Coco Fusco and Guillermo Gómez-Peña, The Year of the White Bear and Two Undiscovered Amerindians visit the West, 1992–1994, performance, Walker Art Center, Minneapolis © ADAGP, Paris, 2023
Ayant lieu le 21 janvier 2026, Latin American Histories est le troisième séminaire d’une série organisée en soutien au programme annuel de 2026 du Museu de Arte de São Paulo, consacré aux histoires latino-américaines. Cette édition, conçue en collaboration avec AWARE : Archives of Women Artists, Research & Exhibitions, rassemble des chercheur·euses, des commissaires d’exposition, des militant·es et des artistes de toute l’Amérique latine, des Caraïbes et de leurs diasporas aux États-Unis dans le cadre d’un dialogue transnational.
S’appuyant sur les cycles d’expositions Histories du MASP et les initiatives de recherche internationales menées par AWARE, telles que The Origin of Others. Rewriting Art History in the Americas, 19th Century–Today et le Programme Marie-Solanges Apollon, ce séminaire met en lumière les contributions des artistes femmes et non-binaires d’Amérique latine et des Caraïbes, en lien avec l’Atlantique Noir. Il vise à développer de nouveaux cadres d’interprétation qui reflètent la complexité et la pluralité des histoires globale de l’art, en abordant les hiérarchies de genre, de race et de classe de manière critique. Le séminaire aborde également les dynamiques transculturelles à travers les Amériques, les silences et les absences des archives, ainsi que différentes méthodologies créatives permettant de réimaginer et remettre en question les cadres dominants.
Informations pratiques
Mercredi 21 janvier 2026, de 10h30 à 18h
MASP, Avenida Paulista 1578, CEP 01310-200 São Paulo SP, Brésil
Séminaire en anglais, portugais et espagnol, traduit en langue des signes
Résumé : Dans cette présentation, je propose de questionner les tensions qui surgissent lorsque les épistémologies décoloniales sont récupérées par des institutions, notamment les musées, qui défendent plutôt un multiculturalisme libéral célébrant la différence, mais sans démanteler les relations de pouvoir coloniales. Je présenterai ensuite l’expérience des écoles féministes décoloniales mises en place par le Grupo Latinoamericano de Estudios, Formación y Acción Feminista (Groupe latino-américain d’études, de formation et d’action féministe – GLEFAS) dans différents endroits de l’Abya Yala, en tant que propositions autonomes qui concrétisent la décolonisation du savoir.
Ochy Curiel Pichardo est née en République dominicaine et réside en Colombie. Elle est militante féministe décoloniale, cofondatrice du Grupo Latinoamericano de Estudios, Formación y Acción Feminista (GLEFAS). Titulaire d’un doctorat et d’un master en anthropologie sociale de l’Université nationale de Colombie, elle enseigne dans cette même université. Elle est également autrice-compositrice-interprète. Elle a écrit de nombreux articles dans lesquels elle aborde les questions de race, de classe, de sexe, de sexualité et de nation. Parmi ses publications, on peut citer les livres suivants : La Nación Heterosexual, Análisis del Discurso jurídico y el Régimen Heterosexual desde la Antropología de la Dominación (2013) et Un Golpe de Estado: la Sentencia 168-13. Continuidades y discontinuidades del racismo en República Dominicana (2021). Elle a été invitée à intervenir lors de nombreux événements sur différents continents et a obtenu plusieurs distinctions, notamment la distinction honorifique de Sociologist for Women in Society (SWS) pour ses contributions politiques et théoriques en 2022 et pour l’excellence de son enseignement par la Faculté des sciences humaines de l’Université nationale de Colombie en 2016.
Résumé : La seconde moitié du XVIIIe siècle a vu la consolidation de ce qu’on appelait alors l’histoire naturelle, un cadre scientifique qui légitimait la hiérarchisation de l’humanité en incorporant des stéréotypes construits à partir de l’altérité. Dans cette présentation, j’analyse les idées naturalistes qui circulaient à cette époque sur l’Afrique et ses habitant.es, ainsi que sur les régions de plaine de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade, une colonie espagnole du continent américain qui englobait les territoires actuels de la Colombie, du Panama, de l’Équateur et du Venezuela. En étudiant les allégories de l’Afrique présentes dans les manuels de dessin et de peinture et les descriptions produites par les naturalistes des territoires qu’ils ont visités, cette recherche montre comment l’interaction entre la culture visuelle et l’histoire naturelle a contribué à perpétuer des images et des imaginaires préjudiciables, tant sur les corps des femmes noires que sur les territoires à population majoritairement afro-descendante dans les pays d’Amérique latine qui faisaient partie de la vice-royauté.
