Dziewańska Marta (dir.), Mária Bartuszová : provisional forms, cat. expo., Museum of Modern Art, Varsovie (25 septembre 2014 – 4 janvier 2015), Varsovie, Museum of Modern Art, 2015
Mária Bartuszová : provisional forms, cat. expo., Museum of Modern Art, Varsovie, 25 septembre 2014 – 4 janvier 2015
Sculptrice slovaque.
Le grand public découvre l’œuvre de Mária Bartuszová en 2007 à l’occasion de la documenta 12 de Cassel. Originaire de Prague, M. Bartuszová s’installe à Košice avec son mari, lui aussi artiste, après avoir fini ses études en 1961. La ville de Košice est éloignée du monde de l’art ; elle ne donne accès qu’à très peu d’expositions collectives et de commandes publiques. Ces quelques occasions, ainsi qu’une participation occasionnelle au groupe concrétiste alors en vogue, constitueront l’ensemble de la carrière officielle de l’artiste. Celle-ci fait également face aux contraintes d’une vie passée sous un système totalitaire, minée par les problèmes financiers et l’obligation d’élever seule ses enfants. Dans de telles circonstances, toute recherche artistique aurait pu s’avérer un défi impossible. Mais, contre toute attente, il se dégage du travail de M. Bartuszová une puissance indéniable et une volonté de surmonter les obstacles. Ses œuvres, près de 400, offrent le témoignage, malgré leur fragilité extrême, de l’extraordinaire persévérance de l’artiste et de son sens de l’expérimentation formelle.
Les œuvres de jeunesse de M. Bartuszová puisent leur inspiration dans les phénomènes naturels. En effet, elles ne semblent pas avoir été conçues pour les galeries d’art, mais plutôt pour se fondre dans le paysage. Durant les années 1960, l’artiste produit des pièces qui ressemblent à des kits démontables et réassemblables. En 1976 et 1983, elle s’associe à l’historien de l’art Gabriel Kladek pour organiser des ateliers destinés aux enfants aveugles et malvoyant·e·s. Ensemble, tous deux créent des sculptures qui permettent aux plus jeunes de se familiariser avec diverses formes et textures, de distinguer les formes géométriques des organiques, d’en comprendre la portée émotionnelle et de développer leur imagination esthétique. À partir des années 1980, le travail de M. Bartuszová est dominé par des volumes stylisés et ovoïdes, des œufs et coquilles évidés, dont elle malmène les contours parfaits. La série la plus marquante de cette époque se compose d’assemblages de formes ovales étroitement enlacées de fil, parfois lestées de petites pierres, et constituées d’un plâtre fragile qui, écrasé et contenu par ces entraves externes, semble néanmoins empli de vie. Au cours des années, la gestuelle du toucher et de l’impression se mue en acte de couper, piquer, percer ou déchirer. Bien que l’œuvre de cette artiste comprenne exclusivement des formes abstraites dans un style généralement épuré, voire minimaliste, elle s’avère cependant empreinte non seulement d’une certaine violence, mais aussi d’érotisme, d’un sentiment de damnation, d’un espoir de mémoire et d’une réflexion profonde sur les origines de la vie. Au milieu des années 1980, M. Bartuszová adopte une technique singulière qu’elle nomme « façonnage pneumatique ». Pour ce faire, elle verse du béton sur des moules confectionnés à l’aide de ballons de baudruche. Écrasés sous le poids du béton, ils éclatent et donnent naissance à des objets qui sont les négatifs de la présence des positifs ainsi détruits. En se heurtant à leur propre impossibilité et en raison de leur fugacité matérielle, ces formes sont par conséquent des sculptures quasi éphémères. Ces œuvres à l’apparence de cocons abandonnés remplissent peu à peu l’atelier de M. Bartuszová et, plus tard, son jardin. Ces nids stériles, ces formes pétrifiées inondent et asphyxient les branches naissantes des arbres. Elles n’ont plus rien à voir avec ce qui les définissait auparavant : l’observation et l’imitation de la nature. Il s’agit à présent d’envahir la nature et de combattre avec elle. Toutefois, le matériau employé reste le plâtre et, exposé au vent et à la pluie, celui-ci ne leur résiste que peu de temps. Ainsi, le choix que fait M. Bartuszová d’utiliser le plâtre – une ressource qui, d’un point de vue sculptural, est à la fois primitive et ordinaire – devient l’un des messages portés par son œuvre. Elle joue sur sa nature éphémère et transitoire et n’hésite pas à considérer la tradition, les normes et les techniques apprises comme autant d’éléments provisoires. Depuis la documenta 12, les œuvres de M. Bartuszová ont été montrées lors de plusieurs expositions collectives, dont Les Promesses du passé, 1955-2010 au musée national d’Art moderne – Centre Georges-Pompidou à Paris en 2010. En 2014-2015, l’artiste a bénéficié de sa première rétrospective hors de son pays d’origine, Maria Bartuszová: Provisional Forms, au musée d’Art moderne de Varsovie.