expo., musée d’Art moderne et contemporain, Genève (1996), Genève, Musée d’Art moderne et contemporain, 1996
→Burton Johanna, Springer Carrie (dir.), Sherrie Levine, mayhem, cat. expo., Whitney Museum of American Art, New York (10 novembre 2011 – 29 janvier 2012)
→Heymer Jay, Heymen Julian, Kliege Melitta, Sherrie Levine, after all: Werke/Works 1981-2016, Münche, Hirmer, 2016
Sherrie Levine : Newborn, The Museum of Contemporary Art, Los Angeles, 22 janvier – 26 mars 1995
→Sherrie Levine, Portland Art Museum, Portland, 29 juin – 27 octobre 2013
→Sherrie Levine, After All, Neues Museum, Berlin, 28 octobre 2016 – 12 février 2017
Artiste conceptuelle états-unienne.
Relativement discrète sur sa vie personnelle, Sherrie Levine pratique l’appropriation de manière radicale. Ce geste artistique, qui consiste à refaire à l’identique ou en les transformant légèrement des œuvres d’arts, actions ou artefacts antérieurs, correspond chez elle, comme pour beaucoup d’artistes, à un rejet de l’aspect virtuose de la peinture qu’elle pratiquait à l’école d’art dans les années 1970. S’interrogeant sur les effets de la décontextualisation et questionnant les notions d’authenticité et d’originalité, elle explore, depuis 1978, différentes modalités de l’appropriation. La pratiquant d’abord par la découpe, puis par la photographie, elle revient en 1984 à la peinture et produit notamment des stripe paintings (1985), constituées de larges bandes de couleur, des peintures « génériques » qui font référence à un type de peinture moderniste. Sa réalisation la plus commentée est une série de rephotographs (1980-1981), créée en re-photographiant des œuvres de grands photographes comme Edward Weston ou Walker Evans. Cette série, comme son travail en général, est souvent associée à la critique féministe. La reprise d’œuvres d’artistes masculins apparaît souvent comme un commentaire sur la domination masculine qui s’exerce dans le monde de l’art. Chaque photographie est intitulée selon le même principe : Sherrie Levine after x, qui montre que, s’il s’agit d’œuvres qui sont, d’une façon ou de l’autre, « d’après » un artiste, elles viennent aussi – et plus essentiellement – « après » lui. Ainsi, une œuvre sans différence perceptible avec son modèle peut être une autre œuvre tout simplement parce qu’elle vient après et que l’histoire de sa création diffère de celle de la première. En même temps, reconnaître un after x, c’est reconnaître que ce x a transformé le champ de l’art de manière fondamentale. En ce sens, les appropriations de S. Levine sont toujours des hommages.
Son deuxième centre d’intérêt est la circulation des images dans la société et les interférences entre les différents modes de représentation. En 1978, elle réalise une série de découpes d’images dans des magazines de mode (Untitled). Si chaque photographie représente une femme (parfois avec un enfant), elle est insérée dans une découpe (un contour) reprenant la silhouette de têtes d’hommes illustres, notamment celles des présidents George Washington, Abraham Lincoln et John Fitzgerald Kennedy. L’œuvre met alors en jeu deux modes de figuration : la trace photographique et la ressemblance (des contours). Le geste artistique minimal de la découpe transforme l’image publicitaire en critique ; ainsi, ces travaux figurent la structuration de l’image de la femme selon les normes du pouvoir masculin. Lorsque l’une des découpes est ensuite utilisée comme couverture du magazine Real Life (mars 1979), l’image transfigurée rentre dans la chaîne de reproductions : l’artiste, qui l’en avait d’abord extraite, cautionne ainsi une réappropriation non artistique de l’œuvre. Hormis les photographies after photographies, les références de S. Levine subissent généralement une transformation perceptible. Lorsqu’elle refait les autoportraits nus de Egon Schiele, elle remplace la peinture à l’huile par l’aquarelle (Untitled [After Egon Schiele], série, 1984). Quand elle reconstitue l’étrange table de billard d’une peinture de Man Ray, c’est en sculpture (La Fortune [After Man Ray], 1990). Elle souligne que « l’acte d’appropriation n’est que le mode opératoire » de ses travaux, dont « le contenu est le malaise que provoque la sensation de déjà-vu, malaise qu’on ressent lorsqu’on est face à quelque chose qui n’est pas tout à fait original. » Il faut cependant connaître les objets de référence pour pouvoir être touché par ce déjà-vu. Critiquée pour l’élitisme que cela semble impliquer, l’artiste répond que tout artiste a un public idéal et qu’elle ne voit pas pourquoi il serait moins acceptable de viser un public familier de l’art du XXe siècle qu’un autre. Elle utilise aussi la photographie numérique. Ainsi, After Cézanne (2007) est une série de photographies pixélisées d’œuvres du maître. Si l’on peut penser que les peintures de Paul Cézanne rendent compte d’un regard sur le monde à la fin du XIXe siècle, alors ces photographies pixélisées sont à l’image de notre vision morcelée du monde au début du XXIe siècle. Artiste reconnue, S. Levine a bénéficié d’expositions personnelles dans le monde entier, notamment au palais des Beaux-Arts de Bruxelles (1990), au Museum of Modern Art de San Francisco (1991), au Museum of Contemporary Art de Los Angeles (1995).