Vue de l’exposition New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAMPFA), 28 août 2021 – 30 janvier 2022
L’exposition New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, organisée par Apsara DiQuinzio et Phyllis C. Wattis, emprunte son titre à un recueil de poèmes de Leslie Scalapino1. Réunissant 77 artistes et collectifs d’artistes répartis en huit sections, elle rend compte de la diversité des valeurs, stratégies et modes de vie de la création féministe internationale des vingt dernières années. Les espaces sont ouverts les uns sur les autres, favorisant l’entrecroisement des diverses problématiques soulevées : « Retourner le regard », « Le temps comme tissu », « Le corps en morceaux », « L’alchimie du genre », « Femmxs travailleuses·x du monde unies·x ! », « Trop gentille depuis trop longtemps », « Le futur est féministe ». Dès le début du parcours, les propos affirment la prise de position inclusive du musée en regroupant sous le terme womxn [femmxs] les pratiques engagées de femmes cisgenres, transgenres et de personnes non-binaires.
Vue de l’exposition New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAMPFA), 28 août 2021 – 30 janvier 2022
Dans le hall du Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAMPFA), une multitude d’affiches produites par le collectif Guerrilla Girls, de sa fondation en 1985 jusqu’en 2018, interpellent les acteurs du monde de l’art pour dénoncer les inégalités qui y ont cours. Dans la première section – « L’arc de l’hystérie » –, le corps arqué (Arched Figure, 1993) réalisé par Louise Bourgeois (1911-2010) fait figure de pièce centrale. Celle-ci est présentée aux côtés de l’ouvrage de Paul Richer et des dessins de Jean-Martin Charcot2 qui catégorisent les comportements stéréotypés des femmes internées et prises pour folles. Les œuvres mystérieuses et puissantes d’Inka Essenhigh (née en 1969), de Kiki Smith (née en 1954) ou encore d’Anne Walsh (née 1962) détournent cette vision et se la réapproprient.
Vue de l’exposition New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAMPFA), 28 août 2021 – 30 janvier 2022
Les corps, sujets actifs, renvoient le spectateur à lui-même. La représentation de corps nus hors des normes et la symbolique de l’absence ouvrent sur les questions raciales, lesbiennes et de genre dans l’histoire de l’art. L’exposition invite à réfléchir sur la déconstruction du male gaze qui pèse sur le corps de la femme alanguie et la figure de la muse. Les artistes cherchent également à montrer la façon dont elles ont été objectifiées et exclues des discours. La section « Le temps comme tissu » engage une relecture réparatrice par le mythe et l’histoire, où la pratique du tissage, au-delà de la technique, se constitue en un réseau de femmxs ou d’« intralocutrices·x »3 qui transgressent les effigies traditionnelles.
Au sein de l’intime, les rapports de domination se matérialisent par le fragment corporel inspiré du texte de Linda Nochlin4. Le public scrute coiffures afro détournées, sous-vêtements, vagins, femmes enceintes, tous morcelés, désidentifiés du reste de l’individu. La représentation de soi s’illustre aussi par l’affirmation de la non-binarité, la fluidité du genre et l’identité transgenre. Une section queer est précisément consacrée à des artistes dont la recherche se situe dans l’exploration de réalités autres. Zanele Muholi (né.e en 1972) les rassemble dans une série photographique intitulée Brave Beauties (2014) qui fait écho au mouvement Black is Beautiful lancé dans les années 1960.
Vue de l’exposition New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAMPFA), 28 août 2021 – 30 janvier 2022
Les jalons de la lutte du féminisme contre l’essentialisme sont présentés grâce à l’iconographie de l’activisme et de la révolte contre le labeur des femmxs et les violences domestiques. Les pancartes de la TransLatina Coalition brandies dans les dessins d’Andrea Bowers (née en 1965) et la vidéo My Cuntry, ‘Tis of Thee (2018) de Marilyn Minter (née en 1948), qui en substitue les termes et les slogans par l’insulte cunt [con], sont autant d’actes de protestations. Comment la colère et l’utopie peuvent-elles aussi participer de cet activisme dans le futur ? À partir du travail fondateur des collectifs féministes des années 1970, les artistes femmxs de la jeune génération allient leurs forces en partageant leurs préoccupations et leurs visions. Anohni (née en 1971), Johanna Constantine, Kembra Pfahler (née en 1961), Bianca Casady (née en 1982) et Sierra Casady (née en 1980) ont gravé The 13 Tenets of Future Feminim (2013), des préceptes contre les violences et la domination masculine, sur des cercles de quartz rose. Les Guérillères (2016) de Mai-Thu Perret (née en 1976) qui clôturent l’exposition semblent mettre en marche la révolution féministe grâce à son armée de femmxs prêtes au combat.
Vue de l’exposition New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAMPFA), 28 août 2021 – 30 janvier 2022
D’une certaine manière, l’exposition s’inscrit dans la continuité de WACK! Art and the Feminist Revolution, manifestation majeure présentée en 2007 au Museum of Contemporary Art de Los Angeles, qui portait sur la période de 1965 à 1980. En 2021-2022, les musées californiens ont visiblement fait le choix d’introduire une politique intersectionnelle au sein de leurs programmations. Aussi, l’attention portée au BAMPFA sur la complexité et la multiplicité des approches – intergénérationnelles, gender-fluid, queer, raciale et de classes – propose une recherche renouvelée et galvanisante de mise en exergue des féminismes à travers ce choix éclairé des luttes contemporaines
New Time: Art and Feminisms in the 21st Century, du 28 août 2021 au 30 janvier 2022, au Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (Oakland, États-Unis).
Laura Aguilar, Anohni, Kembra Pfahler, Johanna Constantine, Bianca Casady, Sierra Casady, Janine Antoni, Alisa Baremboym, Valérie Blass, Louise Bourgeois, Andrea Bowers, Sarah Cahill, Miriam Cahn, Sophie Calle, Jordan Casteel, Elaine Cameron-Weir, Tammy Rae Carland, Jean-Martin Charcot, Paul Regnard, Paul Richer, Judy Chicago, Anne Collier, Amy Cutler, Moyra Davey, Nicole Eisenman, Inka Essenhigh, Ellen Gallagher, Chitra Ganesh, Andrea Geyer, Rochelle Goldberg, Nicki Green, Guerrilla Girls, Lynn Hershman Leeson, Kenyatta A.C. Hinkle, Jenny Holzer, Luchita Hurtado, Hayv Kahraman, Caitlin Keogh, Koak, Ella Kruglyanskaya, Liz Larner, Simone Leigh, Candice Lin, Kalup Linzy, Sarah Lucas, Goshka Macuga, Ad Minoliti, Marilyn Minter, Zanele Muholi, Ruby Neri, Catherine Opie, Mai-Thu Perret, Michele Pred, Farah Al Qasimi, Pussy Riot, Christina Quarles, R.H. Quaytman, Carol Rama, Favianna Rodriguez, Leslie Scalapino, Lara Schnitger, Davina Semo, Amy Sillman, Laurie Simmons, Lorna Simpson, Rose B. Simpson, Kiki Smith, Linda Stark, Sturtevant, Lava Thomas, Mickalene Thomas, Wu Tsang, Sara VanDerBeek, Catherine Wagner, Kara Walker, Ann Walsh, Francesca Woodman.