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Conjurer l’effacement, dépasser les icônes : (contre-)visualité des femmes d’Algérie

08.09.2018 |

Halida Boughriet, Mémoire dans l’oubli, 2010, photographie, 100 x 150 cm, © Halida Boughriet, © ADAGP, Paris

À l’occasion de l’exposition algérienne L’Art au féminin, la curatrice et historienne de l’art Nadira Laggoune exprime quelques réserves au sujet des assignations et catégorisations auxquelles les artistes femmes originaires du Maghreb doivent faire face : « L’appartenance “ethnique”, la qualité d’arabe, échappe rarement aux préjugés liés à la représentation et qui se manifestent souvent par des stéréotypes relatifs aux sempiternelles questions de la religion, des tabous sociaux, sexuels et autres succédanés actuels de l’imagerie orientaliste. […] C’est l’inquiétude de nombre d’artistes arabes d’aujourd’hui qui, se produisant en Europe ou en Occident de manière générale, craignent une perception de leurs travaux toujours entachée de curiosité exotique. Ainsi, elles revendiquent d’être considérées pour ce qu’elles font et non pas pour ce qu’elles sont1. »

Des œuvres visuelles récentes d’artistes contemporaines déplacent la représentation de la figure féminine en Algérie depuis une certaine conception historique d’un corps-objet du désir, convoité et confiné dans le sérail d’un imaginaire collectif trop redondant. Ces œuvres tentent alors de transcender le rôle de victime ou de sujet-objet en considérant les femmes algériennes en tant qu’actrices d’une histoire de l’émancipation.

Algérie, Algériennes au féminin pluriel

Lorsque Nadja Makhlouf (née en 1981) projette en 2009 de réaliser un triptyque documentaire sur la condition des femmes en Algérie, l’artiste souhaite ancrer la parole et la mise en visibilité des Algériennes en épousant un circuit topographique du territoire : depuis la Kabylie jusqu’à la capitale, puis enfin vers le désert. Elle aspire ainsi à présenter un ensemble de portraits riche d’une histoire sociale de l’« Algérie algérienne » contemporaine, dans les nuances d’une pluralité de récits particuliers centrés « sur la jeunesse, sur les femmes d’aujourd’hui […] pour décristalliser l’image qu’on pouvait avoir ici [en France]2 ».

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Nadja Makhlouf, « Zohra Slimi, née le 7 juillet 1936 à la Casbah (Alger). Couseuse de drapeaux », De l’invisible au visible, Moujadhida, Femme combattante, 2011-2014, extrait, photographies et court métrage, 60 x 80 cm, © Nadja Makhlouf

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Nadja Makhlouf, « Gylberte Sportisse, née le 17 septembre 1936 à Alger. Militante communiste algéroise », De l’invisible au visible, Moujadhida, Femme combattante, 2012-2014, extrait, photographies et court métrage, 60 x 80 cm, © Nadja Makhlouf

