Lesley Stevenson, Louise Moillon, Londres, Lund Humphries, 2024
→Cécile Coutin, Françoise du Mesnil, La vie silencieuse de Louyse Moillon, 1610-1696, Paris, Le Jardin d’Essai, 2017
→Dominique Alsina, Louyse Moillon (Paris, vers 1610-1696) : la nature morte au Grand Siècle : catalogue raisonné, Dijon, Faton, 2009
Louyse Moillon (circa 1610-1696) : la nature morte au Grand Siècle, Galerie Eric Coatalem, Paris, 13 novembre-12 décembre 2009
Peintre française.
Louise Moillon est fille de peintre, Nicolas Moillon (1555-1619), sœur de peintre, Isaac Moillon (1614-1673), belle-fille de peintre, François Garnier (1600-1672)… Elle naît donc dans un milieu très favorable à l’éclosion de son talent d’artiste.
Son père, de confession calviniste, peintre et marchand de tableaux, s’établit à partir de 1616 sur le pont Notre-Dame puis, l’année suivante, à l’importante foire annuelle Saint-Germain. De nombreux peintres et marchand·es flamand·es et hollandais·es s’y côtoient et diffusent les nouveaux courants picturaux nordiques et le goût pour les divers genres : paysages, marines, scènes de marché et natures mortes.
Les natures-mortes de L. Moillon s’inscrivent dans la jeune tradition nordique, en particulier celle du sous-genre des « tables servies », juxtaposant des aliments propres à réjouir l’œil et à exciter l’appétit. Elle peint également des scènes de genre d’inspiration flamande comme La Marchande de fruits et de légumes (1630).
L. Moillon a peut-être appris les rudiments de son art auprès de son père. Après sa mort, en septembre 1619, elle bénéficie certainement de l’enseignement de son beau-père, le peintre F. Garnier, que sa mère, Marie Gilbert, épouse en secondes noces, en août 1620.
Les premières peintures datées de L. Moillon remontent à 1629. Quatorze peintures de sa main sont mentionnées parmi les biens inventoriés après le décès de sa mère en août 1630, ce qui confirme une activité soutenue et ancienne, c’est-à-dire un talent très précoce.
Une cinquantaine de ses peintures sont aujourd’hui connues, plus de trente étant calligraphiquement signées en lettres cursives « Louise Moillon ». Les œuvres datées, pour la plupart exécutées sur panneau, s’échelonnent entre 1629 et 1644 ou 1645. Mais il semble qu’elle ait notablement ralenti sa production après son mariage avec le marchand de vin Étienne Girardot en novembre 1640. L. Moillon est morte à Paris en 1696 à l’âge de 86 ans.
La plus séduisante des natures mortes de L. Moillon est peut-être la Coupe de cerises, prunes et melon (vers 1633) acquise par le musée du Louvre en 1982. C’est d’abord un tour de force de coloriste par la variété et la vérité des rouges. L’artiste a capturé les subtiles modulations de la nature. Elle a relevé les tons rouges dominants par contraste avec les verts des feuilles. Elles se découpent avec relief sur le fond des cerises. La tension des complémentaires, rouges et verts, se résorbe dans l’équilibre général de la composition : la masse principale des cerises flanquée de deux motifs secondaires, les prunes à gauche, le melon à droite. Le bleu pâle des prunes et l’orangé du melon tempèrent les contrastes et reposent le regard. Rendent la composition classique et intemporelle en dépit de son naturalisme. Œuvre apaisante, propre à la méditation, devant laquelle il faut s’arrêter longuement.
Comme Johannes Vermeer (1632-1675), L. Moillon a volontairement restreint le champ de sa création, revenant avec obsession à cette construction pyramidale où un motif dominant est tempéré par quelques autres, qui le flanquent, à des détails plutôt tracés que peints, à l’aide d’un pinceau d’une finesse extrême, tandis que l’artiste s’efforce de capturer la subtilité des tonalités de la nature les plus éphémères et les plus belles.
Les tableaux de L. Moillon sont très appréciés de son vivant : cinq de ses œuvres sont inventoriées dans la collection du roi d’Angleterre Charles Ier, le meilleur connaisseur de la peinture au xviie siècle parmi les souverains… un véritable honneur ! Le surintendant des finances, Claude de Bullion, possède également au moins trois natures mortes de L. Moillon. Dès la fin du xviie siècle, son nom sombre dans l’oubli. C’est pourquoi encore aujourd’hui la plupart de ses peintures n’ont pas trouvé leur place dans les grands musées, mais appartiennent à des collections privées. Leur redécouverte commence en 1934 grâce à l’exposition des Peintres de la réalité organisée à l’Orangerie des Tuileries, à Paris : deux natures mortes de L. Moillon, conservées au musée des Augustins à Toulouse, y sont présentées. Depuis les années 1950, les travaux de Charles Sterling, Michel Faré, Dominique Alsina, Claudia Salvi et Lesley Stevenson ont permis de mieux faire connaître l’artiste.
Une notice réalisée en partenariat avec le musée du Louvre.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025