Bonfanti, Elvira, Il corpo intelligente: Giannina Censi [Le corps intelligent : Giannina Censi], Turin, Il Segnalibro, 1995
Giannina Censi, danzare il futurismo, Museo di arte moderna e contemporanea di Trento e Rovereto, Rovereto, 4 septembre 1997 – 5 mars 1998
Danseuse italienne.
Première et unique incarnation des aérodanses futuristes, Giannina Censi est née l’année où sa tante Rosina Ferrari obtient sa licence de première femme aviatrice d’Italie. Elle volera avec elle. Après une formation en danse classique à Paris, G. Censi revient à Milan où son père, musicien et ami de Filippo Tommaso Marinetti, initie leur rencontre. Elle lui dit qu’elle veut révolutionner la danse. La conjonction entre danse et aviation le séduit, elle est en résonance avec son Manifeste de la danse futuriste de 1917 en attente d’un renouveau. F. T. Marinetti l’intègre dans la tournée théâtrale futuriste Simultanina, du 28 mai au 16 juin 1931. Il lui propose d’inventer une danse pour son poème « A mille metri su Adrianopoli bombardata » [À mille mètres au-dessus d’Adrianopoli bombardée]. Il l’encourage à voler avec le pilote acrobatique Mario de Bernardi pour éprouver les sensations fortes des voltiges dangereuses. « Dans mes danses, j’ai exprimé à travers mon corps ce que M. de Bernardi a exprimé avec son avion », disait-elle. C’est cette puissante et redoutable expérience du réel qui forge la précision et l’acuité de ses aérodanses à la Galleria Pesaro de Milan, le 31 octobre 1931. Danses qu’elle poursuit lors des soirées d’ouverture d’autres expositions futuristes, toujours exécutées sans musique avec pour seul accompagnement les sons syllabiques, les cris, les chuchotements et les trilles vocaux comme les « vrumfv » et « sumf » des aéropoèmes motlibristes de F. T. Marinetti, et en 1932 de Bruno Sanzin et de Nino Burrasca.
Elle danse également avec les paysages vertigineux et aériens des aéropeintures d’Enrico Prampolini qui est aussi le concepteur de son maillot d’aviatrice aux reflets aluminium. L’aérodanse qu’elle invente devient une source d’inspiration pour nombre de poètes futuristes qui commencent à écrire pour elle. Tullio Crali fait de ses danses le sujet d’une série d’aéropeintures et d’aérosculptures. Elle enrichit l’imaginaire machinique du futurisme d’un nouvel éventail féminin et simultané de sensations, formes, gestes et sonorités. L’élégance de ses mouvements angulaires ou asymétriques s’origine dans les chorégraphies de Jia Ruskaja, prêtresse de la modernité lancée sur la scène futuriste par Anton Giulio Bragaglia en 1921. C’est avec elle qu’elle fait ses premières apparitions au Teatro Licinum d’Erba en 1929. Dès 1932, elle s’occupe de la fondation de sa propre école pour une danse pensée comme art d’élévation de l’âme féminine avec des exigences à la fois esthétiques et psychiques, une autre correspondance avec les idées de sa lointaine mentore.
Publication en partenariat avec le Centre Pompidou, dans le cadre de l’exposition Elles font l’abstraction présentée au Centre Pompidou, musée national d’Art moderne, galerie 1, Paris, du 5 mai au 23 août 2021, sous le commissariat de Christine Macel et de Karolina Ziebinska-Lewandowska (pour la photographie), assistées de Laure Chauvelot. Notice tirée du catalogue de l’exposition publié par les éditions du Centre Pompidou © Éditions du Centre Pompidou, 2021