Annick et Didier Masseau, L’Escalier de cristal. Le luxe à Paris (1809-1923), Saint-Rémy-en-l’Eau, Monelle Hayot, 2021
Baccarat. La légende du cristal, Petit Palais, Paris, octobre 2014 – janvier 2015
Fabricante de cristaux gravés et montés française.
Rosalie Charpentier naît d’un père orfèvre, dans l’atelier duquel elle pourrait avoir été initiée à la gravure sur métal. En 1794, elle épouse à Châlons un militaire, Pierre Renaud. Le jeune couple, installé à Paris, divorce en novembre 1802. Au printemps 1803, R. Charpentier est à Bordeaux, où elle épouse le 30 juin un négociant, Barthélémy Désarnaud, de dix-huit ans son aîné. Elle se constitue une dot de 10 000 francs, une somme relativement importante provenant « de son talent et de ses gains ».
R. Charpentier et B. Désarnaud s’installent à Paris au plus tard en 1809 et forment une société avec le jeune frère de l’artiste, Philippe-Auguste Charpentier (1780-1815). Âgé de vingt-huit ans, ce dernier est graveur sur cristal et pierres fines, élève du graveur réputé Romain-Vincent Jeuffroy (1749-1826). À compter du 1erjuillet 1809, B. Désarnaud et son épouse louent au Palais-Royal deux boutiques contiguës, au 153 et au 154. C’est le début de la maison qui prendra vers 1815 le nom À l’escalier de cristal, lorsqu’un escalier à balustres de cristal deviendra l’emblème distinctif de la boutique.
Un an plus tard, le 8 août 1810, B. Désarnaud décède. Puis P.-A. Charpentier meurt à son tour, le 5 janvier 1815. C’est donc seule désormais que R. Charpentier dirige la maison, et c’est à elle qu’incombe sa réussite. Après un parcours qui a déjà démontré son caractère indépendant et son esprit d’entreprise dans cette France du début du XIXe siècle, la veuve donne tout son développement à la fabrique. Le succès vient de l’idée novatrice de pourvoir les cristaux de montures en bronze doré et de créer ainsi des pendules, des surtouts de table, des candélabres et même des meubles. Le cristal est livré brut par une manufacture dirigée par Aimé Gabriel d’Artigues, d’abord à Vonêche, en Belgique, puis, après 1815, à Baccarat, en France. Les cristaux sont ensuite taillés et montés au Palais-Royal.
En 1818, la veuve Désarnaud obtient le brevet de « fournisseur de cristaux du duc de Berry, du Garde-Meuble de la Couronne et du roi ». Elle reçoit en effet des commandes du Garde-Meuble, notamment pour les duchesses de Berry et d’Angoulême, mais bénéficie également d’une prestigieuse clientèle internationale. L’apogée de l’atelier dirigé par R. Charpentier est l’Exposition des produits de l’industrie de 1819. Elle fait imprimer une notice à l’attention du jury et est récompensée par une médaille d’or. Elle mentionne avoir précédemment vendu quatre grands candélabres en Russie, une toilette à la feue reine d’Espagne Marie-Isabelle de Portugal, un lavabo envoyé à la reine d’Étrurie à Lucques ou encore une cheminée avec pendules, candélabres et grands vases, emportés à Madrid par le duc de Berwick. Elle expose de véritables meubles : une cheminée, deux grands candélabres, deux tables, une grande pendule et plusieurs vases. La pièce la plus spectaculaire est une toilette avec son fauteuil, qui est acquise par la duchesse de Berry (aujourd’hui conservée au musée du Louvre). Cette élégante toilette, avec son miroir pivotant entre les figures de Flore et de Zéphyr, présente la virtuosité de toutes les tailles du cristal, en pointes de diamant, cannelures, godrons…
R. Désarnaud-Charpentier s’est considérablement enrichie puisqu’elle est en mesure, en janvier 1824, d’acheter à Constance de Salm l’hôtel de Salm-Dyck, au 97, rue du Bac, à Paris. Elle se retire dans les dernières années de la Restauration (1814-1830), après avoir cédé sa fabrique à Jacques Boin.