Miwa Yanagi-Windswept Women: The Old Girls’ Troupe, cat. expo, Pavillon du Japon, 53e Biennale de Venise, Italie [7 juin-22 novembre 2009], Kyoto, Seigensha Art Publishing, Inc., 2009
→My Grandmothers, cat. expo., Tokyo Metropolitan Museum of Photography [7 mars-10 mai 2009] ; The National Museum of Art, Osaka [20 juin-23 septembre 2009], Kyoto, édition de Tankosha, 2009
MIWA YANAGI: Myth Machines, Musée d’art de Takamatsu, Kagawa, 2 février-24 mars 2019 ; Arts Maebashi, Gunma, 19 avril-23 juin 2019 ; Musée préfectoral d’art de Fukushima, 6 juillet-1 septembre 2019 ; Galerie préfectorale de Kanagawa, 20 octobre-1 décembre 2019 ; Musée préfectoral d’art de Shizuoka, 10 décembre 2019-24 février 2020
Photographe japonaise.
Diplômée de l’Université municipale des beaux-arts de Kyoto, où elle décroche un master en beaux-arts et métiers de l’artisanat en 1991, Miwa Yanagi se fait connaître avec Elevator Girl, une série de photographies composées par ordinateur réalisées entre 1994 et 1999. Le point de départ de cette série remonte à la première exposition individuelle de l’artiste, en 1993, où elle présente deux mannequins habillées de cet uniforme reconnaissable entre tous et très prisé que portent les jeunes femmes chargées d’actionner les ascenseurs dans les grands magasins japonais pour guider les client·e·s. Si, dans les photographies générées en images de synthèse, les visages sont dépourvus d’émotion et les poses sont celles de poupées qu’on aurait installées dans des lieux improbables, elles s’inspirent toutes de scènes réelles. Faisant appel aux techniques de pointe du moment, la série montre du doigt avec ironie une société japonaise dans l’impasse, avec sa croissance économique rapide, son système de production répétitif et un personnel féminin glamour dans les centres commerciaux qui contraste fortement avec la main-d’œuvre masculine majoritaire sur les sites industriels. Si ces femmes, prises individuellement, ressemblent à des robots, collectivement, elles suggèrent aussi un potentiel de société qui s’écarte de celle où la discipline masculine prévalente conduit à la croissance économique.
Après Elevator Girl, qui soulève la question du genre et du rôle des femmes dans la société japonaise, M. Yanagi pousse plus loin sa réflexion dans sa pratique artistique. À partir de 2000, elle élargit le thème avec sa série My Grandmothers, qui traite de l’âgisme. Le processus de création commence avec une série d’entretiens avec des filles de quatorze à vingt ans, au cours desquels M. Yanagi leur demande d’imaginer ce qu’elles seront, ou ce qu’elles rêveraient d’être, cinquante ans plus tard. L’artiste prend ensuite des photos de ses modèles pour en faire des portraits vieillis en s’inspirant des conversations qu’elle a eues avec elles. Elle ajoute à chaque cliché des phrases que ces femmes âgées prononceraient dans le monde imaginaire des jeunes filles. L’idée est d’inverser la norme japonaise très ancrée qui veut que plus on est jeune, mieux c’est, surtout pour les femmes. Ces images indiquent au contraire d’autres modes de vie et soulignent la force qui vient avec la maturité, que seul le processus de vieillissement peut apporter dans la vie d’une femme.
La série Fairy Tale (2004-2006) met en scène des filles en reprenant des passages de fables ou de récits transmis de génération en génération, comme Le Petit Chaperon rouge, Blanche-Neige ou encore La Petite Fille aux allumettes. Contrairement à l’image bienveillante que l’on confère d’ordinaire à ces contes, M. Yanagi propose des scènes quelque peu effrayantes dans des endroits désertés, avec des tons gris. Comme dans My Grandmothers, les filles y jouent un double rôle, portant des masques qui leur donnent l’apparence à la fois de jeune femme et de vieille femme, créant ainsi un monde fantastique de la représentation de la femme dans les fables.
En 2009, deux expositions personnelles consacrent l’œuvre de M. Yanagi : Miwa Yanagi : My Grandmothers, au musée de la Photographie de la ville de Tokyo (TOP Museum), et Miwa Yanagi : Po-Po Nyang Nyang !, au musée national des Beaux-Arts d’Osaka (NMAO). L’artiste est également sélectionnée pour participer à la 53e Biennale de Venise dans le pavillon japonais. C’est à cette occasion qu’elle crée une nouvelle installation, intitulée Windswept Women (2009), composée de cinq photographies grand format et d’une vidéo. Sur ces photographies, des femmes dont les traits sont un mélange de jeunesse et de vieillesse s’affirment avec force dans une nature sauvage. Les figures rappelant les Furies s’animent aussi dans la vidéo, diffusée dans une tente noire installée dans le pavillon du Japon, lui-même recouvert de tentures noires.
Dans le prolongement évident de ses séries précédentes, M. Yanagi se met ensuite à monter des projets de mise en scène dans des salles de théâtre, des musées ou en plein air. L’un d’entre eux, The Wings of the Sun (2016), utilise un semi-remorque décoré comme scène principale – un concept que l’artiste reprendre plus tard à Taïwan en le perfectionnant. La première présentation de cette idée remonte à 2014, lors de la Triennale de Yokohama. Avec ce semi-remorque, elle crée un spectacle en plein air inspiré d’un roman de Kenji Nakagami et fait appel non seulement à des acteurs et actrices, mais également à des danseurs de claquettes, des acrobates de pole dance et des artistes de cirque. Dans cette pièce, sept vieilles femmes obligées de quitter leur « ruelle » voyagent avec des jeunes gens issus de cette même « ruelle » (terme utilisé par le romancier pour parler du ghetto de la communauté des parias buraku dans la ville de Shingū, où K. Nakagami est né et a grandi). Les personnages incarnent de façon exagérée le rôle attribué à leur genre lors de fêtes débridées dans les lieux où ils s’arrêtent au cours de leur pèlerinage. Les croyances locales, le sens de la communauté et les traditions japonaises ancrées dans les anciennes fables prennent ici une autre dimension, dans des performances puissantes combinant plusieurs arts du spectacle et où se mêlent humour, tristesse et érotisme.
M. Yanagi reçoit le 30ePrix des arts et de la culture de Kyoto en 2017 et le Prix pour service émérite lors des 33e Récompenses culturelles du département de Kyoto en 2016.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Artistes femmes au Japon : XIXème – XXIème siècle »
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