Tsuneko Taniuchi, Neuf personnages de femmes, 2008, © ADAGP, Paris 2013, Volker Renner
Tsuneko Taniuchi, Micro-événement n°11, Troc, Palais de Tokyo © ADAGP, Paris 2013 – Helena Villovitch
Tsuneko Taniuchi est née en 1946 à Hyôgo, au Japon, où elle a grandi et étudié avant de s’installer à Paris en 1987, emportant avec elle un riche héritage culturel. Son parcours, nourri d’influences variées, alimente son regard critique sur les normes sociales et artistiques, conférant à son œuvre une pertinence face aux enjeux actuels.
Tsuneko Taniuchi, Micro-événement n° 1 /Ato no matsuri / Trop tard, performance, Galerie chez Valentin, Paris, 1995, Photo Sylvain Flanagan, © ADAGP, Paris
Les « micro-événements » constituent la pierre angulaire de la pratique de Tsuneko Taniuchi, réinventant le rapport entre art et vie dans des interventions auxquelles participe directement le public. En 1995, l’artiste inaugure ce concept avec Ato no matsuri / Trop tard, présenté à la galerie Chez Valentin, à Paris : avant l’ouverture d’une exposition, elle a rassemblé au sein de la galerie des figures du milieu culturel autour d’un repas, perturbé par une dispute orchestrée par l’artiste. Trois jours plus tard, le public a découvert les traces de cet événement : une table en désordre, des sols et des murs souillés, ainsi qu’une série de polaroïds accompagnés d’un texte explicatif.
Tsuneko Taniuchi, Neuf personnages de femmes, 2008, © ADAGP, Paris 2013, Volker Renner
Tsuneko Taniuchi, Micro-événement n° 8 /Action publique, performance, évènement Ici tout est réel, organisé par la revue Tribeca, Monoprix, Paris, 1998, Photo Eric Tabuchi, © ADAGP, Paris
Cet épisode illustre la manière dont Tsuneko Taniuchi interroge les normes, qu’elles soient genrées, culturelles ou sociales, et défie les attentes imposées par les systèmes de pouvoir, tout en invitant à repenser le lien entre art et quotidien. Ce questionnement constant se reflète tout au long de sa carrière, où elle remet sans cesse en cause les stéréotypes et les rôles domestiques attribués aux femmes. Par des interventions critiques teintées d’humour, elle déconstruit l’image figée de « la femme », qu’elle soit perçue comme une épouse passive, une mère confinée au foyer ou une muse réduite à un simple objet d’inspiration. En plaçant son corps au cœur de ses micro-événements, Tsuneko Taniuchi incite le public à remettre en cause le regard réifiant et à imaginer une féminité libérée des normes restrictives qui la brident d’ordinaire.
Tsuneko Taniuchi, Micro-événement n° 14 / Future épouse aime faire la peinture, pour Art & Vitrine, Rougier & Plé, Paris, 2002, Photo Tiina Ketara, © ADAGP, Paris
Tsuneko Taniuchi, Micro-événement /Anniversaire de mariages, performance, pour Rendez-vous du forum, Session 2, Centre Pompidou, Paris, 2010, Photo Maria Tomé, © ADAGP, Paris
Le stéréotype de « la mariée », symbole d’attentes traditionnelles, occupe une place centrale dans sa pratique : au cours de micro-événements réalisés en France et à l’étranger, l’artiste détourne cette figure pour subvertir l’institution du mariage. En organisant des unions fictives dans divers lieux et en épousant simultanément une, deux voire trois personnes de tout sexe et de toute identité de genre, elle transforme cet acte en une réflexion critique sur les normes de l’engagement, de l’amour et des structures sociales. Avec ce projet commencé en 2003, dix ans avant l’adoption de la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe en France, Tsuneko Taniuchi a célébré près de quatre cents mariages dans le champ de l’art, créant ainsi un espace d’expérimentation où art et engagement se confondent pour forger des expériences intimes avec son public.
Tsuneko Taniuchi, Micro-évenement n°36, Ice vitrine, © ADAGP, Paris 2013 – Elin Lundgren
Tsuneko Taniuchi, Micro-événement n° 25 /Public communication bar / VIP Cocktails, performance, pour Occupation #1, MAC/VAL, Vitry, 2004, Photo Laurent Vicari, © ADAGP, Paris
Pour l’artiste, créer du lien n’est pas juste un thème : c’est le moteur de sa démarche. Par ses micro-événements – de simples gestes chargés de sens –, Tsuneko Taniuchi abolit les barrières culturelles et ouvre un espace de dialogue. Ces interventions font de l’art un langage commun qui rapproche identités et traditions, tout en créant une proximité réelle avec le public. Agissant comme médiatrice, elle se pose en trait d’union entre les personnes, favorisant les rencontres et les échanges. Par le biais d’expériences collectives, ses micro-événements invitent à voir le multiculturalisme comme une richesse plutôt qu’un défi : chaque différence devient une opportunité de dialogue et de création. En brouillant les frontières entre vie et art, elle propose une vision optimiste du vivre-ensemble, où chaque interaction renforce notre manière d’être ensemble et de faire société.
Rose Bideaux
Tsuneko Taniuchi, née en 1946 à Hyogô, vit et travaille à Paris depuis 1987. En 1995, elle développe les « Micro-événements », un concept qui redéfinit les relations entre l’artiste, l’œuvre et le public. Ces dispositifs participatifs sollicitent l’engagement individuel, brouillant les frontières entre art et réalité tout en interrogeant les normes sociales et identitaires. En créant des expériences intimes, elle détourne les codes pour bousculer les traditions et questionner la multiplicité des identités. Son œuvre, exposée à l’international, a également marqué des manifestations majeures telles que La Force de l’art (Grand Palais, Paris, 2006 et 2009) ou la Biennale de Liverpool (2004).