Reinventing Image-Making, cat. exp., Musée de la photographie, Tokyo, 9 août – 10 octobre 2022, Tokyo, Musée de la photographie, 2022
→Keiko Kimoto, Shigeki Tsuji, Kazuyuki Aihara, « Bifurcations des systèmes dynamiques non linéaires et art en image vidéo », Ridai Kagaku Forum: Tōkyō Rika Daigaku Kagaku Kyōyō Zasshi [Revue scientifique et pédagogique de l’Université des sciences de Tokyo (TUS) : Forum scientifique de TUS], vol. 27(7), 2010, pp. 9-114
→Keiko Kimoto, Imaginary . Numbers, Tokyo, Kōsakusha, 2003
Keiko Kimoto, Velvet Order, Shouun Oriental Art, Tokyo, 30 juin – 11 juillet 2015
→Keiko Kimoto, dimension rendez-vous, art space kimura ASK?, Tokyo, 17-26 mars 2011
→Imaginary . Numbers, Mika Gallery / Tokyo Art Projects Inc, New York, 2004
Créatrice japonaise d’images numériques.
Keiko Kimoto étudie le design textile à l’Université des beaux-arts Tama avant de commencer une carrière de graphiste. C’est dans le cadre de ses activités professionnelles qu’elle découvre le Macintosh 128 d’Apple en 1986. Ayant toujours aimé dessiner, K. Kimoto cherche à effacer sa propre expression au profit des formes physiques à représenter. Pressentant tout le potentiel arithmétique de l’informatique pour générer de l’iconographie, elle se lance dans la création assistée par ordinateur en appliquant en autodidacte les méthodes mathématiques. En 1990, elle maîtrise les langages de programmation PostScript et C, et dès 1997, elle explore les langages dynamiques. Sa série Imaginary . Numbers, créée au début des années 2000, et qui donne lieu à une publication du même nom en 2003, fait connaître K. Kimoto en tant qu’artiste multimédia. On y voit des courbes et des spirales telles qu’elles existent dans la nature, et qui ont été générées par un ordinateur qui répète le calcul mathématique d’un système dynamique non linéaire. À la fois abstraits et organiques, les dessins et les formes engendrées sont uniquement en noir et blanc ; aucun son n’accompagne les images, conférant à l’œuvre un aspect minimaliste. Pourtant, il en ressort également quelque chose de charmant et de sensuel. Le titre fait référence aux nombres imaginaires chers aux mathématiciens, mais K. Kimoto choisi de placer un point (.) entre les deux termes pour les relier dans une interprétation qui suggère l’imaginaire et la fantaisie.
Selon K. Kimoto, son œuvre ne présente pas des objets en mouvement, mais un espace qui se transforme, c’est-à-dire un milieu dynamique. Dans son processus de création, l’artiste tombe par hasard sur des formes inattendues qui ont été générées par les calculs informatiques, pourtant fondés sur des règles et des principes mathématiques rationnels. Elle en sélectionne certaines avec son regard d’esthète et les ajuste, pixel par pixel, pour créer l’œuvre finale.
En 2006, K. Kimoto reçoit le Grand Prix du 10e Festival des arts médiatiques du Japon dans la catégorie « art ». Son travail retient l’attention de la communauté des sciences non linéaires, ce qui l’amène à participer aux projets de modélisation mathématique des systèmes complexes Aihara (2005-2008) et des systèmes avancés (2010-2013). L’installation Ambiguous Green présentée au NTT InterCommunication Center sur une longue période entre 2008 et 2009 consiste en une reprise de Imaginary . Numbers, combiné à de multiples modèles de vibration générés à partir d’une même formule, pour créer une expérience de mouvement en temps réel. Les formes et les rythmes en constante évolution ainsi produits rappellent ceux de la vie et s’apparentent à la diversité présente dans la nature. En outre, les données accumulées au fil du temps entrainent K. Kimoto en 2010 vers une création organique de couches superposées. Parallèlement, elle travaille à imprimer ses œuvres sur des matériaux en 3D, qu’il s’agisse de textiles ou de verres en cristal, ainsi qu’en témoignent les expositions Velvet Order en 2010 et dimension rendez-vous en 2011. Lors du festival Kenpoku Art de 2016 à Ibaraki, elle allie numérique et analogique en imprimant, d’une part, des images générées par ordinateur sur des papiers japonais washi, de grains et de textures très différentes, et dont elle rehausse les contours avec des pigments minéraux utilisés dans la peinture de style japonais (nihonga), et d’autre part, en diffusant simultanément la vidéo des images générées sur un autre site, à savoir le planétarium du musée des sciences. À la fin des années 2010, elle quitte Tokyo pour retrouver Hiroshima, pays où elle est née et où elle a grandi, et s’installe près de la mer où le contact avec la nature l’incite à réaliser des lavis à l’encre de Chine.
Partie d’une quête d’expression physique et tactile, au terme d’un quart de siècle consacré au numérique, elle parvient à une création qui combine numérique et analogique, pour finalement arriver à des œuvres purement analogiques. L’expérience qui la fait explorer les formes sous l’angle des mathématiques à travers l’informatique se prolonge ainsi avec brio dans l’analogique dans un style dont elle seule a le secret. En effet, tout au long de sa carrière, K. Kimoto n’a eu de cesse d’étudier « l’ordre sauvage », ainsi qu’elle appelle les règles qui régissent l’espace et la nature, et son passage à l’analogique n’y a rien changé. Sa vision est restée la même, cohérente d’un bout à l’autre : l’important est moins ce qui est visible que les frontières invisibles, et ce sont les liens tissés entre ces éléments qui forgent notre univers, qu’il soit numérique ou analogique. En ce sens, elle mérite d’être qualifiée d’« artiste » tout court, plutôt que d’« artiste numérique ».