Dans un premier projet de documentaire filmé, consacré à trois générations de femmes en Kabylie3, pensé initialement sous forme de fiction, elle récolte finalement la parole brute, les témoignages des expériences, mais aussi très rapidement les portraits photographiques de plusieurs femmes kabyles, qu’elle légende, car « les gens ont besoin de savoir qui ils ont en face d’eux et ce qu’elles font ». De ce premier volet, finalement composé d’une série de photographies titrée Femmes fatales (2011) et du film Allah Ghaleb, découlera un second, dédié originellement aux Algéroises, qui vivent dans ce lieu central du politique. Mais la rencontre avec certaines Kabyles, la lecture des sources socio-historiques sur la guerre d’indépendance – où les combattantes semblent mises à l’index4 – et la confrontation aux images de « femmes fantasmées par la photographie coloniale5 » font naître la série photographique De l’invisible au visible. Moudjahida, femme combattante (2011-2014) et poussent l’artiste à basculer du médium vidéo vers la photographie6. Le principe de cette série obéit à une temporalité plurielle : l’artiste réalise un diptyque en récoltant une image archive personnelle de chacune de ces femmes pendant la guerre d’indépendance, qu’elle confronte à un portrait photographique capturé au moment de leur rencontre. Ces deux images, séparées par cinq décennies, rendent compte d’engagements individuels, explicités par des notices biographiques insérées dans le dispositif et ancrés depuis la guerre de libération nationale jusqu’à l’histoire sociale des femmes au temps présent. Au-delà des hiérarchies implicites imposées par les constructions historiographiques, N. Makhlouf recueille la parole et le témoignage de femmes actives pendant la révolution, à des échelles diverses, et dont beaucoup sont restées dans l’anonymat. Les parcours de ces femmes – infirmière, dactylo, poseuse de bombes, manifestante, psychologue, gynécologue… – semblent dessiner d’autres récits visuels et populaires tout en en citant et en en réintégrant certaines, oubliées de la grande histoire. Au cours de cette collecte, N. Makhlouf, qui voulait initialement centrer son projet sur des « Algériennes algériennes », se retrouve rapidement confrontée à des moudjahidate (combattantes) aux identités plurielles, qui élargissent et débordent le cadre de son postulat de départ, attestant une internationalisation du mouvement de libération sous l’angle du féminin : « Je découvrais que ces femmes n’étaient pas que des Algériennes… Mais des Françaises, des Suisses, des Espagnoles… et qu’elles étaient de toutes les confessions7. » Entrer dans le corps des récits, nommer et situer au passé et au présent, saisir des corps dans l’espace noir et blanc de la photographie déplacent certains archétypes persistants au profit d’une pluralité de figures particulières qui désoriente et enrichit la macro-histoire. Cette série photographique de N. Makhlouf a été exposée en 2013 avec les portraits d’Algériennes réalisés par Marc Garanger en 1960 ; elle semble esquisser une contre-proposition à ces images de femmes dévoilées de force par l’armée française, en insérant dans l’espace public ces « photobiographies » d’actrices de l’indépendance. M. Garanger était, entre mars 1960 et février 1962, un jeune photographe français appelé sur le front algérien, où il a pris pour l’armée française des portraits de la population civile « indigène », en vue de l’établissement de cartes d’identité8. Lors de cet exercice, M. Garanger a dû obliger les femmes à se dévoiler, et a capturé des portraits intimes, « à la volée », de chacune d’elles. Les regards noirs de certaines d’entre elles face au photographe-soldat en disent long sur le rapport de domination coloniale, et il semble poindre, au fond de leurs yeux braqués sur l’objectif, la flamme d’une révolte interne. Le succès de ces clichés, à la faveur de multiples publications (dans la presse et dans l’édition)9 et de nombreuses expositions, a alors permis de les considérer comme une référence de l’iconographie des femmes algériennes. Cette accession à la postérité se traduit par l’inscription de ces photographies dans la mémoire collective internationale et a notamment abouti à la reprise de ces images par d’autres artistes, dont une série de portraits peints par Dalila Dalléas Bouzar.

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Dalila Dalléas Bouzar, Princesse 4, 2015-2016, huile sur toile, 50 x 40 cm, © Dalila Dalléas Bouzar

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Dalila Dalléas Bouzar, Princesse 7, 2015-2016, huile sur toile, 50 x 40 cm, © Dalila Dalléas Bouzar

Au-delà des icônes, transgresser la persistance d’une iconographie

En 2015, Dalila Dalléas Bouzar (née en 1974) se réapproprie les photographies de M. Garanger et réalise la série Princesse, réinterprétation sous forme de portraits à l’huile sur toile. Dans ce travail, l’artiste veut à la fois « rendre hommage » à ces femmes et les « sortir du rôle de victime10 » en les figurant sur un fond noir duquel surgissent les contours de leurs visages, parfois tatoués et ornementés d’une parure richement dorée. Ces princesses, femmes puissantes, sorties de la situation d’oppression coloniale depuis laquelle les photographies les avaient saisies, sont pour la peintre un espace artistique dont le contexte historique est réagencé au fil de la pensée de la philosophe Hannah Arendt – à laquelle elle se réfère dans une note d’intention liée à l’œuvre11 – en un lieu d’histoire visuelle renouvelée et enracinée dans lequel l’artiste peut « se penser » au présent. Mettant à distance la violence des circonstances dans lesquelles ont été pris ces clichés, elle magnifie et détourne ces effigies en redonnant leur dignité à ces femmes dévoilées de force, qui visent désormais le regardeur ou la regardeuse depuis la hauteur de ces nouveaux portraits en majesté.

