Antionetta Raphaël: Materia e colore del sogno, Rome, Archivio della Scuola Romana, 2000
→Antionietta Raphaël: Sculture, dipinti, disegni, cat. expo., Galleria Ceribelli, Bergame (25 octobre – 20 décembre 2003), Bergame, Lubrina Editore, 2003
Antonietta Raphaël, Galleria Narciso, Rome, 1952
→Antonietta Raphaël, Sculture, Padiglione d’Arte Contemporanea, Milan, 1985
Peintre et sculptrice italienne d’origine lituanienne.
Artiste nomade, Antonietta Raphaël Mafai marque son art au fer de ses voyages : c’est sans doute ce qui fait sa spécificité dans le paysage romain des années 1920- 1970. Née en Lituanie sous le signe de la diaspora, elle perd son père, le rabbin Simon, en 1903. En 1905, date à laquelle éclate la première révolution russe, elle suit sa mère à Londres. Diplômée de la Royal Academy, elle enseigne ensuite le piano et le français, et commence à fréquenter les cercles artistiques (les sculpteurs Ossip Zadkine et Jacob Epstein, le poète Isaac Rosenberg) et anarchistes. Après la mort de sa mère en 1919, elle se fixe à Paris, où elle fréquente le Montmartre de Chaïm Soutine et de Marc Chagall. En 1924, elle s’installe à Rome, où elle rencontre, l’année suivante, à l’Accademia di belle arti, le peintre Mario Mafai qui devient son compagnon de vie. Le couple aura trois filles, qu’Antonietta prend souvent comme sujets et modèles. Avec le peintre Gino Bonichi, dit Scipione, et le sculpteur Marino Mazzacurati, le couple forme la Scuola di via Cavour, devenue la Scuola romana (l’École de Rome), un groupe amplement marqué par l’influence lyrique et expressionniste de l’École de Paris. Jusqu’au début des années 1930, A. Raphaël Mafai pratique une peinture syncrétique, poétique, exubérante, aux parfums byzantins et orientaux, à la saveur « primitive » d’une ingénuité colorée rappelant les expériences récentes des Fauves et les inspirations tonales de C. Soutine, de Moïse Kisling, et de M. Chagall. En 1929, elle participe à une exposition collective de femmes, Otto pittrici e scultrici romane, qui rencontre le succès auprès des critiques, sinon auprès du grand public.
Arrivée à Paris avec son mari en 1930, elle y fréquente une école du soir de sculpture, puis se rend à Londres, en 1932, où elle retrouve J. Epstein, avant de retourner s’installer à Rome en 1933. De nombreuses influences ont été invoquées, sans qu’aucune, Aristide Maillol excepté, ne semble décisive : son style reste totalement personnel. Miriam che dorme [Myriam endormie, Rome, 1933], qui ouvre la voie à une longue série, montre à quel point ce choix de la sculpture renouvelle son art. Elle se limite à quelques sujets – son mari (dont ses propres voyages la séparent souvent) et ses filles – qui lui permettent d’expérimenter plusieurs figures du portrait et plusieurs expressions (le sommeil, le chant, le visage du créateur), mais aussi les postures de groupes (Le tre sorelle [Les trois sœurs]), ainsi que quelques thèmes bibliques ou mythologiques. Le véritable sujet de ses œuvres est toujours de nature émotionnelle – la naissance, l’affection, la peur, la fatigue, la création, la mort. La poésie lente, solennelle, mélancolique, des corps qu’elle sculpte, généreux, massifs, alanguis, fermement campés dans l’espace, à la Maillol, tourne le dos à la joie éclatante des vives couleurs de sa peinture. Au début du XXe siècle, le visage est le champ d’expérimentation privilégié de la recherche plastique. Les masques délicatement archaïsants – ainsi atemporels et, en ce sens, classiques – de la sculptrice sont particulièrement sensibles aux notes lumineuses, aux expressions qui naissent des ombres et des reflets. La matière – le plâtre, le ciment, le bois, la terre cuite, la pierre, le bronze – y est abondamment travaillée, non pas lissée mais tailladée, marquée, fragmentée avec fougue et véhémence : « Le seul mot de “sculpture” suffit à m’emplir d’une peur presque religieuse. » L’empreinte du pouce, du burin, de la pointe, y est particulièrement sensible, sans qu’elle entrave en rien la douceur de ses formes.
Dans la Rome effervescente des sculpteurs – Arturo Martini, Marino Marini, Mirko, Giacomo Manzù, Pericle Fazzini –, elle trouve une place pour ses corps tout à la fois classiques et, comme l’annonçait au début des années 1930 Fronte, la revue de la Scuola romana, antirhétoriques. En 1939, elle fuit Rome, où les lois raciales fascistes lui interdisent désormais d’exposer. Après quelques années à Gênes, elle se voit enfin reconnaître durant l’après-guerre : la Quadriennale de Rome, la Biennale de Venise, de nombreuses expositions personnelles. Ses sujets se font plus bibliques et ovidiens. Elle nourrit son art – sculpture, dessins, lithographies et peinture de nouveau, à partir des années 1960 – de voyages en Sicile, en Andalousie et en Chine. Le Journal qu’elle a laissé nous renseigne plaisamment sur ses techniques comme sur son imaginaire fantasque et affranchi, source vive de ses œuvres.