Filali Aïcha, Safia Farhat, une biographie, Tunis, MIM, 2005
→Triki Rachida, « Pratiques picturales des femmes en Tunisie », in S. Ferchiou (ed.), Femmes, culture et créativité en Tunisie, Tunis, CREDIF, 2001, p. 275
Peintre, décoratrice, éditrice et enseignante tunisienne.
Safia Foudhaili est éduquée en France et en Tunisie ; en 1944 elle épouse Abdallah Farhat, un politicien socialiste actif contre le pouvoir colonial. À l’indépendance de la Tunisie en 1956, il devient directeur de cabinet du président Habib Bourguiba et occupe ensuite différents postes de ministre. Cette même année, le Code du statut personnel (CSP) est promulgué avec pour but d’améliorer le statut social et l’éducation des femmes, ce qui crée un contexte favorable permettant à S. Farhat de fonder en 1959 le premier magazine tunisien qui leur est destiné, Faïza (la revue paraîtra jusqu’en 1967 et publiera 62 numéros). Elle y exerce, entre autres, ses talents de dessinatrice et de graphiste. Également engagée sur les plans politique et esthétique, S. Farhat s’illustre dans la défense du patrimoine culturel et du droit des femmes. L’importance qu’elle donne à la pédagogie par l’art trouve son application directe lorsqu’elle est nommée première directrice de l’École des beaux-arts de Tunis de l’ère républicaine en 1966.
En 1949, elle est la seule femme à participer au mouvement de l’école de Tunis, constitué d’artistes français, italiens et tunisiens. Ils se démarquent délibérément de l’art colonial en renouant avec l’histoire archéologique romaine, l’architecture islamique et les artisanats traditionnels. Néanmoins, leur objectif est de façonner une « tunisianité » tout à fait moderne, fondée sur des ancrages maghrébins, arabes et africains. Ils contribuent à la constitution de l’image de cette nouvelle nation. Avec des contours noirs très graphiques, S. Farhat peint des sujets tels que des femmes parées de khôl ou de henné, des hommes en jebba, la faune et la flore locales ou des objets quotidiens. Sa facture est très découpée, avec des fonds bigarrés d’ordre abstrait.
De nombreuses collaborations s’instaurent entre artistes et artisans pour répondre à des commandes publiques. S. Farhat travaille notamment beaucoup avec l’artiste Abdelaziz Gorgi et des collectifs de tisseuses afin de réaliser des tapisseries monumentales. Elle y explore par exemple l’histoire d’Ulysse et de Pénélope, ainsi que l’épopée des Banu Hilal, une confédération de tribus d’Arabie qui ont migré en Afrique du Nord au XIe siècle. Les techniques que S. Farhat met en valeur varient du design, à la céramique, au vitrail et à la dentelle chebka, certains médiums la conduisant à développer des formes purement géométriques. Elle exécute également des bas-reliefs muraux.
Avec son mari, en 1982 elle crée le Centre des arts vivants à Radès où le musée Safia-Farhat est inauguré en 2016 par sa nièce Aïcha Filali. Également artiste et enseignante à l’Institut supérieur des beaux-arts de Tunis, A. Filali dirige depuis lors ce musée, avec pour but de perpétuer l’héritage de S. Farhat et d’exposer la création contemporaine.