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Halida Boughriet, Mémoire dans l’oubli, 2010, photographie, 150 x 100 cm, © Halida Boughriet

En 2012, à l’occasion du cinquantenaire des accords d’Évian, l’Institut des cultures d’Islam, à Paris, expose une série de photographies de Halida Boughriet (née en 1980) intitulée Mémoires dans l’oubli (2011). Cette série utilise également le principe du détournement. Le référent esthétique orientaliste de l’odalisque est alors déconstruit pour transformer le corps-objet de l’imaginaire colonial en sujet social actif et revendicatif. Des anciennes moudjahidate sont photographiées assoupies sur le sofa d’un salon contemporain de style oriental. Ces femmes âgées, montrées dans le confinement d’un intérieur domestique, conservent un savoir mémoriel dont la présence est matérialisée par la lumière nimbant les contours de leurs visages. Elles semblent ici dans l’attente d’être animées avant que le temps n’enferme à tout jamais une parole restée dans l’antichambre de l’histoire. Le poids du regard artistique masculin construit en période coloniale a fixé dans une position lascive ces femmes algériennes, assignées tout à la fois à une métonymie d’un territoire à conquérir, au confinement et au silence par la négation sur le long terme de leur accès même à la parole et de leur engagement dans le monde social12. Dans ces œuvres, l’esthétique orientaliste et le référent colonial attachés à la figure féminine algérienne semblent nécessaires à exorciser pour entrer dans l’histoire sociale du pays à travers des figures de passeuses de témoin, d’admonitrices, silenciées.

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Zineb Sedira, Gardiennes d’images (détail), 2010, installation vidéo, production Sam Art Project, dépôt du Centre national des arts plastiques au musée national d’Art moderne – Centre Pompidou, ©  Zineb Sedira, © ADAGP, Paris, © Cnap, © Photo : André Morin

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Marwa Arsanios, Have You Ever Killed a Bear? Or Becoming Jamila, 2013-2014, captures d’écran, vidéo HD, 25 min, © Marwa Arsanios

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Marwa Arsanios, Have You Ever Killed a Bear? Or Becoming Jamila, 2013-2014, captures d’écran, vidéo HD, 25 min, © Marwa Arsanios

Une autre pièce de 2011, réalisée par Zineb Sedira (née en 1963), fait resurgir les clichés oubliés du photographe algérien Mohamed Kouaci, qui offrent pourtant les rares représentations de femmes en tenue militaire dans les maquis. Cette installation vidéo intitulée Gardiennes d’images révèle le travail de Safia Kouaci, veuve et collaboratrice du photographe, qui conserve méthodiquement les archives visuelles de son mari, que les institutions algériennes, au moment de la réalisation de ce témoignage oral filmé, semblent ignorer. L’artiste, elle-même « gardienne d’images », dans ce processus de révélation d’archives absentes de la mémoire collective, retrace une histoire visuelle du pays duquel émergent les visages de trois des icônes révolutionnaires féminines : Zohra Drif, Djamila Bouhired et Baya Hocine. L’histoire officielle a en effet fait émerger les visages de certaines militantes (poseuses de bombes, agentes de liaison du FLN…), dont les portraits avaient été diffusés dans les médias, lors de leurs arrestations et de leurs procès, mais aussi au travers d’œuvres d’artistes du monde entier engagé·e·s pour leur libération (Pablo Picasso, Inji Efflatoun, Robert Lapoujade…). La notoriété internationale de certaines, dont Djamila Bouhired, les a dès lors propulsées au rang d’icônes révolutionnaires et a perduré dans la représentation cinématographique du conflit (notamment dans les films Djamila l’Algérienne de Youssef Chahine en 1958 et La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo en 1966). C’est in fine à partir de ces sources cinématographiques que des artistes contemporaines réinterrogent aujourd’hui directement la construction des icônes féminines révolutionnaires dans le monde arabe et le statut social des femmes. Dans la vidéo Have You Ever Killed a Bear? Or Becoming Jamila (2014)13, l’artiste Marwa Arsanios (née en 1978) questionne les processus d’iconisation de la femme combattante et met en tension la part de fiction, de réinterprétation et de réel à partir desquels l’histoire de ces femmes et les mémoires collectives se constituent. En rejouant les scènes de La Bataille d’Alger de G. Pontecorvo, auxquelles elle mêle la circulation des images des femmes révolutionnaires dans le monde arabe, M. Arsanios entremêle récits, dialogues et témoignages fictifs et réels. Becoming Jamila devient dès lors un concept critique, incarné par l’artiste en Jamila qui déjoue l’histoire d’une iconisation, où le terme « Jamila » se substitue à toutes les autres nominations individuelles au profit d’une construction politique maîtrisée. Les modèles de résistance féminine révolutionnaire dans le monde arabe sont mis alors à distance pour être interrogés et pour que l’on puisse se les réapproprier au présent, au-delà des instrumentalisations.

