« Helen Saunders », The Art Newspaper, 26 mai 2021
→Peppin, Brigid, Cork Richard (dir.), Helen Saunders, 1885-1963, Oxford, Ashmolean Museum, 1996
Peintre vorticiste britannique.
Après trois années d’études sous la direction de l’artiste et (future) militante sociale Rosa Waugh (1882-1971), Helen Saunders, fille d’avocat, fréquente brièvement la Slade School of Fine Art avant d’intégrer la Central School of Arts and Crafts. À partir de 1911, une rente modeste lui permet de vivre indépendamment à Londres et de se consacrer à plein temps à sa pratique artistique. Elle participe cette année-là, à l’occasion du couronnement du roi George V, à la procession pour le suffrage des femmes en y représentant l’une des 700 suffragettes emprisonnées à l’époque par le gouvernement britannique.
En 1914, H. Saunders fait partie des membres fondateurs du groupe vorticiste. Elle signe le Manifeste du vorticisme paru dans le premier numéro de BLAST, modifiant délibérément l’orthographe de son nom afin d’éviter l’embarras de sa famille soucieuse des conventions. Le deuxième numéro de la revue, qui paraît en 1915 et auquel elle collabore avec la publication de deux dessins, d’un poème, « Vision of Mud », et vraisemblablement d’un appendice, est diffusé depuis son appartement dans le quartier de Chelsea. Elle participe aux deux expositions du groupe, à la Doré Gallery, à Londres, en 1915 et au Penguin Club, à New York, en 1917.
Le nom de H. Saunders a souvent été associé à celui de Wyndham Lewis (1882-1957), chef de file du vorticisme. Fin 1915, ils collaborent à une série de fresques, aujourd’hui détruites, pour le Café de la Tour Eiffel à Londres. De récentes recherches ont révélé qu’un portrait exécuté par W. Lewis et exposé en 1921, Praxitella, recouvrait une grande composition abstraite de H. Saunders, Atlantic City, présentée en 1915 et reproduite sous forme d’un dessin à l’encre dans le deuxième numéro de BLAST. On ignore si cette destruction intentionnelle d’une de ses plus ambitieuses peintures eut lieu avec son consentement ou à son insu.
D’un point de vue artistique, de profondes différences existaient entre H. Saunders et W. Lewis. W. Lewis revendiquait un attachement aux matériaux et aux environnements façonnés par l’homme. À l’inverse, H. Saunders faisait souvent appel à la géométrie dynamique du langage vorticiste pour sonder l’expérience intime. Passant en revue Du Spirituel dans l’art de Wassily Kandinsky (1866-1944) dans le premier numéro de BLAST, le peintre vorticiste Edward Wadsworth (1889-1949) évoque la croyance de l’artiste en « la valeur des émotions comme unique élan artistique », idée que H. Sanders semble avoir partagée et qu’illustre par exemple l’un de ses dessins, Dance, où s’exprime sa réaction enthousiaste aux nouveaux rythmes du jazz.
Se décrivant elle-même comme « solitaire par nature », H. Saunders se réfugie dans une relative solitude à la fin de la Première Guerre mondiale. Demeurant à Londres où elle continue de peindre, elle renoue avec le postimpressionnisme et l’œuvre de Cézanne. Une grande partie de ses peintures sont perdues dans le bombardement qui détruisit son appartement en 1940. Elle n’exposera que rarement dans les dernières années de sa vie et son œuvre demeure méconnue.
Publication en partenariat avec le Centre Pompidou, dans le cadre de l’exposition Elles font l’abstraction présentée au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Galerie 1, Paris, du 5 mai au 23 août 2021, sous le commissariat de Christine Macel et de Karolina Ziebinska-Lewandowska (pour la photographie), assistées de Laure Chauvelot. Notice tirée du catalogue de l’exposition publié par les éditions du Centre Pompidou ©Éditions du Centre Pompidou, 2021