Angélica M. Sánchez Barona est historienne, économiste et historienne de l’art spécialisée dans l’histoire coloniale, l’histoire des arts et des cultures du XVIIIe siècle, les féminismes afro-diasporiques et l’intersectionnalité. Elle est doctorante en études africaines et afro-américaines à l’université Harvard. Elle est affiliée à l’Institut de recherche afro-latino-américain (ALARI) de Harvard et au groupe de recherche Interseccionalidades de l’association Casa Cultural El Chontaduro à Cali, en Colombie. Elle est coéditrice (avec Vergara-Figueroa et de la Fuente) du recueil Afro-Colombian Studies: Essential Readings (2025) et a publié des articles et des chapitres de livres tels que Instruments of Persuasion: Painting Manuals and the Visual Construction of Africa and Africans in the Viceroyalty of New Granada, Eighteenth Century (2024) et I Am Free, I Come to Enslave Myself! 1976 (2019). Elle est actuellement affiliée au Dumbarton Oaks Research Center, qui lui a décerné la bourse William R. Tyler pour la période 2024-2026.
Résumé : Quarante ans après la fin des dictatures militaires au Brésil et en Argentine, les pratiques de censure des œuvres d’art persistent, souvent motivées par des conflits politiques, religieux et liés au genre. Ce travail analyse des cas du XXIe siècle dans lesquels des productions artistiques ont été censurées ou ont fait l’objet de tentatives de censure pour avoir abordé les relations entre le genre et la religion catholique. Les recherches de Miklos reposent sur de l’identification d’épisodes survenus dans les deux pays et sur l’analyse comparative de leurs contextes sociaux, juridiques et institutionnels. Sa méthodologie combine une étude documentaire, une revue des débats publics et un examen des stratégies narratives employées par les artistes et les acteurs de la censure. Les résultats indiquent que, malgré la consolidation démocratique, la controverse autour des représentations du genre liées à l’imaginaire catholique reste un sujet sensible et révèle des tensions persistantes liées à la liberté d’expression, à la mémoire autoritaire et aux conflits contemporains pour la légitimité culturelle.
Aline Miklos est chercheuse et gestionnaire de programmes internationaux dans les domaines des droits humains, des droits culturels, de la justice transitionnelle et des garanties de l’État de droit. Titulaire d’un doctorat en droit et sciences sociales et d’un master en histoire de l’art de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), elle a développé sa carrière en se concentrant sur la liberté d’expression et de création artistique, la censure, les questions liées au genre et aux minorités ethniques et raciales. Outre ses activités universitaires, Aline a plus de dix ans d’expérience dans le domaine des droits humains et est actuellement coordinatrice du programme Advocacy et Garanties de l’État de droit à l’Institut Vladimir Herzog.
Résumé : La région d’Amérique centrale a longtemps été éclipsée par son histoire coloniale et son statut de cible de l’empire américain. Par conséquent, les représentations populaires de l’isthme renforcent un récit tragique et victimaire. Parallèlement, ses récits artistiques ont été exclus des canons dominants de l’histoire de l’art. Mais au-delà de cette omission, quel est le lien entre l’effacement de la créativité d’un peuple et la négation de son humanité ? Une discussion sur la colonialité visuelle ouvre la voie à une théorisation de la désobéissance visuelle comme tactique de résistance dans une région d’Amérique centrale sortie de la guerre. À travers la désobéissance visuelle, en tant que défi à la fois aux États-nations et à la colonialité visuelle, les artistes théorisent et exposent les problèmes les plus urgents de la région à l’intersection de la race, du genre, de la sexualité, de la citoyenneté et de la criminalisation. Dans ce contexte, l’accent mis sur les artistes noir.es, autochtones, non-binaires et femmes révèle à la fois des interventions épistémiques et politiques, ainsi que la possibilité d’une histoire de l’art différente.
Kency Cornejo est historienne de l’art contemporain et militante. Elle est professeure agrégée au département d’études chicanas et centraméricaines de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). Ses recherches et son enseignement portent notamment sur l’art et la culture visuelle de l’Amérique centrale et de ses diasporas, les expressions créatives au sein des mouvements sociaux anticolonialistes et antiracistes, ainsi que l’esthétique et les méthodologies décoloniales dans l’art. Son livre, Visual Disobedience: Art and Decoloniality in Central America (Duke University Press, 2024), explore trois décennies d’art et de décolonialité dans la région et a remporté le prix du livre 2025 de l’Association for the Study of the Arts of the Present (ASAP). Son travail a été soutenu par les fondations Fulbright et Ford, une bourse Andy Warhol Foundation Arts Writers Grant et une bourse National Endowment for the Humanities Faculty Award Grant. Kency Cornejo est née de parents immigrés salvadoriens et a grandi à Compton, en Californie.
