Prix AWARE

Nicola L.
Nommée au Prix d’honneur 2018

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On n’ose se risquer à tenter la définition du travail de Nicola L. Car elle est avant tout une artiste libre et singulièrement engagée qui a traversé parmi les plus iconiques et fantastiques expériences artistiques de la seconde moitié du xxe siècle.

Nicola L. - AWARE Artistes femmes / women artists

Nicola L., Little TV Woman : ‘I Am the Last Woman Object’, 1969, vinyle, bois, télévision, 111,5 × 50 × 45 cm, vue d’exposition, SculptureCenter, New York, 2017, collection de Xavier Gellier, Courtesy Nicola L. & Elga Wimmer PCC, © Photo : Kyle Knodell

Ainsi, dès le début des années 1960, elle s’engage dans une pratique protéiforme convoquant aussi bien la sculpture que la peinture ou le collage. À cette période, sa proximité avec les nouveaux réalistes est évidente. Cette proche du critique Pierre Restany fait fi des codes artistiques établis en revendiquant notamment une création, résolument novatrice à l’époque, à mi-chemin entre art et design qu’elle définit par le terme d’« art fonctionnel ». Le White Foot Sofa (1968), The Eye Lamp (1969) ou encore La Femme Coffee Table (1969-2015) hybrident sculpture et mobilier dans un démembrement du corps aussi malicieux que violent. Nicola L. fait voler en éclats stéréotypes de genre et codes artistiques, dans la célébration universelle du corps et de l’esprit humain, chère à Yves Klein, à sa manière. Ses œuvres évoquent une connexion organique entre chacun dans sa chair et le reste du monde. D’après le critique d’art français Raphaël Cuir, « son travail conceptuel s’articule autour de deux approches qui ouvrent la porte à une myriade de possibilités : faire des corps et incarner. Incarner, c’est-à-dire rassembler des corps à l’intérieur d’une même peau pour habiter un espace collectivement, organiquement, et le voir du point de vue d’une seconde peau1 ». Ainsi, Red Coat Same Skin for Everyone (1969) est une vaste toile sans cadre, moulée autour de onze poches vides adaptées aux dimensions de onze corps humains. Le manteau a été conçu dans le cadre d’une performance pour accompagner les musiciens Gilberto Gil et Caetano Veloso au festival de musique de l’île de Wight. Ici, le vêtement travestit, complète, lie autant qu’il empêche et autorise. La pièce sera une des premières de la série qui la rendra célèbre, les Pénétrables, du nom que Pierre Restany lui donnera. Nicola L. développe alors l’idée d’une œuvre d’art à expérimenter physiquement comme une seconde peau et, par extension, le concept de « pénétration dans l’art ».

Nicola L. - AWARE Artistes femmes / women artists

Nicola L., Sun & Moon Giant Penetrables, 1966/2012, vinyle, toile, tiges en bois, 300 × 132 × 56 cm, vue d’exposition, SculptureCenter, New York, 2017, Courtesy de l’artiste et Elga Wimmer PCC, © Photo : Kyle Knodell

Revendicateur, espiègle, sexuellement suggestif, exubérant et déconcertant, l’art de Nicola L. est une aventure utopique et féministe qui a su s’inscrire à la fois au sein et hors des conventions.

Arrivée pour la première fois aux États-Unis en 1967, alors que Klein et Christo sont du voyage, elle plonge dans le New York d’Andy Warhol, de Nico, Bob Dylan et les autres. À la fin des années 1970, elle décide de s’y installer, pose ses bagages au Chelsea Hotel pour ne jamais en repartir. Dans Doors Ajar at the Chelsea Hotel, le documentaire qu’elle réalise en 2011 à propos de l’antre mythique de la scène punk-rock new-yorkaise, elle évacue la fascination et la nostalgie pour faire découvrir l’intimité quotidienne de son lieu de vie et de travail. Simplement radicalement.

 

Nicola L. (1937), artiste française née au Maroc, étudie à l’académie Julian et à l’École des beaux-arts de Paris. En 1967, elle se rend pour la première fois à New York où elle s’installera définitivement en 1979. Sa carrière artistique est rythmée de nombreuses expositions personnelles depuis 1969, date de sa première exposition à la galerie Daniel Templon à Paris, à la fois en France (Le Magasin – CNAC, Grenoble) et à l’étranger (Elga Wimmer PCC, New York), et collectives (Tate Modern, Museu de Arte Moderna de Rio de Janeiro, musée national d’Art moderne – Centre Georges-Pompidou). En 2017, le SculptureCenter à New York lui consacre une rétrospective, Nicola L. : Works, 1968 to the Present. Ses œuvres sont présentes, entre autres, dans les collections du MNAM, au FRAC Bretagne à Rennes, à la Gallery of Modern Art de Glasgow, au MAMCO de Genève.

1
Didier Béatrice, Fouque Antoinette et Calle-Gruber Mireille (dir.), Le Dictionnaire universel des créatrices, Paris, Éditions des femmes, 2013, p. 3172.

Rapporteur : Étienne Bernard, directeur de Passerelle centre d’art contemporain à Brest

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