Witch TV est une journée d’études artistique et scientifique qui a déjoué les contraintes sanitaires en se muant en un programme vidéo. Elle est le fruit de la rencontre entre un programme de recherche en art à l’ESAD TALM-Angers, l’exposition Possédé‧e‧s au MO.CO. Montpellier, et l’association AWARE : Archives of Women Artists, Research & Exhibitions.
Witch TV vise à réunir des artistes et théoricien·ne·s témoignant de l’histoire de la répression de la sorcellerie du Moyen Âge à l’époque moderne, des usages de l’histoire dans l’art des années 1970 et des nouvelles questions qu’elle pose à l’art d’aujourd’hui.
Le rapprochement entre l’imaginaire pré-moderne et des mouvements engagés dans l’anticapitalisme, le féminisme et l’écologie est à la fois nouveau et ancien. Nouveau, car, dans les années 1990-2000, l’interprétation politique du Moyen Âge semblait une prérogative des mouvements conservateurs, qui communiaient autour de Jeanne d’Arc et des « racines chrétiennes de l’Europe », en revendiquant un usage exclusif d’une certaine nostalgie de la féodalité. C’est un autre Moyen Âge qui est invoqué aujourd’hui dans les mouvements autonomes de gauche : multiculturel, pré-capitaliste, écologique, donnant plus de place aux femmes dans la société. Il s’approprie la soigneuse et herboriste, devenue sorcière opprimée à l’époque moderne. Des artistes décloisonnent l’art du domaine autonome dans lequel la modernité l’a isolé, et renouent avec une approche vernaculaire et pré-moderne de l’art où l’artiste est moins un génie supérieur qu’un guérisseur des maux de leur temps.
Phénomène ancien, il date aussi de la réappropriation des sorcières par le mouvement féministe, du groupe W.I.T.C.H. (Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell) à New York en 1968, à la revue Sorcières en France à partir de 1975, et les échos importants de la figure de la sorcière dans l’art féministe de cette époque.
Présentation : Clovis Maillet
Épisode 1
– Fabienne Dumont, historienne de l’art, professeure d’histoire et théorie des arts à l’ENSA Nancy, autrice de Des sorcières comme les autres. Artistes et féministes dans la France des années 1970.
– Myriam Mihindou, artiste.
Épisode 2
– Maxime Perbellini, doctorant à l’EHESS, dont la thèse porte le titre Construire l’image de la sorcière en Occident à la fin du Moyen Âge. Études des représentations de la circulation des savoirs et des imaginaires autour de la figure ambiguë (XIIIe-XVe siècles).
– Pauline Curnier Jardin, artiste.
Épisode 3
– Silvia Federici, philosophe, autrice de Caliban et la sorcière, femmes, corps et accumulation primitive [Caliban and the witch : women, the body and primitive accumulation, Brooklyn, NY, Autonomedia, 2004].
– Suzanne Husky, artiste.
Le programme de la WITCH TV comprendra également la diffusion de deux vidéos d’artistes, sur le Youtube du MO.CO :
– Pauline Curnier Jardin, Qu’un sang impur, 2019
La vidéo Qu’un sang impur (2019) – remake du film Un chant d’amour (1950) de Jean Genet – met en scène un groupe de femmes ménopausées. Au contact de jeunes hommes, leur désir sexuel réapparaît, provoquant le retour de leur cycle menstruel. Cette attirance les pousse à commettre une série de crimes, mélangeant leur sang à celui de leurs victimes. S’engage alors un jeu érotique, une transe où l’exploration de leur sexualité crée une atmosphère d’envoûtement, aboutissant à un grand final qui n’est pas sans évoquer les scènes de sabbat où les femmes pouvaient enfin se libérer des préjugés du corps social.
– Laura Gozlan, Y.E.S. I, MUM please ; Y.E.S. II, I am a necromantic, Y.E.S. III, Ptomaïne, 2019
Dans la série de vidéos qui forment Youth Enhancement Systems®, Gozlan aborde la peur du vieillissement en tant qu’injonction tenace dans nos sociétés contemporaines. Les vidéos mettent en scène l’artiste dans la peau d’une femme au foyer. En quête d’une cure d’immortalité, elle fume des morceaux de momies séchées afin d’en absorber la puissance magique.
Le programme a été organisé par Clovis Maillet (ESAD TALM-Angers), Matylda Taszycka et Marie Chênel (AWARE : Archives of Women Artists, Research & Exhibitions), et Vincent Honoré, Anya Harrison et Caroline Chabrand (MO.CO. Montpellier). Le montage et la direction artistique de l’émission sont de l’artiste Quentin Goujout. Witch TV a bénéficié du mécénat de Catherine Petitgas.