Rita Bernini, « Laura Piranesi incise : A Woman Printmaker Following in her Father’s Footsteps », dans Cristina S. Martinez et Cynthia E. Roman (dir.), Female Printmakers, Printsellers, and Print Publishers in the Eighteenth Century : The Imprint of Women, c. 1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2024
→John Wilton-Ely, Piranesi: Catalogue of the Exhibition at Hayward Gallery, Londres, Arts Council of Great Britain, 1978
→A. M. Hind, « Laura Piranesi », The Burlington Magazine for Connoisseurs, vol. 43, no 246, 1923, p. 140
Making Her Mark: A History of Women Artists in Europe 1400-1800, Baltimore Museum of Art, Baltimore, octobre 2023-janvier 2024 ; Art Gallery of Ontario, Toronto, mars-juillet 2024
→Piranesi, Hayward Gallery, Londres, avril-juin 1978
Italian etcher.
Depuis le XVIIIe siècle, le patronyme Piranèse est synonyme de la ville de Rome et de l’économie artistique du Grand Tour. Malgré cette réputation, le nom de Laura Piranèse reste relativement méconnu, même parmi les spécialistes. Les femmes du passé se sont engagées à tous les niveaux et dans tous les aspects du marché de l’art, mais leurs contributions ont été ombragées ou délibérément marginalisées par des systèmes patriarcaux qui célébraient le génie individuel au détriment des pratiques de travail collaboratives. À bien des égards, la biographie de L. Piranèse peut ainsi être lue comme un exemple de la manière dont les vies et les contributions des artistes femmes ont été oubliées par l’histoire au sein de ces systèmes, et dont l’œuvre a été cachée derrière le nom d’un parent masculin réputé et le travail collectif d’un atelier, limitant leur apport aux contraintes du mariage et d’un décès prématuré.
Laura Maria Gertrude Piranèse est la fille aînée du célèbre graveur Giovanni Battista Piranesi (1720-1778) et d’Angela Pasquini. Des chercheuses comme Heather Hyde Minor et Rita Bernini ont travaillé dans les années 2020 à localiser ses traces dans les archives, en complément de maigres informations biographiques publiées sur l’artiste. À la fin des années 1760 et dans les années 1770, quand L. Piranèse se forme comme artiste, l’atelier familial s’appuie fortement sur le commerce de souvenirs de luxe à destination des pratiquants du Grand Tour de passage à Rome, proposant à la vente des estampes ainsi que des fragments antiques et des copies classiques. En 2024, vingt et une vues des monuments de Rome sont attribuées à la main de L. Piranèse, chacune à peine plus grande qu’une carte postale, ne mesurant pas plus d’environ 20 centimètres de large. Ces « portraits architecturaux » gravés à main levée témoignent de son style singulier tout en capitalisant sur le genre pour lequel sa famille est alors surtout réputée.
L. Piranèse se forme probablement auprès de son père, qui a peut-être eu l’idée d’enseigner à sa fille après sa rencontre avec la jeune Angelica Kauffmann (1741-1807). Piranèse père forme en effet la prometteuse artiste suisse lors de son séjour à Rome. L. Piranèse est distinguée par des sources anciennes pour son talent, et elle semble être la seule des sœurs Piranèse à maîtriser l’eau-forte. Ce sont les frères Pietro et Francesco qui dirigent l’atelier après la mort du père, mais tous les enfants Piranèse contribuent à l’entreprise familiale. Bien qu’elle entre au couvent dans sa jeunesse, la sœur cadette de Laura, sœur Maria Agnese Piranèse, écrit au nom de sa famille à la cour royale suédoise, remerciant l’antiquaire du roi pour le soutien de la monarchie.
Hériter d’un époux ou d’un membre de la famille est à l’époque l’un des principaux moyens pour les femmes d’obtenir un pouvoir professionnel et de prendre la tête d’ateliers familiaux. À la fin du XVIIIe siècle, la loi italienne stipule que, malgré l’aînesse et l’expérience de L. Piranèse, l’entreprise doit revenir à son frère cadet, Francesco. En l’espace d’un mois après la mort de leur père, celui-ci orchestre le mariage de Laura avec Josef Anton Schwerzmann. Aucune source n’a été retrouvée permettant d’indiquer que L. Piranèse continue la gravure après son mariage. De précédentes recherches sur l’artiste ont avancé l’hypothèse que sa mort aurait pu survenir entre 1785 au plus tôt et jusque après 1799, lorsque des membres de sa famille s’installent à Paris. De récentes découvertes en archives ont finalement documenté que la mort de la jeune artiste et mère était survenue en 1789, du fait d’une maladie non précisée, à l’âge de seulement trente-cinq ans.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Rééclairer le siècle des Lumières : Artistes femmes du XVIIIème siècle »
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2024