Fischer Carl, Lorenza Böttner: Capitalist Success and (Queer) Failure in Chile’s Dictatorship, University of California, 2012
Lorenza Böttner: Requiem for the Norm, La Virreina Centre de la Imatge, Barcelone ; Württembergischer Kunstverein, Stuttgart, 2018-2019
Performeuse, peintre et sculptrice chilienne-allemande.
L’artiste Lorenza Böttner dessinait et sculptait avec sa bouche et ses pieds. Son parcours aux multiples facettes fait également la part belle à la photographie, à la performance et à l’installation. L. Böttner voit le jour au sein d’une famille d’origine allemande au Chili, le 6 mars 1959, et reçoit à la naissance les prénoms d’Ernst Lorenz. À l’âge de 8 ans, Ernst est victime d’un accident, à la poursuite d’un oiseau l’enfant est électrocuté par un poteau électrique, et doit être amputé des deux bras. Pendant son adolescence, sa mère, Irene, l’emmène en Allemagne afin de bénéficier de soins et d’une rééducation de meilleure qualité. Ernst refuse cependant toute prothèse, se rebaptise « Lorenza » et se met à peindre et à sculpter en se servant principalement de ses mains et de ses pieds. La plupart de ses œuvres restent sans titre, mais Face Art (1983) et Das Männergesicht [Le visage des hommes, 1988] comptent parmi les plus importantes.
L. Böttner devient également une figure de la scène Negerhalle à Munich, au sein de laquelle elle crée des performances. Elle gagne sa vie en exécutant des cartes de Noël vendues par la Vereinigung der mund- und fussmalenden Künstler (VDMFK, Association allemande des artistes peignant de la bouche et du pied). L. Böttner fait des études d’arts plastiques à l’Universität Kassel (Cassel) et s’inscrit également en master d’arts plastiques à la New York University, où elle réalise une performance mémorable sous les traits de la Vénus de Milo. Lors de son séjour aux États-Unis, elle pose pour le photographe Joel-Peter Witkin (né en 1939) dans son cliché Bacchus Amelus, New Mexico (1986) et travaille avec le collectif de performance OmniCircus à San Francisco. De retour en Europe, elle sert de modèle pour Petra, la mascotte des Jeux paralympiques de Barcelone en 1992, dessinée par l’artiste Javier Mariscal (né en 1950). Michael Stahlberg la filme pour son court-métrage documentaire Lorenza – Portrait of an Artist (1992), qu’il présente comme film de fin d’études à la Hochschule für Fernsehen und Film de Munich. Bien qu’ils n’aient jamais rencontré L. Böttner en personne, les auteurs chiliens Roberto Bolaño et Pedro Lemebel racontent sa vie extraordinaire dans leurs ouvrages respectifs Estrella Distante (Étoile distante, 1996) et Loco Afán. Crónicas del Sidario (Folle Ardeur. Chroniques de sidatorium, 1996). P. Lemebel en entend parler par l’intermédiaire de l’artiste Mario Soro (né en 1957), qui fait la connaissance de L. Böttner en 1989 lors de l’exposition d’art chilien Cirugía Plástica [Chirurgie plastique] à la Staatliche Kunsthalle de Berlin. Il·elle·s se fréquentent également au Chili au début des années 1990, où Lorenza se rend brièvement pour réaliser une performance à la Galería Bucci à Santiago. L. Böttner meurt en 1994 de complications liées au VIH.
Plus tard, le philosophe et commissaire d’exposition Paul B. Preciado accède aux archives des œuvres de l’artiste détenues par sa mère et en tire une rétrospective, Requiem for the Norm. L’exposition est présentée pour la première fois en 2018-2019 à La Virreina, Centre de la Imatge à Barcelone, puis en 2019 à la Württembergischer Kunstverein à Stuttgart, et enfin à l’Art Museum de l’University of Toronto en 2020.