Carmine, Giovanni, Hottle, Andrew, Vaillant, Alexis (dir.), Sylvia Sleigh, Genève, JRP Éditions, 2021.
→McCarthy, David, The Nude in American Painting, 1950-1980, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
→Nochlin, Linda, « Some Women Realists », dans Women, Art and Power and Other Essays, New York, Routledge, 1988, p. 86-108.
Sylvia Sleigh. Un œil viscéral, CAPC / Musée d’art contemporain de Bordeaux, 16 mai – 1er septembre 2013.
→Sylvia Sleigh, “Working at Home“, Freymond-Guth Fine Arts, Zürich, 26 août – 2 octobre 2010.
→An Unnerving Romanticism: The Art of Sylvia Sleigh & Lawrence Alloway, Philadelphia Art Alliance, Philadelphie, 22 mars – 31 mai 2001.
Peintre britanno-états-unienne.
Sylvia Sleigh est une artiste féministe majeure de la seconde moitié du XXe siècle. De facture « réaliste », son œuvre peinte et dessinée opère une relecture, voire une subversion esthétique des canons de la peinture occidentale, notamment dans les genres du portrait et du nu.
Née au Pays de Galles, S. Sleigh se forme à la Brighton School of Art, où elle est découragée par ses professeurs. Elle travaille alors dans un magasin de vêtements jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Une première exposition monographique lui est consacrée en 1953 à la Kensington Art Gallery à Londres. Elle y montre des natures mortes, des paysages et des portraits où s’affirme déjà sa manière propre, caractérisée par de nombreuses références à l’histoire de la peinture (en particulier celle du XIXe siècle), un traitement précieux et méticuleux des détails et des motifs décoratifs qui parent ou englobent les figures, et la frontalité marquée des compositions. En 1954, elle se marie avec Lawrence Alloway (représenté dans la toile The Bride, 1949), un critique d’art spécialiste du pop art ; le couple part s’installer à New York en 1961, ville que S. Sleigh ne quittera plus.
Dès la fin des années 1960, l’artiste peint de nombreux nus masculins et féminins qu’elle conçoit comme de véritables portraits devant résister à l’objectivation sexuelle du male gaze. Empruntant des compositions et des poses à Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) (The Turkish Bath, 1976), ou à Giorgione (1478-1510) (Concert champêtre, 1976), elle les fond dans un cadre contemporain et donne à leurs figures les traits d’ami·e·s et de proches. Elle propose un regard érotique sublimant plutôt que dégradant sur des corps nus individualisés dont l’anatomie et la pilosité sont rendues avec attention. Plutôt qu’un renversement, il semble que la peinture de S. Sleigh mette en œuvre une égalisation des rapports entre peintre, modèle et regardeur·se – une érotisation positive. C’est le cas dans son panneau Lilith, peint pour l’installation collective The Sister Chapel (1978) conçue par Ilise Greenstein, où corps masculin et féminin se confondent.
À partir des années 1970, S. Sleigh travaille activement pour la reconnaissance des artistes femmes et la constitution d’une mouvance féministe dans le monde de l’art états-unien. Elle peint de nombreux portraits, rassemble une collection personnelle régulièrement exposée et soutient des galeries et des lieux autogérés comme la AIR Gallery, la première galerie coopérative féministe aux États-Unis, et la SOHO20 Gallery pour lesquelles elle réalise des portraits de groupe.
Si ce sont surtout les nus masculins qui ont retenu l’attention de la critique avec la question de leur efficacité politique, l’œuvre de S. Sleigh est à comprendre plus largement comme une forme de célébration – d’une communauté, d’un combat politique et d’une certaine beauté des corps humains, aussi bien que de la nature fortement ancrée dans l’histoire de l’art occidental et transformée par un regard féministe personnel. C’est cette vision artistique qu’exprime l’œuvre colossale intitulée d’après Charles Baudelaire, Invitation to a Voyage: The Hudson River at Fishkill (1979-1999), qui rassemble dans un cadre bucolique – comme pour une fête galante – l’artiste, son mari, L. Alloway, ainsi que plusieurs de leurs proches.
De son vivant, l’œuvre de S. Sleigh a fait l’objet de nombreuses expositions dans des galeries états-uniennes et au Hudson River Museum. De grands musées comme la Tate de Londres ou le Whitney Museum de New York ont acquis ses œuvres. À sa mort, l’artiste a légué sa collection d’une centaine d’œuvres à la Rowan University Art Gallery (New Jersey) et a reçu un Honor Award For Lifetime Achievement du Women’s Caucus for Art à titre posthume.