En 1957, Frantz Fanon écrivait : « Et d’abord le fameux statut de l’Algérienne. Sa prétendue claustration, sa radicale mise à l’écart, son humilité, son existence silencieuse confinant à une quasi-absence. […] De telles affirmations, éclairées par des “travaux scientifiques” reçoivent aujourd’hui la seule contestation valable : l’expérience révolutionnaire14 . »

Il est somme toute troublant que le constat formulé par Fanon résonne encore chez ces artistes femmes qui affirment l’impétueuse nécessité de construire d’autres incarnations visuelles et sociales des femmes algériennes pour conjurer la violence du silence et déconstruire le fardeau d’une iconographie chargée d’une oppression historique et politique. Ces réagencements artistiques ouvrent ainsi des fragments critiques, rappelant que les représentations équivoques du féminin dans les arts visuels persistent consciemment à interroger les assignations faites à un « sexe faible » trop longtemps assujetti par l’image et effacé de la grande histoire des hommes.

 

Émilie Goudal est historienne de l’art et auteure d’une thèse à paraître, fin 2018, aux Presses du réel, sous le titre Des damné(e)s de l’histoire. Les arts visuels face à la guerre d’Algérie. Membre du collectif « Globalisation, art et prospective » (GAP-INHA), elle est actuellement boursière de la Gerda Henkel Stiftung/LabexMed au Centre Norbert Elias (EHESS-CNRS), à Marseille. Ses recherches portent sur les interpénétrations entre art, histoire, politique et enjeux de mémoire (Allemagne, Algérie, France), mais aussi sur l’écriture critique de l’histoire de l’art en France depuis le contexte de la décolonisation. Elle a publié plusieurs articles sur ces sujets, dont « Frantz Fanon iconique ? Pensées à voir, l’Algérie de Fanon dans les arts visuels », paru dans la revue Perspective, 2017/2, p. 211-220.

1
Laggoune Nadira, « Le genre de l’art », dans L’Art au féminin, cat. expo., musée public national d’Art moderne et contemporain (MAMA), Alger, 3 février-2 mars 2008, Alger, Barzakh, 2008, p. 95-93, ici p. 95.

2
Nadja Makhlouf, entretien inédit, Paris, mars 2018.

3
Nadja Makhlouf, Allah Ghaleb, « On n’y peut rien », 2011, vidéo, 42 min, premier volet de la trilogie Algérie, Algériennes, toujours en cours.

4
Notons qu’il aura fallu attendre la fin des années 1980 et les travaux de Djamila Amrane pour voir poindre les premières études historiques consacrées à l’engagement des femmes dans la révolution algérienne ; voir sur ce sujet Amrane Djamila, Les Femmes algériennes dans la guerre, Paris, Plon, 1991 ; Taleb Ibrahimi Khaoula, « Les Algériennes et la guerre de libération nationale. L’émergence des femmes dans l’espace public et politique au cours de la guerre et l’après-guerre », dans Harbi Mohammed et Stora Benjamin (dir.), La Guerre d’Algérie (2004), Paris, Hachette Littératures, 2007, p. 281-323 ; El Korso Malika, « Nos héroïnes oubliées », dans le livret de l’exposition El Moudjahidate, nos héroïnes, Alger, MAMA, 2014, s. p.

