Tutti, Cosey Fanni, Quément, Fanny (trad.), Art sexe musique, Toulouse, Audimat éditions, 2021
Cosey Fanni Tutti, Cabinet Gallery, London, 21 septembre – 1 novembre 2017
→COUM Transmissions, Humber Street Gallery, Hull, 3 février – 22 mars 2016
→The Exhibition of a Film, Mattieu Copeland – collaboration sonnore avec Susan Stenger – projeté au Contemporary Art Centre Genève ; Centre Pompidou Paris ; les Abattoirs | Musée d’art moderne et contemporain – Toulouse ; MoMA NY ; Tate Modern Londres; Kunsthalle Zurich, 2013.
Performeuse et musicienne britannique.
Fréquentant la scène hippie de Hull (Yorkshire, au nord-est de l’Angleterre) à la fin des années 1960, Carol Newby rencontre Genesis P-Orridge avec qui elle fonde le collectif d’artistes COUM Transmissions, actif entre 1969 et 1975. Comme Genesis n’arrive pas à se souvenir de son prénom, iel l’appelle « Cosmosis », qui donnera le diminutif « Cosey », avant que son ami Robin Klassnik, artiste et fondateur de la Matt’s Gallery à Londres, la surnomme « Cosey Fanni Tutti », en référence à l’opéra de Mozart. Ce surnom devient son nom d’artiste à partir de 1973.
Investi dans les pratiques de mail art, COUM Transmissions se fait connaître à Hull par des performances inspirées à la fois du groupe états-unien Merry Pranksters, de l’actionnisme viennois et du mouvement Dada. En dehors de toute conception académique de l’art, COUM Transmissions acquiert de la notoriété grâce à des actes pornographiques et violents en public. Ces actes font appel à un vaste éventail de procédés, notamment l’automutilation, souvent présentée de façon ambiguë, entre simulation et réalité, ainsi que l’usage de lait, d’urine, de sang et de lavements. Au nom du collectif, Cosey et Genesis représentent la Grande-Bretagne à la Biennale de Paris en 1975 et lors de l’exposition Arte Inglese Oggi 1960-1976 en 1976.
En 1976, l’exposition Prostitution à l’Institute of Contemporary Arts (ICA) de Londres fait scandale, car Cosey Fanni Tutti y montre ses tampons usagés et ses Magazine Actions, œuvres où elle rassemble des articles extraits de revues de charme pour lesquelles elle a posé. En participant sciemment à l’industrie du sexe afin de se procurer des photographies d’elle-même, elle révèle le parallèle qui existe entre la vie d’une artiste et d’une travailleuse du sexe. Elle agit ainsi comme précurseuse des mouvements féministes « pro-sexe » en détournant les productions de l’industrie pornographique à des fins artistiques. Elle explique : « J’exploitais l’industrie du sexe dans mon propre intérêt, pour la subvertir et l’utiliser pour ma propre pratique artistique. » L’exposition met non seulement au défi les milieux conservateurs (le membre du Parlement Nicholas Fairbairn qualifie les membres du collectif de « wreckers of civilisation [destructeurs de civilisation] » à la House of Commons) et les médias mainstream, mais aussi les féministes qui portent à l’époque un regard exclusivement négatif sur la pornographie.
La performance finale de l’exposition à l’ICA marque les débuts de Throbbing Gristle qui, avec Chris Carter et Peter « Sleazy » Christopherson et Genesis P-Orridge, devient un groupe pionnier de la musique industrielle et acquiert un statut culte, fort du slogan « Industrial Music for Industrial People ». Le groupe s’installe dans un studio situé au-sous-sol d’une usine désaffectée du quartier de Hackney à Londres et nommé « The Death Factory » en référence aux fosses communes creusées à Londres lors de l’épidémie de peste et aux camps de la mort industrialisés du vingtième siècle. Parallèlement à ses activités musicales avec Throbbing Gristle, Cosey Fanni Tutti poursuit ses performances solo et son activité de modèle et strip-teaseuse, activant un processus d’émancipation qui passe par l’incarnation d’une multiplicité de stéréotypes, à l’encontre d’une approche essentialiste et unitaire de l’identité féminine.
Cosey Fanni Tutti est une icône de la contre-culture musicale et artistique, dont les transgressions ont sans cesse remis en cause les hiérarchies établies. Chez Cosey, le modèle s’émancipe de l’autorité du photographe, en utilisant la puissance érotique de sa propre image pour s’imposer auprès des lieux d’exposition. Ses expériences héritées des mouvements hippies anarchistes préfigurent un féminisme queer contemporain qui refuse de diaboliser les pratiques pornographiques où réside une forme de libération radicale.
En 1981, elle fonde avec Chris Carter le duo Chris & Cosey. Ensemble, ils montent leur propre label indépendant, Conspiracy International (CTI) afin de rester libres dans leur pratique créative axée sur l’expérimentation, que ce soit individuellement ou collaborativement, sous la forme du groupe Chris & Cosey ou, plus récemment, sous le nom Carter Tutti. Cosey et son compagnon Chris Carter sont internationalement reconnus comme des pionniers de la musique électronique.
Cosey continue de travailler en tant qu’artiste et compositrice, à la fois sous la forme de sorties physiques, de performances live et de publications écrites. Les œuvres de Cosey sont présentes dans les collections du Tate Britain, de l’Arts Council Collection et d’autres collections publiques et privées. Elles font l’objet d’expositions dans le monde entier depuis plus de trois décennies.