Lygia Clark, cat. expo., Fundació Antoni Tàpies, Barcelone ; MAC, galeries contemporaines des musées de Marseille ; Fundação de Serralves, Porto ; Société des expositions du Palais des beaux-arts, Bruxelles (1997-1998), Paris, Réunion des musées nationaux, 1998
→Diserens Corine (dir.), Lygia Clark : de l’œuvre à l’événement, cat. expo., musée des Beaux-Arts, Nantes (8 octobre – 31 décembre 2005), Nantes / Dijon, Musée des Beaux-Arts de Nantes / Les Presses du réel, 2005
→Bulter Cornelia (dir.), Lygia Clark: The Abandonment of Art, 1948–1988, cat. expo., Museum of Modern Art, New York (10 mai – 24 août 2014), New York, Museum of Modern Art, 2014
Lygia Clark, Museu de Arte Contemporanea da Universidade, Sao Paulo, Brésil , 1987
→Lygia Clark, De l’œuvre à l’événement, Nous sommes le moule. A vous de donner le souffle, musée des Beaux-Arts, Nantes, 8 octobre – 31 décembre 2005
→The Abandonment of Art, 1944–1988, Museum of Modern art, New York, 10 mai – 24 août 2014
Peintre, sculptrice et psychothérapeute brésilienne.
Mariée à 18 ans, Lygia Clark mène une vie bourgeoise jusqu’à son divorce en 1947, puis s’installe à Rio de Janeiro pour embrasser une carrière artistique. Sa formation picturale commence auprès de Roberto Burle Marx (1909-1994), célèbre architecte paysagiste, et se poursuit à Paris, entre 1950 et 1952, aux côtés de Fernand Léger (1881-1955) et d’Árpád Szenes (1897-1985). À l’heure où l’art concret, mouvement abstractionniste tributaire du constructivisme russe, domine les arts visuels en Amérique du Sud, sa peinture s’inscrit dans l’exploration concrétiste des éléments de l’espace pictural, avec une attention spéciale aux interstices entre plans, et notamment à l’interphase entre la toile et le cadre – qu’elle traitera comme un élément plastique à part entière. En 1959, un groupe d’artistes de Rio de Janeiro signe le Manifeste néo-concret, en réaction à l’intransigeance formaliste et rationaliste du concrétisme. L. Clark devient l’une des figures centrales de cette dissidence prônant une approche plus organique et personnelle de l’œuvre d’art. « Les formes dites géométriques perdent le caractère objectif de la géométrie pour devenir un véhicule de l’imagination », affirme-t-elle. Dans la série Bichos (« Insectes », 1960), des plaques de métal poli unies et articulées par des charnières, le spectateur doit devenir l’agent de l’œuvre, c’est-à-dire la réactualiser en modifiant les rapports spatiaux entre les plaques. La même année, L. Clark enseigne les arts plastiques à l’Institut national d’éducation de sourds, où elle met en place des expériences qui demandent toujours plus de participation de la part du public et qui vont dans le sens de la désincarnation de l’art. Caminhando (« En marchant », 1964) est l’œuvre emblématique de cette transition : un ruban est rompu longitudinalement par un spectateur, au fur et à mesure qu’il avance dans le sens de sa longueur ; le participant crée ainsi un ruban de Möbius. « L’œuvre consiste dans l’acte de faire l’œuvre même ; vous et elle devenez indissociables », déclare L. Clark.
Dans les années 1960, elle considère que l’artiste doit proposer et canaliser des expériences de ce genre, ayant pour but d’explorer certains phénomènes perceptifs, mnémoniques ou émotionnels : Luvas sensoriais (« Gants sensoriels », 1968) est une invitation à la redécouverte du toucher ; dans O Eu e o tu, série roupacorpo-roupa (« Me moi et le toi, série vêtement-corps-vêtement », 1967), un couple mixte est invité à porter des vêtements confectionnés par l’artiste, censés procurer des sensations « féminines » à l’homme et « masculines » à la femme ; A Casa é o corpo, labirinto (« La maison est le corps, labyrinthe », 1968) consiste en un tunnel de 8 mètres de longueur que le spectateur parcourt, plongeant successivement dans des atmosphères intitulées « Pénétration », « Ovulation », « Germination » et « Expulsion ». La participation du spectateur et le dépassement du support matériel, qui sont alors les axes de l’œuvre clarkienne, s’associent dans les années 1970 à un discours tributaire des théories de Melanie Klein et Donald Winnicott : c’est un tournant définitivement thérapeutique dans le travail de L. Clark, qui, vers la fin de sa vie, considère sa démarche comme appartenant davantage au domaine de la psychanalyse qu’à celui de l’art. Entre 1970 et 1975, elle dirige un séminaire sur la fantasmatique du corps au centre Saint-Charles de l’université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, dans lequel elle propose des exercices collectifs qui poursuivent son exploration du psychisme, tels que Túnel, Canibalismo, Baba antropofágica (« Nounou anthropophage »), partant de l’exécution de différents dispositifs conçus comme médiateurs d’expériences symboliques ultérieures.
Après son retour au Brésil en 1976, elle évolue en marge du monde de l’art, mais ses activités alors purement psychothérapeutiques ne suscitent guère l’intérêt des psychologues ni des psychiatres. Sa dernière série, Objetos relacionais (« Objets relationnels »), conçue en vue de rencontres thérapeutiques individuelles, devait servir à faire revivre, dans une logique régressive, des sensations enregistrées dans la mémoire du corps dans un temps antérieur à l’acquisition du langage. Ce n’est qu’à partir de 1980 que son œuvre acquiert une ample reconnaissance internationale. Les rétrospectives qui lui sont consacrées célèbrent son caractère polymorphe (œuvre désincarnée, œuvre processus, œuvre-médium) et soulignent le regard critique que L. Clark portait sur une certaine dérive fétichiste dans l’art contemporain, tendant à figer et à sacraliser les figures de l’artiste et de l’objet d’art.