5
Nadja Makhlouf, entretien inédit, Paris, mars 2018. L’artiste se réfère alors aux travaux de Taraud Christelle, Mauresques. Femmes orientales dans la photographie coloniale, 1860-1910, Paris, Albin Michel, 2003. Sur ce thème, on peut citer, entre autres, la publication d’Alloula Malek, Le Harem colonial. Images d’un sous-érotisme, Paris, Garance, Genève, Slatkine, 1981.

6
Une quinzaine de portraits sont présentés pour la première fois en 2013 à l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (IREMMO), à Paris, et remarqués par la direction du musée d’Art moderne d’Alger, qui lui commande et finance la réalisation de quinze autres portraits pour une exposition commémorative des 50 ans du déclenchement de la guerre de libération nationale. Cette série photographique est enfin complétée par un court-métrage, Une moudjahida, une femme combattante (2014, vidéo noir et blanc, 15 min), consacré à la militante communiste Gilberte Sportisse.

7
Makhlouf Nadja, « De l’invisible au visible. Moudjahida, femme combattante », dans El Moudjahidate, nos héroïnes, op. cit.

8
Sur l’évolution juridique de la citoyenneté des « indigènes », voir Weil Patrick, « Le statut des musulmans en Algérie coloniale. Une nationalité française dénaturée », Histoire de la justice, 2005, vol. 16, no 1, p. 93-109.

9
Quelques photos sont publiées dès 1961 dans L’Illustré suisse (équivalent helvétique de Paris Match), et la série remporte, après un recadrage des portraits, le prix Niépce en 1966 pour ces clichés. En 1982, un ouvrage intitulé Femmes algériennes 1960 est alors l’occasion pour Marc Garanger d’écrire dans sa préface : « J’ai reçu leur regard à bout portant, premier témoin de leur protestation muette, violente. Je veux leur rendre hommage[8] » (Femmes algériennes 1960, Paris, Contrejour, 1982, p. 3).

10
Dalila Dalléas Bouzar, « Princesse », www.daliladalleas.com/neu/files/Princesse_fr.pdf.

11
« J’aimerais citer une phrase d’Hannah Arendt tirée du livre “responsabilité et jugement”. “Penser et se souvenir est la manière humaine d’établir des racines, de prendre sa place dans un monde où nous arrivons tous tels des étrangers.” En pensant je ne peux m’empêcher de me souvenir. Me souvenir de ce que j’ai hérité. De l’histoire. Une histoire que je n’ai pas vécue mais qui pourtant me fait me penser. » (Dalila Dalléas Bouzar, « Princesse », op. cit.)

12
Le pendant masculin de cette série montre quant à lui des hommes présentés dans le dénuement au présent d’un espace intérieur vidé de référence à l’orientalisme – plus volontiers associé à la figure féminine – mais plus encore exempt de matérialité où seul le corps, marqué par les années qui s’égrainent, conserve la mémoire de ce qui fut.

13
L’auteure tient à remercier Océane Azeau de lui avoir signalé cette œuvre.

14
Frantz Fanon, « Les femmes dans la révolution », publié dans Résistance algérienne du 16 mai 1957 et réédité dans L’An V de la révolution algérienne (1959), Paris, La Découverte, 2001, p. 48-50, ici p. 49.

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Pour citer cet article :
Emilie Goudal, « Conjurer l’effacement, dépasser les icônes : (contre-)visualité des femmes d’Algérie » in Archives of Women Artists, Research and Exhibitions magazine, [En ligne], mis en ligne le 8 septembre 2018, consulté le 19 avril 2024. URL : https://awarewomenartists.com/magazine/conjurer-leffacement-depasser-les-icones-contre-visualite-des-femmes-dalgerie/.

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