Mundici Maria Cristina (dir.), Carolrama, cat. expo., Stedelijk Museum, Amsterdam (1998), Milan/Amsterdam, Charta/Stedelijk Museum, 1998
→Vallora Marco (dir.), Carol Rama : the eye of eyes : works from 1937 to 2005, cat. expo., Palazzo Ducale, Genova (22 juin – 28 septembre 2008), Milano, Skira, 2008
La passion selon Carol Rama, Museu d’Art Contemporani, Barcelone ; Musée d’Art moderne de la Ville de Paris ; Espoo Museum of Modern Art, Helsinki ; Irish Museum of Modern Art, Dublin ; Galleria Civica d’Arte Moderna e Contemporanea, Turin, 2014-2017
Peintre italienne.
Artiste autodidacte, Carol Rama considère sa pratique comme une thérapie : son inspiration étant très largement autobiographique, le matériau tiré de sa mémoire est souvent transformé en des figures étranges, fortement chargées de pathos et d’une poésie insolite et crue. À l’âge de 12 ans, elle traverse une grave crise et fréquente pendant quelque temps un hôpital de jour, expérience qui la marque profondément, ainsi que les rencontres qu’elle y fait. À 15 ans, sa mère, de santé psychique fragile, est internée, et son père se suicide lorsque sa petite usine de bicyclettes fait faillite. À partir de 1936, la jeune femme réalise des dessins de corps tronqués, mutilés, voire de simples fragments détachés de ces corps. Ce travail se prolonge dans des aquarelles et des gravures. Elle est alors proche du peintre Felice Casorati, le chef de file des Six de Turin, dont la personnalité domine le contexte artistique turinois. Sa première exposition, qui devait se tenir juste après la Libération à la galerie Faber, est interdite par le gouvernement démocrate-chrétien, scandalisé par la charge ouvertement sexuelle et provocante de ses œuvres. Cette production de jeunesse ne sera plus montrée pendant une quarantaine d’années.
Après la guerre, comme beaucoup d’artistes italiens, C. Rama évolue vers l’abstraction, qu’elle voit comme une occasion d’ordonner ses compositions avec une rigueur nouvelle. Elle se rapproche du Movimiento Arte Concreta d’Atanasio Soldati, Gilles Dorfles et Bruno Munari, qui prône une peinture détachée de toute référence au réel. Elle est très ancrée dans le contexte turinois : son travail est défendu avec une grande constance avec son ami, le poète et universitaire Edoardo Sanguineti, dont les récits sont aussi une inspiration pour elle. Elle est aussi proche de l’architecte et designer Carlo Mollino, de l’historien de l’art Paolo Fossati, de l’architecte Corrado Levi. Dès les années 1960, elle revient à une inspiration plus personnelle et élabore ce que E. Sanguineti a appelé ses « bricolages », reprenant ainsi la formule de Claude Lévi-Strauss à propos de ces modestes assemblages, réalisés avec des éléments hétérogènes à portée de main : elle colle ainsi des griffes animales, des fume-cigarettes sur des fonds travaillés de larges taches. Au cours de la décennie suivante, elle voyage à travers l’Europe et les États-Unis avec son galeriste Luciano Anselmino ; c’est alors qu’elle rencontre Andy Warhol, Orson Welles et surtout Man Ray. Ses œuvres portent sur des problématiques liées aux grandes peurs de l’après-guerre : la bombe atomique, la guerre froide. La série Napalm, constituée d’yeux de poupées répartis par grappes sur des fonds traités au spray, forme une image frappante de la culpabilité. L’artiste travaille aussi sur de grands formats avec des chambres à air usagées qu’elle découpe et colle sur la toile en des motifs géométriques, ou bien qu’elle suspend à un axe horizontal : les irrégularités du caoutchouc donnent à ces ensembles leur matérialité.
Les années 1980 sont celles de la reconnaissance, notamment grâce à la critique d’art Lea Vergine et à son exposition L’Altra Metà dell’avanguardia (Milan, Rome, Stockholm, 1980). Cet événement, consacré aux artistes féminines, permet à C. Rama de montrer ses créations les plus anciennes ; stimulée par ce succès, elle reprend son mode de figuration initial, mettant en scène une humanité et un bestiaire fantaisistes et sans inhibition. Cette pratique est fondée sur le désir et sur les pulsions, qu’elle extériorise et expose, symbolisés par les langues tirées et une description sans complaisance des corps, en particulier des appareils génitaux. Elle dessine souvent, sur des papiers récupérés, des schémas de construction ou bien des dessins d’architecte, et transforme ce matériau en images sentimentales et érotiques à la fois. À la suite de l’exposition du Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1998, d’importantes rétrospectives sont organisées à l’étranger autour de ses œuvres. La consécration arrive en 2003, lorsque C. Rama reçoit le Lion d’Or de la Biennale de Venise. La panique sanitaire autour de la maladie de Creutzfeldt-Jakob lui a inspiré toute une série d’œuvres centrée sur l’image de la vache-folle.