Erica Moiah James est historienne de l’art, conservatrice et professeure agrégée à l’université de Miami. Elle a précédemment été directrice fondatrice et conservatrice en chef de la National Gallery of The Bahamas et professeure adjointe d’histoire de l’art et d’études afro-américaines à l’université de Yale. Ses recherches portent sur l’art autochtone, moderne et contemporain des Caraïbes, des Amériques et de la diaspora africaine. Parmi ses publications, citons Decolonizing Time: Nineteenth Century Haitian Portraiture and the Critique of Anachronism in Caribbean Art (NKA2019) ; La Luz de Cosas/’The Light of Things (El Museo2023) et « Prismatic Blackness: Art, Being and Aesthetics in the Global Caribbean » (2024) dans Image of the Black in Latin American and Caribbean Art (HarvardUP2024). Ses projets curatoriaux comprennent notamment Didier William : nou kite tout sa dèyè (MoCA-NoMi) et Nari Ward : Home of the Brave (Fondation Vilcek). Son dernier ouvrage s’intitule After Caliban : Caribbean Art in a Global Imaginary (DUP 2025).
Résumé : Ma présentation portera sur les femmes artistes afro-cubaines et les contraintes spécifiques auxquelles elles sont confrontées. Bien que je me concentre principalement sur les arts visuels, il est essentiel de reconnaître que les représentations iconiques des Cubain·es Noir·es sont d’abord apparues dans la littérature, puis ont été popularisées dans les arts du spectacle, le cinéma et le tourisme. Je décrirai les contraintes historiques et politiques qui ont influencé le traitement artistique de l’identité raciale et sexuelle à Cuba au cours des dernières décennies afin de comprendre comment la révolution a généré les paramètres d’une expression créative acceptable. Je montrerai comment la dépénalisation de la religion, les difficultés économiques qui ont commencé dans les années 1990 et l’explosion du tourisme au cours des trente dernières années ont influencé les choix artistiques des artistes afro-cubain·es en général et des femmes en particulier. Dans ma présentation, j’examinerai les œuvres d’artistes telles que Belkis Ayon, Magdalena Campos, Gertrudis Rivalta, Susana Pilar et Laura Gilbert.
Coco Fusco est une artiste et écrivaine interdisciplinaire. Elle est membre de l’Académie des arts et des lettres et professeure d’art à la Cooper Union. Fusco a reçu de nombreux prix, dont une bourse Guggenheim, une bourse United States Artists, une bourse Fulbright et un prix Herb Alpert dans le domaine des arts. Les performances et les vidéos de Fusco ont été présentées à la 56e Biennale de Venise, à Frieze Special Projects, à Basel Unlimited, à trois Biennales Whitney (2022, 2008 et 1993) et à plusieurs autres expositions internationales. Ses œuvres font partie des collections permanentes du Museum of Modern Art, de l’Art Institute of Chicago, du Walker Art Center, du Centre Pompidou, de l’Imperial War Museum et du Musée d’art contemporain de Barcelone. Fusco est l’auteure de Dangerous Moves: Performance and Politics in Cuba (2015), English is Broken Here: Notes on Cultural Fusion in the Americas (1995), The Bodies That Were Not Ours (2001) et A Field Guide for Female Interrogators (2008).
Le MASP est une institution diversifiée, inclusive et plurielle qui s’engage à favoriser les dialogues critiques et créatifs entre le passé et le présent, les cultures et les territoires, à travers les arts visuels. Le programme annuel du musée s’articule autour de histórias. En portugais, le terme histórias est délibérément ouvert, pluriel, inachevé et non totalisant, englobant des récits politiques, économiques, sociaux, personnels et fictifs. Ce cadre conceptuel structure à la fois les expositions et les programmes éducatifs et publics du MASP, y compris ses séminaires.
Les séminaires introduisent, stimulent et diffusent des discussions liées à ces axes thématiques, établissant un dialogue étroit entre la recherche curatoriale et la pratique pédagogique. Au MASP, les séminaires ont lieu un à deux ans avant une exposition, servant de plateforme précoce pour le débat public. Ils se déroulent en ligne ou en personne et sont toujours diffusés sur la chaîne YouTube du musée.
Organisé par : Amanda Carneiro, commissaire d’exposition, MASP ; André Mesquita, commissaire d’exposition, MASP ; Glaucea Helena de Britto, commissaire d’exposition adjointe, MASP ; Carolina Hernández Muñoz, chargée des réseaux internationaux, AWARE ; Nina Volz, responsable des programmes internationaux, AWARE ; avec l’aide de Bruna Fernanda, assistante curatoriale, MASP.