Prix AWARE

Laurence Cathala
Nommée au Prix 2017

© Sylvain Pretto pour la Fondation Bullukian

Face aux œuvres de Laurence Cathala, il faut parfois accepter une certaine confusion, se demander ce que l’on regarde, ce que l’on lit, quels dispositifs nous englobent et nous sont offerts au regard.

Depuis une dizaine d’années, l’artiste a entrepris une recherche sur la notion même de document, qui viendrait prendre place dans une archive fictive où les narrations s’entrecroisent. Elle invente des correspondances entre un artiste et son collectionneur, recompose de nouveaux récits avec des extraits de textes d’écrivains, ou encore redessine des photographies d’intérieurs d’amateurs d’art, dont les œuvres paraissent avoir été effacées. La littérature, et plus largement le texte et la lecture prennent une place importante dans son travail, hanté par les lettres, les couvertures de revues ou les tranches de livres dont les mots semblent s’être évanouis. L’artiste, devenue archiviste, historienne ou documentaliste, joue sur les attentes d’un spectateur habitué aux vitrines d’exposition, dans lesquelles se dévoilent en général dans les musées les traces fétiches des artistes ou des écrivains : bribes de correspondances légèrement effacées, photographies de famille jaunies, papier inusité conservé dans un tiroir, petits carnets précieusement préservés par les héritiers…

Depuis quelque temps, la question de la muséographie a fini par occuper dans l’œuvre de Laurence Cathala une place essentielle, non pour proposer une définition autoréférentielle de l’art et de ses moyens de monstration mais bien pour se pencher sur le statut des objets, qu’ils soient d’art ou du paratexte de celui-ci. Comme dans l’espace physique d’un simple livre d’encre et de papier, dans lequel tout conte, toute histoire, si épiques ou banals soient-ils, peuvent se déployer, elle recherche dans ses installations de nouvelles formes narratives. Prenant appui sur tout ce qui menace de disparaître, des documents les plus intimes à ceux qui prennent place dans des archives plus impersonnelles, Laurence Cathala joue sur les échelles, les miniaturisations comme les agrandissements, dans des présentations mettant en abîme la vitrine muséale. Dans tous les cas, il s’agit d’abord de repenser la place accordée au souvenir et à la mémoire, à travers des objets qu’elle dessine, reproduit ou détourne et dont elle s’attache à restituer une dimension précieuse et sensible. Le tout comme autant de petits fantômes dont le sens se serait parfois perdu dans les méandres des bibliothèques empoussiérées mais dont l’émotion demeurerait inaltérée.

Camille Paulhan

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