Salamé Abillama, Nour (dir.), L’art au Liban. Artistes modernes et contemporains. 1880-1975, Tome I, Beyrouth, Wonderful Editions, 2012
→Begdache, Nadine et Nammour, César, Muazzaz Rawda, cat. expo., Galerie Jeannine Rubeiz, Beyrouth (12 juin-5 juillet 1996), Beyrouth, Galerie Jeannine Rubeiz, 1996
→Khal, Helen, The Woman Artist in Lebanon, Washington, Institute for Women’s Studies in the Arab World, 1987
Muazzaz Rawda, Galerie Jeannine Rubeiz, Beyrouth, 12 juin-5 juillet 1996
→Dar El Fan, Beyrouth, 1970
→Galerie L’Amateur, Beyrouth, 1965
Sculptrice libanaise.
Dotée d’une personnalité implacable, Mouazzaz Rawda est reconnue pour son œuvre sculpturale, qui témoigne de son goût pour la liberté et à travers laquelle elle s’accomplit aussi bien comme femme que comme artiste. Née Mouazzaz Pertev dans une famille turque aisée à Bagdad, la jeune fille mène sa scolarité à l’école normale d’Istanbul. Conformément à son milieu social privilégié, elle s’initie à la musique, particulièrement à l’oud, au piano et au violon, ainsi qu’à la couture et à la peinture. Lors d’un voyage au Liban en 1926, elle fait la rencontre du médecin Youssef Rawda, qui devient son époux.
Désormais installée à Beyrouth, M. Rawda suit quelques cours dans l’atelier de son ami le peintre Moustafa Farroukh (1901-1957), lequel l’encourage plutôt à suivre une formation académique. Cependant, ce n’est qu’à l’approche de ses cinquante ans qu’elle se consacre pleinement à l’art. Elle éprouve alors le besoin de retrouver un sens à sa vie pour ne pas s’enfoncer davantage dans l’ennui que lui procure sa situation conjugale. En 1954, elle s’inscrit donc à l’École de peinture de l’Académie libanaise des beaux-arts et s’y forme pendant trois ans. Entre 1957 et 1977, elle suit des cours dans plusieurs disciplines telles que la peinture, le dessin, la céramique, le design et la sculpture sous la direction de l’artiste américain Arthur Frick à l’université américaine de Beyrouth. Entretemps, elle séjourne durant quelques mois à Paris.
Bien qu’elle réalise quelques peintures, comme Irises (1964), M. Rawda consacre sa pratique principalement à la sculpture. Travaillant le bois, le marbre ou encore la pierre, l’artiste adopte rapidement le langage abstrait, jouant entre les espaces vides et les espaces pleins formés par les volumes de ses modèles. Elle synthétise les éléments qu’elle imbrique parfois comme de véritables constructions, notamment dans Femme 1 (vers 1960). Elle en réfère souvent au corps des femmes, dans lequel elle trouve un terrain d’expérimentations où la sensualité, accentuée par la souplesse des lignes, se marie avec la robustesse des matériaux. Elle rejette ainsi toute rigidité et l’œuvre Refusal (1975), par exemple, montre sa volonté d’insuffler mouvement, rythme et force émotionnelle dans ses sujets de représentation.
Travaillant entre sa maison à Aley et son atelier à Beyrouth, M. Rawda s’impose progressivement dans les cercles artistiques et culturels au Liban. Entre 1964 et 1968, elle participe aux éditions annuelles du Salon d’automne au musée Sursock. Dans ce domaine de la sculpture qui reste alors dominé par les hommes, M. Rawda parvient à s’imposer avec son style anticonformiste et vibrant, notamment lorsque ses œuvres intègrent l’espace public, ce qui lui apporte une certaine notoriété. En 1967, elle remporte le premier prix au concours des monuments organisé par le ministère du Tourisme pour sa sculpture en pierre Hayalissa (1964), exposée à l’entrée de la ville de Saïda. Dans cette même ville, elle réalise l’œuvre en marbre Dabke (1970), qui occupe la place du Château de la Mer.
Bien qu’une partie des œuvres aient disparu dans le bombardement de sa maison d’Aley lors de la guerre civile, M. Rawda laisse derrière elle un travail innovant et poétique, incarnant l’énergie retrouvée d’une femme qui s’est toujours voulue libre. Ses œuvres sont comptées dans les collections d’institutions publiques au Liban, comme le musée d’Art moderne et contemporain à Alita ou le Beirut Museum of Art, et en France, notamment à l’Institut du monde arabe à Paris, mais aussi dans des collections privées régionales, par exemple la Barjeel Art Foundation à Sharjah.
Une notice réalisée par AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, en partenartiat avec le The Beirut Museum of Art (BeMA).